Kingdom Come Deliverance 2 signe le retour de Henry et Hans dans une aventure qui s’inscrit dans la lignée de son prédécesseur…
Kingdom Come Deliverance a marqué mon expérience de joueur il y a 7 ans. Comme je le précisais à l’époque (dans un article disponible en cliquant sur ce lien), il était porté par un supplément d’âme qui témoignait de l’amour du studio Warhorse pour une première œuvre imparfaite mais tellement enrichissante. C’est avec plaisir et non sans impatience qu’il me tardait de découvrir la suite des aventures de Henry et son seigneur Hans Capon. Je n’ai pas été déçu, on y retrouve toutes les bonnes inspirations du premier volet.
Liberté, Égalité, Fraterniq/tué
Kingdom Come Deliverance 2 nous laisse ce sentiment si satisfaisant qu’est la liberté. La liberté donnée au joueur d’explorer comme bon lui semble, à ses risques et périls. La liberté de faire des choix, pour Henry et pour nous, de gonfler des caractéristiques ou d’autres, de prendre des décisions pieuses ou batardes, de trahir un camp ou l’autre, de le faire même au dernier moment.
La liberté d’errer dans une région dans laquelle nous sommes tous égaux, ou pas. On est surtout tous égaux devant les obstacles qui se dressent devant nous, devant la mort et contre des événements défavorables. Et il y en aura, dès le début de la partie. Contrairement à ce que nous laissait penser les premières minutes de jeu, notre aventure ne sera pas une promenade de santé. Une embuscade et nous devenons bien impuissants devant toutes ces infortunes qui nous tombent dessus. Et par la suite, on va devoir cravacher, encore et encore.
C’est à ce moment que Warhorse nous sert à nouveau tout le propos du jeu. On va devoir tout réapprendre, tout reconstruire et peser tout le poids de nos décisions, avec les conséquences que cela implique. De retour dans la Bohème du XVe siècle, notre héros se retrouve au cœur d’un jeu de pouvoirs et de trahisons à grande échelle, et c’est là où nous emmène son scénario, dans lequel vos décisions peuvent réellement impacter les protagonistes. Il est souvent question de vie et de mort, et bien que le destin de certains personnages soient scriptés, d’autres dépendent de vos actions. L’écriture du scénario a été bien travaillée, et on se montre vite concerné par le destin de cette Bohème, de chaque forteresse, village et tous les artisans qui les composent.
Néanmoins, les événements les plus captivants sont souvent à retrouver en bas de l’échelle, entre villageois et autres vagabonds. Si on peut prendre la liberté de découvrir l’histoire principale en ligne droite (ce qui fait perdre beaucoup d’intérêt au jeu), on prend surtout énormément de plaisir à parcourir le monde et se lancer dans les quêtes annexes, voire les simples tâches. De même, ce qui est encore plus agréable, c’est que ces quêtes annexes demeurent quelques fois étroitement liées à la quête principale, enrichissent sa narration, de sorte que l’on peut même en discuter à des personnages que l’on rencontre que plus tard dans le jeu. Une écriture fine et de qualité qui nous rappelle que les petites histoires valent autant que celle écrite dans les bouquins.
Un jeu vidéo dont vous êtes le héros
Littéralement.
Si on incarne toujours (ou presque) le héros dans les jeux vidéo, on emprunte souvent le chemin dicté par les créateurs, on se dirige souvent vers des lieux pré-établis par des experts en programmation. Bien sûr, au fond c’est tout de même le cas ici. MAIS…
Kingdom Come Deliverance 2, tout comme le premier du nom, nous offre un sentiment de liberté totale, cette impression que l’on va façonner notre avatar par nos faits et gestes, et non par de simples lignes textuelles sur un passeport. Si vous êtes toujours partant pour un duel, vos caractéristiques en combat vont grimper plus vite que la moyenne. Au contraire, si vous préférez la discrétion, ce sont vos points en furtivité qui vont croître. Et cela s’accompagne d’autres possibilités, puisque les points que vous gagnez sont à débourser dans des compétences qui peuvent favoriser votre style de jeu. En naviguant dans les onglets du personnage, on s’aperçoit qu’il existe en tout 275 atouts et compétences, de quoi varier considérablement les profils de joueur, et les façons d’aborder le jeu et son environnement.
Les quêtes annexes permettent de découvrir toutes ces caractéristiques, surtout en début de partie. Ce n’est pas anodin si le jeu vous introduit les concepts de la Forge ou l’Alchimie. Cela pourrait paraître ennuyeux de s’occuper vous-même de ces tâches artisanales, on aurait apprécié une option qui permette d’automatiser ces procédés (quitte à récolter une moins bonne qualité du résultat, ou une progression nulle dans ce domaine de compétences), mais cela mène encore à des profils différents. Il est ainsi curieux de voir que des atouts octroient un bonus de Force lorsque l’on cueille à répétition des fleurs. Mais c’est aussi signe que le jeu a été pensé de fond en comble.
Ainsi, il faut même soigner votre apparence au risque de passer pour un mendiant que personne ne souhaite approcher. Se nettoyer le visage permettra de récupérer de la santé, mais aussi de paraître acceptable aux yeux de villageois. Selon vos habits, vous gagnez en charisme et autres attributs. Au cours de certaines quêtes, il vous sera même demandé de quitter votre armure pour paraître bourgeois et entrer à une fête… Et soigner ce genre de caractéristiques n’est pas seulement utile pour des droits d’entrée, cela permet aussi de convaincre et persuader son interlocuteur. En effet, lors de dialogues importants, vous disposez souvent de différents choix ; certains s’appuient sur votre bagout, d’autres votre charisme etc. Donc c’est au joueur de choisir ce qu’il voudra maximiser lors de son aventure.
Enfin, on vous confronte à des choix capitaux dans les quêtes annexes et le scénario principal. Cela impacte votre réputation et votre relation avec les protagonistes de l’histoire. Le mieux dans tout cela, c’est que la morale n’intervient pas pour les récompenses. Que vous choisissez un camp ou un autre (coucou Konrad), vous gagnerez souvent une récompense similaire en matière de Groschen (la monnaie du jeu), mais impactera les interactions avec les personnages d’une quête. Certains choix pourront avoir des conséquences irréversibles et méritent réflexion.
Cette liberté est donnée à tous les étages et nous procurent des sensations de jeu grisantes, un véritable jeu dont nous sommes le héros, avec des choix qui impactent l’histoire, et dans lequel nous disposons de plusieurs chemins pour parvenir aux différentes étapes de l’histoire principale.
Cruel et enchanteur
Mourir 1000 fois, c’était déjà un sentiment étrange dans Kingdom Come Deliverance, autant frustrant qu’agréable, car le jeu ne nous fait que peu de cadeaux. Il ne sera pas question ici d’être surpuissant et de spammer un bouton d’attaque pour l’emporter. Il faut s’entraîner, contrer et aborder finement les combats, à mains nues, à cheval ou à l’épée et autres armes. Le combat est ainsi soumis aux mêmes règles que le reste. La pratique est recommandée, personnaliser ses compétences en adéquation avec votre façon de vous battre aussi.
C’est d’autant vrai que la défaite risque d’être lourde de conséquences. En cas de mort, il est possible de réapparaître tellement loin en arrière que ça en est très frustrant. Le système de sauvegarde reste archaïque puisqu’il n’est possible de sauvegarder qu’en buvant un Schnaps ou en dormant. Ainsi, si vous avez exploré pendant une vingtaine de minutes et que des bandits vous découpent en 4, retour au point de départ. Sauf si vous êtes rusés, et personnellement j’ai fini par l’être. Il existe bien un moyen de sauvegarder votre progression, il suffit alors de « sauvegarder et revenir au menu principal », un moyen que j’employais régulièrement. Sur PS5, charger une partie ne prend que 10 secondes de votre temps. Et je préfère perdre 10 secondes de mon temps que 15 minutes d’exploration.
Par ailleurs, même si tous les chemins sont possibles pour notre héros, du plus noble au plus malfamé, on nous inculque tout de même l’amour du risque. La tentation de s’infiltrer dans des lieux interdits, de voler ceux qui ne devraient pas dormir au moment où on les croise, de crocheter des coffres ou de trouver les clés dans les poches de nos voisins… Tout comme le plaisir d’exploration et d’interagir avec ce monde, cette tentation de réaliser des actions interdites, du moins déconseillées, reste récompensée quand elle est synonyme de succès, et d’autant plus punie lorsqu’elle est signe d’échecs.
On reste toujours subjugué par toutes les possibilités qu’offrent le jeu. On peut servir tout le monde et n’importe qui en accomplissant des activités et certaines tâches, nous transformant instantanément en un enquêteur des temps modernes médiévaux à la recherche de la vérité, une vérité qui nous appartient puisqu’il est possible de la garder pour soi, malgré les questions de nos interlocuteurs qui nous ont souvent chargé d’une mission. Cela peut ainsi condamner les uns, sauver les autres, ou simplement servir nos intérêts. On se retrouve ainsi au milieu d’un écosystème interactif, social, cohérent et rondement imaginé par les développeurs de Warhorse.
Quoiqu’il en soit, le plaisir d’exploration est intact une fois que l’on acquiert la bonne technique de sauvegarde. Si le monde ne regorge pas de trésors à proprement parler, il camoufle de nombreuses quêtes annexes et personnes avec qui interagir, parfois juste pour le plaisir, parfois par intérêt, parfois pour nous soutirer nos économies. La Bohème conserve un charme certain et elle gagne tout de même en réalisme ainsi que dans sa qualité à nous dessiner des environnements qui ne souffrent plus de problèmes de texture. On notera tout de même quelques bugs et cinématiques saccadées (que le patch a peut-être corrigé depuis…).
Kingdom Come Deliverance 2 reste une nouvelle fois un travail d’orfèvre de la part du studio Warhorse qui s’est une nouvelle fois attardé à soigner ingénieusement le fond plus que la forme, même si celle-ci a gagné en qualité depuis 7 ans. Il en résulte pour le joueur un sentiment de liberté incroyable et la lecture d’une quête chevaleresque qui n’a pas fini de le surprendre. On tient une nouvelle fois un des meilleurs RPG en monde ouvert de la décennie à quiconque s’investira corps et âme dans un nouvel apprentissage de la vie d’un homme qui n’était que forgeron, mais qui devient grâce à nos choix et nos actions un véritable héros de Bohême. Une aventure incroyable qui marque les esprits.