Dans le monde du 4X historique, ce n’est pas la concurrence qui se bouscule, et c’est logiquement vers les Sid Meier’s Civilization que l’on se tourne lorsque vient le moment de s’y intéresser. Pourtant, après quelques expériences dans le domaine du 4X spatial (Endless Space 1 & 2) et du 4X médiéval-fantastique (Endless Legends), Amplitude Studios semble s’être suffisamment engaillardi pour se lancer à l’assaut du mastodonte de Firaxis. Et ce challenger se nomme Humankind, un 4X historique qui ressemble furieusement à un Civilization à vue de nez, mais qui renferme toutefois des trésors de nouveautés que nous vous proposons de découvrir dans ce test.
• Développeur / éditeur : Amplitude Studios / SEGA
• Support de test : PC (RTX 2070, Ryzen 2600X, 16Go RAM, SSD)
• Disponible sur : PC (via Steam, Game Pass, GeForce Now, Stadia et Epic Games Store)
• Version du jeu utilisée : version day-one + patchs jusqu’au 19/08/21
Ce qu’il y a de Meier dans Humankind
Pour celles et ceux qui ne connaissent pas très bien le concept du 4X, expliquons-le rapidement : le terme « 4X » est un raccourci pour « eXplore, eXploit, eXpand, eXterminate » (« explorer, exploiter, s’étendre, exterminer » en français). Concrètement, le but est de contrôler et d’administrer une partie de la carte de jeu avec ses unités et ses villes afin de devenir une puissance suffisamment grande pour remporter la partie. La puissance, si elle peut être évidemment militaire, peut toutefois revêtir différentes formes. Dans les Civilization, par exemple, il est possible de gagner une partie avec assez de puissance culturelle, diplomatique ou encore scientifique. Mais pour y parvenir, il faut être un·e fin·e stratège et gérer correctement ses ressources et le développement de son empire. Voilà dans les grandes lignes ce qu’est un 4X.
Avec Humankind, si la recette est grosso modo la même, le petit dernier d’Amplitude se démarque par des choix de gameplay qui s’éloignent de la recette classique d’un Civ. L’une des premières spécialités qui saute aux yeux est l’évolution de votre civilisation au fil des âges. Au lieu de n’en choisir qu’une pour toute la partie, Humankind vous propose de démarrer votre partie en tant que chasseurs-cueilleurs nomades de l’ère néolithique (une civilisation neutre, en somme), avant de faire le choix de telle ou telle civilisation à chaque palier de votre développement. Passé le néolithique, par exemple, vous pouvez évoluer en civilisation égyptienne ou babylonienne – pour ne citer que ces deux-là parmi une bonne dizaine à chaque fois. Et encore après, il est par exemple possible d’évoluer en civilisation romaine, perse ou encore assyrienne au moment d’atteindre l’époque classique. Avant de faire le choix entre scandinaves, teutons, Khmers et cie quand vient le moment de l’époque médiévale. En résumé, c’est un total de 6 ères à travers lesquelles vous évoluez en choisissant à chaque fois une civilisation en fonction de vos préférences et de leurs compétences propres. En sachant qu’il est possible de garder la même civilisation sur plusieurs époques – avec un petit bonus de points de gloire à la clé si l’envie vous en prend.
Les parties sont ainsi mieux rythmées et celles-ci vous permettent de vous adapter aux besoins du moment. Si vous avez commencé avec les bâtisseurs égyptiens mais que la famine guette, il sera peut-être pertinent de basculer sur une civilisation spécialisée dans la production de nourriture (sachant que vous garderez certains acquis des égyptiens comme les unités ou les bâtiments spéciaux déjà construits). On note aussi la présence d’un avatar qui remplace les leaders de Civilization. Cet avatar unique, que vous pouvez personnaliser à souhait avec un créateur de personnage plutôt bien fichu, représentera votre peuple tout au long de la partie avec une tenue qui s’adaptera à la civilisation en cours d’utilisation. Il en va de même avec vos adversaires, et il est même possible de récupérer l’avatar d’autres joueurs pour les importer dans votre partie via le site Games2Gether. Enfin, certains traits de personnalités peuvent être attribué à votre avatar pour que son IA agisse en fonction de ceux-ci quand d’autres joueurs l’affronteront après l’avoir importé dans leurs parties.
Un mode infini fini
D’autres spécificités propres à Humankind sont également au rendez-vous : la gestion des villes, par exemple, se différencie d’un Civilization par la création d’avants-postes dans les régions de la carte (n’importe quelle unité terrestre peut s’y coller) que vous pouvez transformer en villes ou relier à des villes déjà existantes pour agrandir celles-ci. Pas besoin de colons, donc, mais pas besoin d’ouvriers non plus. La gestion des infrastructures se veut ici plus légère et plus fluide avec des constructions qui se lancent dès que vous le décidez. Et s’il est possible de créer de nouveaux points d’apparition d’unités autre que le centre-ville, on regrette parfois l’impossibilité de créer des chaînes de production annexes pour produire l’armée en parallèle de celles des villes.
Quelques bémols se font toutefois ressentir au fil du jeu. Le rythme des parties, par exemple, qui se règle avec un ratio « temps de production/nombre de tours maximum », alors qu’il aurait été franchement préférable de pouvoir régler les deux séparément. Il est en effet possible de choisir 5 rythmes de jeu dans Humankind, en partant du « Blitz » (75 tours, progression très rapide) pour finir avec « Infini » (600 tours, progression très lente), ce qui provoque plusieurs frustrations. L’impossibilité de prendre véritablement son temps, par exemple, car la limite de tours prend le pas sur toutes les autres victoires. Peu importe s’il vous fallait le 602ème tour pour obtenir la victoire via la conquête de Mars, le jeu calculera les points au 600ème tour et déclarera le gagnant sur ce critère. Certes, vous pouvez continuer à jouer après la limite de tour, mais pour du beurre. On en vient donc à gagner le plus souvent les parties via le total des points de gloire, à moins de jouer comme un marathonien pour gagner autrement avant la limite (et bon courage si votre objectif était la victoire par conquête). Mettre le choix du nombre de tours et le réglage de la vitesse de progression à part aurait été une bonne idée pour compenser ce problème.
On regrette également que la progression entre les âges soit finalement assez rapide – et non-réglable, là encore. Sur des parties à progression rapide/moyenne, on se retrouve à survoler les civilisations choisies en trop peu de temps pour véritablement profiter de leurs spécificités (à moins de garder la même civilisation sur plusieurs époques, mais le but du jeu n’est pas censé d’être forcé à faire ce choix). On notera aussi la présence parfois trop rare et la répartition parfois hasardeuse de certaines ressources stratégiques, qui peuvent forcer à la conquête quand une grande carte ne contient par exemple que 3 unités de pétrole en tout et pour tout, et que 2 sur les 3 nécessaires à votre lanceur de fusée sont bloqués chez votre voisin encore trop peu avancé technologiquement pour être capable de les exploiter et de les revendre… Là encore, il aurait été intéressant de pouvoir gérer ce genre de choses dans les réglages de début de partie(même si, notons-le tout de même, il existe un moyen de contournement avec une des capacités des civilisations orientées finances permet de forcer l’exploitation d’une ressource par un tiers).
La désolation du smog
Malgré ces problèmes de rythme, on ne peut que souligner les qualités globales du titre. L’aspect gestion bénéficie de catégories intéressantes à exploiter, comme la gestion de la politique et des lois qui permettent d’orienter notre partie de manière idéologique tout en déverrouillant des capacités parfois redoutables. On notera dans la foulée le système de narration qui évolue en fonction de vos choix (et même de vos infrastructures, dans certains cas) et qui vous impose de prendre des décisions dans certaines situations (« allez-vous mettre votre peuple en quarantaine à l’apparition d’un nouveau virus ou ignorer le problème pour ne pas impacter l’économie ? » fait d’ailleurs partie de ces choix avec les conséquences qui vont avec). La présence d’un éditeur de cartes, aussi, ravira à coup sûr les créateurs qui voudraient créer leur propre monde ou tenter d’en recréer d’autres (le site mod.io commence d’ailleurs à héberger quelques cartes au moment de rédiger ce test).
Il est en revanche dommage que vers la fin d’une partie, la gestion de la pollution se démarque du reste par sa gestion floue et hasardeuse. Les infos à ce sujet se limitent à un mini-panneau avare en détails, et aucun volet de gestion ne nous permet de gérer les quartiers polluant ou les contre-mesures avec précision. On se retrouve ainsi avec des pics de pollution parfois impossibles à endiguer car les quelques mesures capables de la combattre ne nous semblent pas efficace. Idem avec son impact sur la stabilité des villes (l’équivalent de l’approbation ou du bonheur dans d’autres 4X et qui influe sur plusieurs stats de production) qui n’est répertorié nul part, ce qui peut entraîner des pics de mécontentement populaire auxquels seul un survol à la souris des quartiers peut répondre. Un peu étonnant de voir un tel système bazardé de cette manière au vu du soin porté aux autres.
Enfin, pour finir, nous soulèverons un petit point technique car nous avons rencontré pas mal de problèmes durant ce test réalisé sur une version pourtant non-bêta. Crashes divers (du jeu et même une fois du PC), corruption de sauvegardes, avatars des adversaires qui sont remplacés par d’autres à la suite d’un crash, armées qui disparaissent dans leur totalité (puis reviennent en rechargeant la partie, heureusement), bugs de calcul des coûts d’unité, etc. Visiblement, ces problèmes ne touchent pas tous les joueurs ni toutes et tous les consœurs et confrères qui ont testé Humankind, mais ces problèmes (non isolés d’après nos recherches) nous semblaient assez sérieux pour être précisés. Si nous ne déconseillons pas non plus Humankind à ce stade car celui-ci demeure jouable malgré ces quelques accidents, nous sommes tentés de vous recommander d’attendre quelques patchs si vous n’êtes pas pressé·e·s d’y jouer. Amplitude semble d’ailleurs enchaîner les mini-patchs correctifs afin de régler tout ça au plus vite.
Pour être franc, Humankind ressemble énormément à Civilization VI, tant au niveau de l’identité visuelle que sonore. Malgré tout, le 4X d’Amplitude réussit à se démarquer par d’excellentes idées de gameplay qui, toutefois, gagneraient à être creusées au niveau des détails (surtout concernant le réglage du rythme de jeu). En découle un jeu de stratégie et de gestion très agréable à prendre en main, et qui se destine autant aux néophytes qu’à celles et ceux ayant roulé leur bosse du côté des softs de Sid Meier et Firaxis.
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