Laissez-moi réfléchir !
Toute histoire policière doit commencer avec un mystère ou une originalité, souvent glauque quand il s’agit d’histoires de meurtres, pour susciter l’intérêt et ainsi attraper l’attention du public et ne plus la relâcher. Et Emio – l’Homme au sourire part sur de bonnes bases. Un mort retrouvé, la tête dans un sac en papier kraft sur lequel a été dessiné un visage souriant. Une légende urbaine partie de 3 meurtres une vingtaine d’années plus tôt et le décor est planté pour le jeune détective que nous incarnons, membre d’une petite agence privée japonaise composée de son patron détective chevronné et d’une seconde détective tout aussi jeune que notre protagoniste.
Visual novel sans réelle nouveauté
Emio – l’Homme au sourire se présente comme un jeu visual novel, un sobre menu va nous permettre d’interagir avec la scène : poser des questions, interagir, observer l’environnement, téléphoner et réfléchir. Car c’est important la réflexion dans un jeu d’enquête. C’est juste dommage qu’à l’instar d’autres jeux d’enquêtes récents testés dans ces pages, Emio a décidé de le faire à la place du joueur quitte à rabâcher des évidences. Les devs doivent viser un très grand public, mais prendre la main comme à un enfant de 4 ans pour lui faire traverser la rue n’aide pas vraiment à se sentir concerné.
Notre chemin vers la vérité va donc consister à enchainer les journées, les lieux et les personnes à interroger. Nous ne sommes pas en présence d’un point & click ou d’un jeu d’interrogatoire. On nous impose les lieux à visiter, l’ordre dans lequel le faire et les personnes avec lesquelles discuter. Quand on semble bloqué, il suffit de passer en revue toutes les options, un peu comme lorsque je tentais de combiner tous les objets possibles de mon inventaire dans Monkey Island ou Day of the Tentacle. Sauf que dans ces derniers, j’étais libre de mes mouvements, quitte à faire 50 allers-retours. Dans Emio, tant qu’il reste des choses à faire il vous sera impossible de bouger, impossible de perdre l’attention d’un personnage, et, au final, impossible de vous rater. Certes, à certains moments, une fois que la possibilité de changer de lieu se débloquera, vous pourrez rater une ligne ou deux de dialogues, mais aucune information vitale ne sera mise de côté.
Emio – l’Homme au sourire se compose de 12 chapitres, et seuls les 2 derniers pourront permettre d’alterner certains lieux à votre convenance. Cependant, pour débloquer la situation vous devrez aller dans ces endroits dans un ordre précis et y faire des choses précises. Chaque chapitre se terminera avec un point sur votre journée d’enquête qui ne sera pas là pour vous faire connecter les indices mais plutôt pour vous interroger et voir si vous avez tout retenu. Cela prendra alors la forme d’un QCM, d’un mot à taper au clavier virtuel de votre console ou d’un choix à faire dans votre carnet de notes qui regroupe toutes les personnes rencontrées ou évoquées et toutes les informations acquises. Plutôt bien construit on aurait souhaité un système de lien permettant d’aller directement d’un info sur un personnage A vers l’info liée sur le personnage B, mais rien de bloquant. En vérité, hormis certains noms, tous les détails de l’histoire sont facilement mémorisables.
Un potentiel gâché
Car si l’histoire peut paraitre fouillis avec des personnages disséminés en 3 groupes distincts au début de notre enquête, elle est en fait particulièrement bien construite. La plupart des personnages sont attachants, nous n’avons pas relevé de trou de scénario, les seuls défauts sont plutôt dans le gameplay permettant d’interagir, de découvrir cette histoire.
Certains moments seront, certes, un peu gênants avec des personnages ; certains moments donnent vraiment l’impression de n’être là que pour faire du remplissage mais l’histoire est solide et d’une tristesse sans nom. D’ailleurs et sans spoiler, restez après les crédits pour avoir accès à un court métrage d’animation et à toutes les explications.
Car pendant que vous allez enquêter en incarnant tour à tour, le jeune homme ou la jeune demoiselle, votre parton va partir de son côté prenant à son compte un des volets du dossier. Problème est qu’on aura le sentiment que c’est lui qui a vraiment découvert tout ce qu’il fallait découvrir et pas vous.
Bien évidemment que vous trouverez des choses pertinentes mais l’impossibilité d’utiliser votre réflexion personnelle et l’obligation d’utiliser l’option de « réfléchir » pour débloquer le jeu vous laissera sur votre faim. Et c’est sacrément dommage car on sent bien que le jeu tente de nous amener sur de fausses pistes, mais comme c’est le jeu qui dirige, cette fausse piste a la même utilité que dans un livre ou un film. Problème nous sommes dans un jeu et on se demande où est le jeu.
On aurait aimé faire des recherches sur des plaques minéralogiques, chercher certains noms dans certaines bases de données, avoir la possibilité de changer de ton ou juste d’insister avec certains témoins montrant certains signes mais non, tout ce volet est réservé en arrière plan, à votre chef qui viendra tout dévoiler en fin de jeu.
Emio – l’Homme au sourire ne comblera pas vos velléités d’enquêtes en raison de son gameplay dirigiste. En reste une jolie réalisation, une histoire solide portée par des personnages attachants (pas tous non plus, je pense à toi le prof de collège fan de tiramisu).