Tout droit sorti du Cameroun et premier RPG d’origine africaine, Aurion : L’Héritage des Kori-Odan est un jeu créé par le studio indé Kiro’o Games. Inspiré principalement par les mythes et légendes de divers pays d’Afrique – et à moindre niveau par l’univers des animes, des comics et des mangas – Aurion se présente comme une œuvre originale de type African-Fantasy.
• Développeur / éditeur : Kiro’o Games / Plug In Digital
• Disponible sur : PC (jeu sorti le 14 avril 2016)
• Support de test : PC (i5 2500K – GTX 1060 6G – 8Go RAM)
• Version du jeu utilisée : version commerciale (Steam) fournie par le studio (Kiro’o Games)
Voyage initiatique
Aurion : L’Héritage des Kori-Odan vous met dans la peau d’Enzo Kori-Odan, roi légitime du royaume de Zama, et d’Erine Evou, sa femme et reine. Alors qu’Enzo connait son dernier jour en tant que prince et attend son couronnement ainsi que son mariage avec Erine, le royaume de Zama est la cible d’un coup d’état perpétré par Ngarba Evou, le frère de la future reine. Enzo et Erine doivent alors prendre le chemin de l’exil afin d’entreprendre un pèlerinage destiné à éveiller les 4 piliers de l’âme d’Enzo, censés lui donner la force nécessaire pour reprendre son trône des mains de l’usurpateur.
Sous ses airs de simplicité, l’introduction d’Aurion n’est pourtant que le bourgeon d’une histoire passionnante qui éclot tout au long du jeu en révélant les unes après les autres des thématiques toutes aussi variées qu’intelligemment développées. Au fil des heures de jeu, on navigue ainsi sur les flots d’une narration qui n’est rien de moins que l’intérêt principal du jeu, et qui ne se contente pas d’être une simple excuse pour soutenir des mécaniques de gameplay. Le voyage initiatique d’Enzo et Erine est ainsi l’occasion de traiter – avec un habile mélange de sérieux et d’humour – de thèmes divers tels que la politique, la religion, les enfants-soldats, la guerre, les préjugés raciaux, le génocide, etc.
Mais Aurion ne s’arrête pas là : traiter de certains thèmes comme ceux précédemment cités peut facilement paraître superficiel au joueur si ceux-ci ne sont pas liés entre eux par un fil rouge philosophique poussant le joueur à la réflexion. Et c’est là qu’Aurion se distingue merveilleusement : son scénario est une ode à l’humanisme et à la paix, un appel à l’introspection et à l’ouverture vers l’autre, le tout présenté à travers les yeux du couple de héros qui découvrent progressivement le visage du monde et alternent en conséquence entre expérience acquise, critique de soi, et réflexion sur la nature humaine. En cela, n’ayons pas peur d’affirmer que la qualité scénaristique d’Aurion : L’Héritage des Kori-Odan est proche de celle d’Avatar : Le Dernier Maître de l’Air.
En terme d’écriture, Enzo et Erine bénéficient également d’un traitement assez poussé. Le couple ne se contente pas d’enchaîner les phases humoristiques, Enzo et Erine évoluent en effet non seulement sur le plan personnel et humain, mais aussi en tant que couple. Moderne mais tout en sobriété, l’écriture de leur relation rend chacun des deux personnages importants l’un pour l’autre, et il est agréable de voir une telle synergie entre deux personnages de sexes opposés sans que l’un ne soit le simple faire-valoir de l’autre. Certains autres RPG devraient en prendre de la graine.
Les personnages secondaires – bien qu’inégaux en terme d’intérêt dans leur ensemble – font également la force de la narration. A certains moments de l’histoire, des personnages forts et charismatiques, parfois attachants – à l’image de la reine des Bojaas ou du prince Dramane – viennent apporter un contrepoids essentiel à la présence des héros par le biais de leurs propres aspirations et de leur importance au sein de l’intrigue.
Réussite technique et artistique
Techniquement, Aurion : L’Héritage des Kori-Odan est souvent catégorisé comme Action-RPG, ce qui peut induire en erreur voire dérouter le chaland qui s’attend à jouer à un platformer 2D à la Dead Cells avec des éléments RPG placés en gestion des personnages. Or, si on veut être précis, Aurion se place plutôt du côté d’un J-RPG classique en s’inspirant du système des jeux de la série des « Tales Of », avec une progression scénaristique linéaire et des combats en temps réel séparés des phases d’exploration qui se mettent en place après un bref temps de chargement. Des points partagés également avec Final Fantasy XV, par exemple, mais qui n’en font pas pour autant un Action-RPG à proprement parler, faute de combats rattachés directement aux phases d’exploration (comme un Zelda ou un Dragon Age).
On notera par ailleurs que les combats aléatoires sur la carte du monde ne se déclenchent que si le joueur l’accepte via une pression sur le bouton A du pad Xbox (ndlr : nous n’avons pas testé l’ergonomie au clavier dans ce test, Kiro’o Games recommandant clairement un pad pour des conditions de jeu optimales). Une idée qui peut paraître triviale, mais qui permet au joueur de ne pas être interrompu toutes les cinq secondes par des combats et qui rend l’exploration plus agréable, plus particulièrement dans les endroits où le gain d’XP est faible et où la perte de temps engendrée par les combats aurait pu vite devenir agaçante.
Avec Aurion, on est ainsi en présence d’un RPG traditionnel qui a fait le pari de la 2D en exploration/combat, reléguant la traditionnelle vue isométrique à la carte du monde. Graphiquement, d’ailleurs, Aurion n’a pas à pâlir devant les autres productions indépendantes du moment : les décors y sont variés, jamais copiés-collés d’un endroit à un autre, et leur style d’inspiration africaine apporte un dépaysement certain à l’habitué des productions occidentales. Au niveau des personnages, le chara-design est clairement une franche réussite, et si certains PNJ mineurs ne se démarquent pas particulièrement, on ne peut cependant qu’apprécier le travail effectué sur les sprites des protagonistes (notamment ceux d’Enzo et Erine qui sont d’une grande expressivité corporelle) et des personnages secondaires au charisme certain.
Sur le plan artistique, l’ensemble de la DA est soutenu par une bande originale aux sonorités orientales et africaines accompagnant parfaitement la charte visuelle du jeu. Certaines pistes, en particulier, se démarquent du lot et dégagent une identité propre, à l’instar de « Weight Of The Legacy », ou encore « Nothing I Can Do ». On remarquera aussi la présence de quelques cut-scenes animées, au sein desquelles les combats s’enchaînent dynamiquement en 2D avec des scènes d’inspiration shônen.
Ergonomie du combat
Comme explicité ci-dessus, les phases de combats d’Aurion : L’Héritage des Kori-Odan se déroulent en temps réel. Pour rosser ses ennemis, le roi de Zama a à sa disposition toute une palette de techniques qu’il peut combiner à loisir pour effectuer des combos, ou afin de déjouer voire bloquer les attaques adverses. Un peu compliqué à appréhender de prime abord, le système est pourtant étonnamment rapide à prendre en main passé la première heure de jeu. Les différents types d’attaques sont en effet attribuées aux touches Y et B de la manette Xbox, qu’il faut ensuite combiner avec les directions du joystick de gauche. La touche B sert aux combos de base, et la touche Y permet d’accomplir des attaques spéciales liées aux « piliers d’âme », les pouvoirs du protagoniste sur lesquels nous allons revenir ci-après. Quant à la touche X, celle-ci permet d’effectuer des attaques basiques, bien utiles lorsque la jauge nécessaire aux combos commence à se vider. Afin de recharger ladite barre de combo (nommée « barre d’AP »), le joueur pourra maintenir le joystick gauche vers le bas afin de la recharger.
Enzo n’est d’ailleurs pas le seul à combattre : il peut compter sur l’assistance musclée d’Erine, capable tantôt de soigner son mari, tantôt de déchaîner des attaques massives afin d’éloigner les menaces ou de couvrir Enzo afin que ce dernier puisse recharger sa barre d’AP. Le duo de protagonistes se veut ainsi très synergique, et l’activation d’Erine se fait très naturellement entre deux actions d’Enzo. A un certain moment de l’histoire, il sera même possible d’invoquer un troisième personnage, également disponible via la gâchette de gauche, en combinaison avec la touche Y. Tout cela peut paraître complexe au début, mais on s’y fait assez rapidement.
Mais revenons-en aux piliers d’âme, les pouvoirs spéciaux d’Enzo. Au cours de son périple, le roi de Zama éveillera jusqu’à quatre piliers de son âme, correspondant chacun à une valeur humaine qui lui est propre. Chacun de ces quatre piliers, en sus du pilier principal qu’Enzo possède dès le début du jeu, permettent d’augmenter les statistiques du personnages et de déclencher des combos à effets variés en plein combat. Ces quatre piliers de l’âme possèdent également un élément (terre, feu, air, eau), que l’on pourra utiliser afin de profiter des faiblesses ennemies. Mais là où le système devient encore plus intéressant, c’est lorsqu’Enzo débloque la capacité de fusionner ses piliers d’âme pour en créer de nouveaux. Dès lors, le système devient assez addictif, et on se retrouve rapidement à vouloir tester toutes les combinaisons possibles dès que l’un des quatre piliers principaux se débloque dans le but de débloquer des capacités plus puissantes et dévastatrices (mais aussi plus gourmandes en AP, forcément). Si on rajoute à cela la possibilité de débloquer une capacité surpuissante pour chaque pilier (« héritage ultime ») à force d’usage, on obtient un système très complet, capable de motiver le joueur à tout déverrouiller.
On regrette toutefois que ces techniques aurioniques basées sur les piliers de l’âme deviennent assez vite surpuissantes, rendant les combos de base bien ternes en comparaison, autant en puissance qu’en terme d’effets visuels. Une fois quelques puissants piliers déverrouillés, on en vient alors à ne plus utiliser que ceux-ci, tapant comme un sourd sur l’ennemi sans se préoccuper du compteur de combo. Pour autant, malgré la légère répétitivité ressentie par cette domination des attaques spéciales sur les autres, les combats demeurent néanmoins agréables grâce aux effets visuels de ces attaques qui envahissent le champ de bataille avec des animations de toute beauté (mention spéciale à l’héritage ultime du pilier « leader », par exemple, est digne d’une invocation de J-RPG old-school).
Doté d’un scénario extrêmement bien écrit, d’une durée de vie honorable (environ 30h pour un premier run) et d’un système de combat qui demeure agréable à prendre en main malgré une répétitivité qui se fait sentir en milieu de partie, Aurion : L’Héritage des Kori-Odan est un jeu incontournable pour tout fan de RPG qui se respecte. Si quelques défauts et manques de finitions se font certes remarquer par moments, Aurion constitue néanmoins une expérience inoubliable qui, en fin de partie, nous pousse à nous demander si son fort potentiel ne pourrait pas l’emmener encore plus loin.
Oh putin, absence de quêtes annexes!!! C’est un RPG pour moi ça 😀