Nouvelle licence d’Obsidian, The Outer Worlds avait fait son petit effet lors de sa première présentation l’an dernier. Derrière une annonce qui mettait l’accent sur son côté décalé à la Fallout (licence créée par Obsidian mais dont les droits sont actuellement détenus par Bethesda, ndlr), l’espoir était alors de mise concernant un retour sur scène de la narration acide sauce Obsidian. Toutefois, manette en main, le résultat est un peu différent de celui espéré. Que ce soit en bien ou en mal, on vous explique tout ça en détail.
• Développeur / éditeur : Obsidian Entertainment / Private Division
• Support de test : PC (Ryzen 5 2600X, GTX 1060 6G, 16 Go de RAM)
• Version du jeu utilisée : version standard, dématérialisée (Epic Games Store), fournie par l’éditeur
• Disponible sur : PC (Epic Games Store)
• Langue(s) du jeu : voix en anglais, textes et sous-titres multilingues (dont français)
The Outer Worlds : des airs de Faux-llout
Vous vous réveillez à l’intérieur d’un étrange module, un peu groggy, et un vieil homme aux airs de scientifique fou (et pour cause, c’en est un) vous fait un bref topo de la situation : vous avez été sorti d’une longue phase de cryogénisation après que votre vaisseau de colonisation a dérivé dans l’espace pendant plusieurs décennies. Mais pas de temps à perdre, l’homme vous expédie aussitôt sur une planète proche afin de récupérer les produits nécessaires à la décryogénisation de vos anciens camarades de dérive interstellaire. A cause du retard de votre transporteur, en effet, la durée raisonnable de suspension en cryo-stase a été largement dépassée et vous ne devez votre salut qu’à l’injection du dernier échantillon d’un mélange bien particulier et composé notamment d’un produit très difficile à trouver. C’est après la création de votre personnage et cette intro un peu rapide que votre aventure commence…
Vos premiers pas sur Terra-2 font office de bref tuto : sauter, se baisser, attaquer, se cacher… Le jeu en profite également pour vous mettre au contact des deux premières factions du jeu : les maraudeurs (de simples ennemis humains retournés à l’état sauvage), et les employés de Spacer’s Choice (une entreprise visiblement très possessive avec ses employés). Assez rapidement, on comprend que l’univers de The Outer Worlds se déroule dans un système solaire éloigné de la Terre, et où plusieurs corporations privées sont aux manettes de la colonisation depuis environ un siècle. Aucune forme de gouvernement, donc, uniquement des entreprises qui se tirent plus ou moins dans les pattes pour le pouvoir, mais qui – sauf exceptions – s’articulent toutes autour d’un insidieux système de classe séparant l’élite entrepreneuriale des larbins travailleurs.
The Outer Worlds se donne donc des airs de Fallout à travers ce qui se présente rapidement comme une satire du système capitaliste à tendance néo-libérale, le tout sur un fond d’univers de science-fiction mâtiné d’ambiance coloniale façon Far-West spatial. Malheureusement, le côté décalé de l’entreprise Spacer’s Choice et de son mode de fonctionnement totalement dinguo (n’oubliez pas de déclarer votre arrêt maladie 6 mois à l’avance) peine à créer une ambiance dystopique à la Fallout qui soit suffisamment épaisse pour s’immerger dedans. Les blagues tombent à plat, les premiers personnages rencontrés manquent de caractère, et les premières quêtes croisées sont des quêtes-fedex visant à détruire un automate pour le compte d’un complotiste ou à collecter l’argent dû au fossoyeur du coin par des habitants de la ville. Pour une mise en place, on a vu mieux.
Perfide Halcyon
Malgré tout, l’ambiance s’étoffe un peu au fil du jeu et les premiers passages vraiment drôles – mais rares – font leur apparitions. Et c’est au bout d’une dizaine d’heures de jeu qu’on commence d’ailleurs à se rendre compte de l’équilibre un peu bancal de The Outer Worlds au niveau du ton adopté. Tantôt décalé (surtout au début), tantôt très sérieux (surtout vers la fin), le petit dernier d’Obsidian a constamment le fessier entre deux sièges sans réussir à réunir ces deux aspects de son univers en un ensemble homogène. La critique sous-jacente des dérives du capitalisme sans régulation est très intéressante, par exemple, mais celle-ci est handicapée par une durée de vie très courte (nous y reviendrons un peu plus bas), trop courte pour permettre à un tel space opera de se développer correctement. Ce qui l’empêche de créer un tissu scénaristique suffisamment épais.
A travers les derniers communiqués de presse reçus, nous avions appris que The Outer Worlds se serait inspiré de Mass Effect. Il est vrai qu’entre le vaisseau personnel, son IA affranchie nommée ADA, l’ambiance SF raccordé au réel et le système de compagnons, il est compliqué de ne pas faire le lien avec la célèbre saga de BioWare. Malheureusement, si la forme le confirme, The Outer Worlds a encore du chemin à parcourir pour réellement capter l’essence d’un jeu qui a su se démarquer par la qualité de son game design, de ses personnages et de sa narration. Le space opera d’Obsidian, lui, introduit les compagnons au joueur comme si celui-ci ramassait des fraises, à savoir sans véritable contexte marquant. Pour illustrer, « bonjour je cherche du boulot, je peux venir avec vous ? » résume l’arrivée de Felix au sein de l’équipe. Et lesdits compagnons, en majorité, ne brillent d’ailleurs par leur charisme.
Mis à part la très attachante Parvati qui dispose de certaines qualités dans son écriture, le reste de l’équipe se résume à des archétypes peu fouillés qui rendent l’attachement difficile. A ce sujet, The Outer Worlds tient plus du Fallout que du Mass Effect. Même si on remarquera quelques discrètes touches progressistes qui auraient de quoi rendre fier BioWare, à l’image de ce compagnon dont l’asexualité est amenée de manière naturelle et touchante, du menu de création de personnage qui s’adresse à vous au féminin par défaut tant que le sexe n’est pas choisi, ou encore de la présence de nombreuses femmes de pouvoir au sein de l’univers du jeu. Il est cependant dommage que cette ouverture d’esprit n’ait pas déteint sur l’accessibilité du titre, celui-ci étant doté d’un défaut bien précis encore trop répandu parmi les jeux récents : des sous-titres trop petits et non-réglables qui poseront problème aux malvoyants voire aux yeux fatigués de fin de journée.
Mais pour en revenir au sujet principal, les histoires narrées par The Outer Worlds semblent ne pas atteindre leur plein potentiel. Au fil du jeu, on sent qu’Obsidian modère son impertinence, comme si une limite de l’acceptable était fixée et qu’il ne fallait pas la franchir. Pourtant, le matériau de base est loin d’être de mauvaise qualité : l’univers du jeu met en scène plusieurs factions sans céder à la facilité de la dichotomie ou du manichéisme, par exemple, et chaque camp possède ses propres brebis galeuses ainsi que ses défauts, ce qui sert le propos principal de l’histoire et qui peut se résumer ainsi : oui, le capitalisme dérégulé fonce tout droit vers la catastrophe, mais il ne faut pas pour autant donner le bon Dieu sans confession à toutes les factions qui s’y opposent. On est donc ici dans une forme d’encouragement à l’esprit critique, ce qui aurait pu donner un récit grandiose si celui-ci n’était pas bridé de la sorte.
Parmi ces brides, revenons sur la durée de vie de The Outer Worlds qui est assez moyenne pour un jeu affichant autant d’ambition. Au niveau de la quête principale, les missions sont très peu nombreuses et il est déconseillé de foncer dedans tête baissée en remettant les quêtes secondaires à plus tard au risque d’atteindre la fin du jeu à vitesse grand V. Les factions, quant à elles, peinent à allonger la durée de vie du jeu avec le peu de quêtes qu’elles proposent. Pour vous donner un ordre d »idée, notre premier run s’est terminé en 32h, avec la plupart des quêtes secondaires accomplies. La rejouabilité, toutefois, apporte un potentiel non-négligeable pour faire durer le plaisir, mais on regrettera l’absence d’un mode NG+ qui aurait permis aux joueurs de refaire une partie en se concentrant sur l’essentiel sans avoir à se farcir de nouveau des quêtes-fedex ou les petits camps en rase campagne pour se faire de l’XP.
Le Diable s’habille en ADA
Malgré cette ambiance scénaristique en demi-teinte, The Outer Worlds est loin d’être un mauvais jeu sur le plan du gameplay. Le dernier jeu d’Obsidian se révèle en effet plutôt agréable à jouer, avec notamment des sensations très réussies du côté du maniement des armes. La création de personnage, de son côté, est très étoffée et brille par son originalité en proposant des fonctionnalités proches d’un jeu de rôle sur table. Il est par exemple possible d’accepter des phobies en pleine partie qui prennent la forme de malus en échange d’un point d’avantage, ou encore de choisir certains traits de caractères qui influeront sur les stats et les dialogues. On regrette toutefois que la création de personnage soit aussi étoffée pour finalement être aussi inutile, étant donné que vous ne verrez celui-ci qu’à travers certains menus ou en lâchant la manette pendant quelques temps hors des menus. Ni les mises en scène des dialogues (assez sommaires) ni la vue (purement FPS) ne vous permettront de jouer les Narcisse.
Parlons également du système de réputation (à la Fallout, là encore), qui vous permet d’être plus ou moins en bons termes avec telle ou telle faction, mais qui se révèle plus anecdotique qu’autre chose. Si vous êtes trop dans le négatif, le camp concerné tirera à vue, et si vous êtes dans le positif, vous bénéficierez de réduction plus ou moins grandes. Et… c’est tout. Remplir des quêtes d’une certaine manière vous fera gagner ou perdre des points, et a contrario, certains actes illicites vous en feront perdre. Au chapitre de l’ergonomie, si l’ensemble tient la route, on notera tout de même quelques maladresses, à l’instar des nombreux objets à ramasser qui nécessitent d’être ciblés avec un peu trop de précision, ou encore l’absence de confirmation avant la vente d’un objet et qui peut entraîner quelques accidents si vous êtes trop rapides ou facilement dans la lune.
Techniquement, The Outer Worlds est assez intéressant. Visuellement très beau sans pour autant sortir la grosse artillerie, le dernier jeu d’Obsidian s’en sort avec une mention très honorable grâce au soin apporté à la majorité de ses décors et de certains panoramas qui sont tout simplement magnifiques. Avec notre configuration (cf. encadré en haut de ce test), les temps de chargement furent assez courts (en utilisant un HDD), et nous avons pu faire tourner le jeu en ultra avec un framerate entre 45 et 60 FPS selon la quantité d’éléments affichés à l’écran. Hélas, le constat n’est pas parfait pour autant, le jeu n’étant pas exempt de quelques bugs en date de ce test. Durant notre run de 32h, nous avons eu un freeze, 3 crashs aléatoires, et 1 crash systématique à un point précis vers la fin du jeu que nous avons du contourner pour réussir à passer à la suite (astuce : traversez la porte de côté en marchant très très lentement si le bug n’est pas corrigé d’ici-là). En terme d’animation, notons que les expressions faciales laissent un peu à désirer, les PNJ étant assez peu expressifs dans l’ensemble. Un peu à l’image de la bande-son, extrêmement quelconque et sans identité, qui peine à servir une direction artistique pourtant très réussie sur le plan visuel (si on n’a rien contre les couleurs saturées).
Bonus : l’avis complémentaire de Plumesdanges
The Outer Worlds est un jeu que j’attendais vraiment, étant une méga fan de Fallout New Vegas. Voir un jeu sortir des mêmes cerveaux me faisait rêver. Mon abonnement Xbox Game Pass offrant le jeu day one, c’était le bonheur, et à minuit pile j’étais devant le jeu. Et là, émerveillement, le jeu est superbe sur ma Xbox One X : coloré, plein de détails, bref j’en prend plein les yeux et j’adore ça. C’est d’ailleurs à ce moment, que je me rends compte qu’il manque une petite fonction photo, comme on peut en trouver dans les derniers Assassin’s Creed, par exemple. Oui, il me manque beaucoup ce mode photo, car je passe un temps fou à faire des screens, émerveillée un peu plus à chaque nouvelle planète. Il n’y a pas que le visuel qui me plait, les mécaniques de jeu à la Fallout, je valide, on connait bien, et ça fonctionne ! Même si parfois, c’est un peu compliqué de chopper une bouteille avec ton gros pétard dans les mains.
Je ne me sens pas perdu dans ce nouveau jeu, je l’adopte de suite, et plus je passe de temps à jouer plus je vois l’ombre de Mass Effect se profiler à travers le vaisseau et les possibilités – certes assez restreintes – de communiquer avec son équipage. Les mods d’armure, également, m’ont renvoyé à Mass Effect 1. Idem concernant le choix des personnages pour partir en mission, l’univers spatial me rappelle de bons souvenirs avec ma Shepard. Mais revenons à The Outer Worlds. J’accroche donc dès les premiers instants en jeu, et je pense même à ce moment précis avoir trouvé mon GOTY 2019. Les quêtes annexes, les quêtes compagnons (Mass Effect 2), les quêtes factions… il y a de quoi faire, et je ne sais plus où donner de la tête, je suis ravie. Puis, le scénario me laisse penser que la fin est proche… je me dis que non, qu’il y a encore des planètes que je n’ai pas encore pu visiter. Je garde alors confiance et j’avance dans la quête principale.
Et là, c’est le drame. La déception, même. La fin est effectivement arrivée, et je me lance dans cette dernière mission (d’ailleurs inspirée de la mission suicide Mass Effect 2, du moins le jeu le vend un peu comme ça au départ). Je rencontre un premier pseudo boss, j’le dégomme a coup de mots – ouais de mots, pas une petite claque ou un petit coup de pied, non non juste des mots – et hop, le mec se rallie à ma cause. Première grosse déception… mais je garde toujours espoir, car rappelons-le, je suis toujours persuadée qu’il reste des planètes a fouler et que ça ne peut donc pas être la vraie fin. Enfin bref, le premier dans ma poche je continue ma route pour tomber sur le big boss du jeu. Contente, je me prépare déjà à lui régler son compte à coup de fusil à pompe. Mais encore une fois, on va jouer à qui a la plus grande bouche, qui sait mieux manier les mots. Et c’est moi ! Le boss vaincu, je continue mon chemin toujours pleine d’espoir, et bam, je me prends d’un coup un finish dans la face qui te laisse K.O. sur ton canapé, manette en main, bouche ouverte. A ce moment-là, on bégaie, on se dit que non, ça ne peut pas être la fin, les larmes coulent le long de tes joues, et là, flashback, la fin de Mass Effect 3 te revient en tête. Oui, je suis autant déçue que je l’ai été devant Mass Effect 3. Ce jeu était si bien parti, pourquoi cette fin ? Pourquoi ? C’est une vraie question. Je ne comprends pas, The Outer Worlds avait tout pour réussir, pourtant.
Pour résumer, The Outer Worlds est un jeu singulier. Ni mauvais ni exceptionnel, nous serions tenté de le ranger dans la catégorie des « jeux moyens mais à faire quand même à l’occasion ». Il exhale pourtant de ce jeu un léger parfum d’excellence qui se remarque lorsqu’on s’attarde sur certains points comme son envie, certes timide, de proposer un récit engagé, ou ses inspirations puisées du côté des plus grands. Hélas, le jeu semble ne pas avoir eu les moyens de ses ambitions, et c’est un sentiment d’inachevé, plus que de gâchis, qui se révèle au fil de la progression. Doté d’un grand potentiel en dépit d’une exécution limitée, Obsidian peut faire de The Outer Worlds une grande licence si les verrous qui brident ce premier opus venaient un jour à sauter.
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