TEST – Frostpunk : jamais de compromis, pas même devant l’Apocalypse ?

frostpunk 11 bits studios testCréé par 11 bit studios, les créateurs du très audacieux This War of Mine, Frostpunk vous fait incarner le chef d’un groupe de survivants dans un monde cyberpunk post-apocalyptique. Un hiver à l’échelle mondiale et aux origines inconnues ravage les civilisations au fils des ans, et la seule planche de salut d’un groupe de londoniens semble être la migration vers le nord. Accompagné d’un gigantesque réacteur à charbon en guise d’unique allié contre le froid, le rôle du joueur est de guider ce groupe de migrants afin de bâtir une ville pérenne… et ce, par le biais de choix plus ou moins difficiles à faire car dictés par l’amer mélange de la morale et de la survie.

Développeur / Editeur : 11 Bit Studios
Support de test : PC (i5 2500K – GTX 1060 6G – 8Go RAM)
Version du jeu utilisée : version commerciale (Steam) fournie par 11 bit studios
Lien vers le test des versions consoles : https://www.tryagame.fr/test-frostpunk-version-consoles/

This Apocalypse of Mine

« Le premier jour au sein du cratère se lève, et le froid dévore déjà nos membres. Le réacteur surplombe les lieux, froid et silencieux, tel un colosse endormi. Il n’appartient qu’à nous de le réveiller afin de profiter de la chaleur salvatrice qui émanera de ses entrailles. Des débris jonchent le sol : charbon, caisses en bois, ferraille, … de quoi faire redémarrer le cœur de notre totem de feu et d’acier tout en construisant quelques abris de fortunes à la portée de sa bénédiction.

Mais rapidement, les débris se font rares, et notre stock de nourriture baisse de manière drastique. Il est temps de mettre à profit ces maigres réserves afin de créer nos propres puits de ressources. Mais que choisir ? Nos ingénieurs souhaitent un atelier dans lequel ils pourront créer les plans de nos futures structures, alors que les quelques quidams qui n’ont pas pu se trouver un coin de tente réclament plus d’abris. Déjà, des malades font la queue devant ma porte afin de réclamer un poste de soins. Avec un air las, je regarde notre réacteur, et il me semble hélas évident que nous devrons en priorité creuser le sol afin de trouver du combustible, sans quoi ce ne sont plus des malades qui s’entasseront devant ma porte…

Les jours passent. Les quelques petits miracles que nous avons réussi à réaliser ne peuvent hélas occulter la dure réalité de la survie. Pour faire tourner chaque infrastructure, j’ai dû autoriser le travail des enfants. La petite Myriam est morte hier, et je sens déjà le poids accablant des regards qui se posent sur moi alors que je traverse ce qui est désormais devenu un petit village. Au milieu du brouhaha des ouvriers qui traversent la place du réacteur, je commence à discerner les messes basses qui se glissent dans mon dos. Certaines personnes ne sont pas satisfaites, et menacent de repartir vers Londres… voire de prendre ma place. Un choix s’offre rapidement à moi, implacable comme le vent du nord qui siffle au-dessus de nos têtes : dois-je prendre en compte les valeurs morales sur laquelle notre civilisation s’est construite, afin de rester nous-mêmes, mais en prenant le risque de mourir à cause d’un réacteur mal alimenté en charbon ? Ou dois-je aller de l’avant, jeter ces vieilles chaînes à l’Apocalypse blanc, et durcir mon cœur afin de réussir à prendre les décisions difficiles qui s’imposent à notre survie ? »

frostpunk 11 bits studios

Impressions à froid

Ce monologue ci-dessus me semblait être le moyen le plus efficace de vous résumer l’ambiance de Frostpunk dès les premières minutes de jeu. Le dernier-né de 11 bit studios vous place en effet dans une atmosphère sombre et oppressante, délicieusement envoûtante, qu’il m’était difficile de vous résumer autrement que par la narration. On ne peut d’ailleurs que féliciter toute l’étendue du travail artistique effectué pour réaliser cette ambiance quasi-palpable de fin du monde. La bande-son, les illustrations, la gamme des couleurs, … tout est propice à l’immersion dans les débuts du jeu, et on en vient par moments à regretter qu’il ne s’agisse pas d’un jeu de rôle, le niveau artistique et le contexte scénaristique étant parfaitement taillés pour ce genre.

Mais au-delà de cette direction artistique maîtrisée, qu’en est-il du jeu en lui-même ? Concrètement, Frostpunk se présente comme un jeu de gestion, proche d’un Banished au niveau du gameplay, les objectifs et l’histoire en plus. L’interface, en dehors de nous informer sur les niveaux de ressources disponibles, nous propose de gérer différents aspects du développement de la ville, tels que l’attribution des tâches, la construction de bâtiments, la création de lois, ou encore le développement de technologies visant à débloquer de nouveaux bâtiments ainsi que des améliorations pour ceux-ci ou à destination du réacteur. Dès les premières minutes, il faut cependant avouer qu’il est facile de se sentir un peu perdus. Le jeu nous affiche certes une icône vers des infos relatives à différents aspects du jeu, mais rien ne vient nous indiquer où est quoi. Cependant, tout s’apprend tout de même très rapidement et sans trop de complications, et au bout de cinq bonnes minutes les bases sont maîtrisées et l’expérience peut commencer.

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Punks à jeun

Frostpunk propose la gestion de plusieurs jauges. Les premières concernent les ressources, et il faudra ainsi générer en continu du bois, du charbon ainsi que du métal afin de continuer le développement de la ville de façon optimale. Ensuite vient la nourriture qui se décline en deux types de ressources : vivres crues et vivres cuisinées (rations), qui devront être jaugées efficacement afin de suivre le flux des potentiels nouveaux arrivants afin d’éviter les périodes de disettes qui peuvent s’avérer fatales pour la survie de la population mais également pour le taux de mécontentement et d’espoir, les deux autres jauges à gérer convenablement.

Le mécontentement et l’espoir se complètent sans pour autant être totalement dépendantes l’une de l’autre. La première de ces jauges sera affectée par certaines de vos décisions, le plus souvent politiques. La création de lois permettant de faire des choix qui guideront le développement social et productiviste de la ville, il sera souvent question de sacrifices qu’une partie de la population ne cautionnera pas. Par exemple, doit-on faire travailler les enfants ? Il peut être tentant d’envisager la possibilité de combler les hypothétiques manques de main d’œuvre en envoyant les enfants sur des lieux de travail plus ou moins dangereux, mais les conséquences se verront sur la jauge de mécontentement, spécialement si l’un des enfants se blesse. Ou pire, si l’un d’entre eux meurt.

L’espoir, dans Frostpunk, est dans la même veine, et il est facile d’y voir une jauge de mécontentement inversée. Là où celle-ci doit être maintenue le plus bas possible afin d’éviter de se faire bouter hors de la ville par la population, la jauge d’espoir devra être remplie petit à petit pour éviter d’autres problèmes, ainsi que pour prévoir les possibles baisses dues aux évènements aléatoires du jeu. L’espoir sera ainsi un élément-clé de la deuxième partie du jeu, quand d’autres arbres de lois seront disponibles.

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La peine des neiges

Les lois, justement, prennent la forme d’arbres de technologie, mais sans le coût en ressources (avec néanmoins le temps d’attente entre chaque). L’arbre de base propose des choix liés à la population ainsi qu’à la gestion de la production, et lorsque la deuxième partie du scénario principal s’enclenche, le jouer aura le choix entre deux autres : l’Ordre, ou la Foi. Le premier vous permettra de voter des lois totalitaires, plus à même de contrôler la population par la discipline et la répression, alors que le second promet une gestion plus en douceur, mais pas pour autant différente en terme de finalité. Le but, en effet, demeure de déployer des moyens pour contrôler une population de plus en plus apeurée par l’environnement et la température qui chute constamment. Seuls les moyens employés divergent.

Quant aux technologies de Frostpunk, celles-ci se révèleront vite indispensables afin de permettre à la ville de se développer et de faire face au froid. Plusieurs catégories y cohabitent, avec plusieurs niveaux à débloquer dans chaque afin d’avoir accès aux bâtiments et aux fonctionnalités les plus développées. Il sera ainsi possible, pêle-mêle, d’améliorer le réacteur central, de construire des relais de chaleur afin d’atteindre les endroits plus éloignés, de développeur la collecte de ressources, de créer des groupes d’expédition pour explorer les environs de la ville, ou encore d’investir dans le développement des bâtiments résidentiels et l’isolation de ceux-ci. Il ne faudra toutefois pas s’attendre à tout débloquer, le jeu étant basé sur un temps de jeu limité avec un objectif à atteindre (pour le scénario principal, par exemple, se préparer pour la tempête à venir). Il sera ainsi important de prioriser les recherches en se concentrant sur le plus important. Rappel que Frostpunk n’est pas un city builder à la Sim City, mais bel et bien un jeu de gestion/survie.

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Pour le moment, Frostpunk propose un scénario principal accompagné de deux scénarios secondaires à débloquer. L’objectif des premières ventes du jeu ayant été atteint, 11 bit studios a d’ailleurs annoncé récemment que du contenu supplémentaire gratuit (dont un mode de jeu sans limite de temps) serait implémenté dans les semaines à venir. Concernant ce test, une partie ratée + les trois scénarios menés à terme en difficulté moyenne (deuxième niveau de difficulté sur trois) ont constitué un total de jeu d’une dizaine d’heures. Cela peut paraître peu, même compte tenu du prix (29,90€ sur Steam), mais la durée de vie peut clairement se rallonger de quelques heures si on souhaite clore les 3 scénarios en mode difficile et/ou si vous désirez obtenir les fins positives (selon vos choix, la conclusion de la partie est différente). Les chasseurs de succès en auront également pour leur argent, certains étant assez ardus à obtenir. Les autres joueurs, non-tentés par ces challenges, pourront quant à eux attendre les contenus à venir sus-cités pour se décider de la qualité de l’investissement. Le rapport qualité/prix demeure ainsi à peu près correct pour un jeu du genre, pour peu que vous n’abandonniez pas celui-ci au bout des trois types de parties proposées.

 

Encore une fois, la scène indépendante s’illustre avec un jeu audacieux. Parmi les récents titres AAA, peu sont ceux pouvant se vanter d’une direction artistique aussi maîtrisée, capable de s’immiscer jusque dans les tripes-mêmes du joueur. Frostpunk n’est pas seulement beau, il est séduisant. Et la dernière ligne droite du premier scénario en est l’illustration parfaite, celle-ci plongeant le joueur dans une ambiance de fin du monde aux côtés des PNJ qu’il a guidé depuis le début et le forçant à l’impuissance devant la colère des éléments. Bien que sur des aspects différents, Frostpunk est tout aussi marquant que This War of Mine dont il emprunte la dimension dramatique. Un véritable bijou qui contribue à affirmer que oui, le jeu vidéo est bel et bien une forme d’art en plus d’être un loisir.

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Évaluation de l'article

Points forts

  • La direction artistique à tomber par terre
  • L'aspect gestion qui impose des choix
  • Le système de loi et ses questionnements moraux
  • Le bon dosage du rythme des parties
  • Le système d'exploration qui apporte un peu de variété

Points faibles

  • Nombre de scénarios un peu limité pour l'instant
  • Un poil court pour les joueurs non-complétistes
9

Amazing

Co-fondateur de Try aGame, pinailleur en chef, et amateur de belles histoires. Vous pouvez me suivre sur Twitter et Mastodon
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Anonyme
Anonyme
5 années il y a

Très bien rédigé !

Mechsonson
Mechsonson
5 années il y a

Bonjour,
Merci pour le test, la narration de début est très joli.
J’aime les jeux de gestion et j’hésitais à le prendre, j’hésite moins maintenant ?.

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