TEST – Tennis World Tour : le service manqué de BigBen ?

Tennis World Tour célèbre sa sortie à quelques jours de Roland Garros et vient donc ajouter une simulation de tennis au catalogue de BigBen Interactive. Malheureusement, elle n'atteint pas le niveau espéré.

Support de test : PS4. Aussi disponible sur Xbox One et mi-juin sur PC et Nintendo Switch.
Version du jeu testée fournie par l’éditeur.
Développeur / Editeur : Breakpoint / BigBen Interactive

Tennis World Tour était attendu comme le messie chez de nombreux fans de la balle jaune qui éprouvaient un grand manque depuis le dernier Top Spin sur PS3 et Xbox 360. D’ailleurs, Breakpoint l’avait bien compris et lorsque nous nous entretenions avec Etienne Jacquemain, directeur créatif du studio, il reconnaît que la pression était grande car le genre avait un illustre aîné. Autant se le dire tout de suite, donner un digne héritier à Top Spin 4 représentait une marche trop haute. Le titre édité par BigBen Interactive compte bien des défauts et n’est pas la référence tennistique espérée sur PS4 et Xbox One, bien au contraire.

Tennis World Tour : une simulation qui n’est pas au point

Au bout de quelques échanges, le constat est sans appel, Tennis World Tour ne nous apporte pas les sensations espérées. Les bugs concernant l’IA des joueurs se bousculent les uns après les autres, pire la physique de notre joueur laisse à désirer. Nous avons très vite l’impression que nous sommes devant la bêta d’une simulation de tennis dont les mécaniques sont dépourvues de tous les rouages nécessaires à la marche fonctionnelle d’une machine. A partir de là, difficile de sortir d’un match avec un bon ressenti. Nous pourrions évoquer des mouvements incohérents de joueurs, ces bugs qui le font courir d’un côté à l’autre du court lorsque l’adversaire sert et nous inflige donc un Ace. Nous évoquerions bien l’absence de simples réflexes à la volée, le comportement étrange des joueurs sur les lobs, leur tendance à ne pas consentir à un simple effort pour renvoyer une balle qui paraît dans leur zone. En somme, trop de failles entourent des mécaniques de jeu qui paraissaient pourtant prometteuses mais qui goberaient bien encore quelques patchs correctifs.

Dans Tennis World Tour, on mène une double lutte. On se bat autant contre l’adversaire que contre le jeu. De par ses difficultés à nous proposer une solidité dans son fond de jeu, une cohérence dans un échange complet, il nous force à anticiper autant le prochain coup de l’adversaire que le prochain bug pour les joueurs, du moins à éviter de réaliser certains mouvements car on les sait dangereux vis à vis de l’animation des joueurs. Donc, grand problème pour le titre de Breakpoint car on accumule beaucoup de frustration, on ne parvient pas à se libérer, on n’éprouve quasiment pas de satisfaction à faire un grand point. On voudrait s’arracher pour gagner un point difficile mais c’est presque inconcevable. Au cours de nombreuses situations, ce sont les comportements anormaux des deux joueurs qui feront les points et non la bonne lecture du jeu.

Pourtant, si de nombreux secteurs du jeu sont à améliorer, tout n’est pas à jeter dans Tennis World Tour. La gestuelle des superstars de tennis se montre convaincante notamment lorsqu’il s’agit de Roger Federer et des mouvements de raquette. On retient tout de même une certaine maîtrise donc sur l’animation globale des joueurs et des actions. Il manque juste certains rouages pour les assembler et enchaîner de manière cohérente un plan de jeu, donner de la vie à un échange de façon réaliste. Pour le moment, les mêmes schémas de jeu produisent les mêmes erreurs, font naître les mêmes frustrations et agaceront les fans de la balle jaune.

Autre point positif à évoquer pour le jeu de BigBen Interactive, le système des cartes bonus qui ont pour objectif de vous donner l’avantage sur certaines situations de jeu. Chaque joueur s’appuie sur des bonus qui s’appliqueront automatiquement au cours d’un match. Que ce soit Goffin, Bouchard ou Isner, ils bénéficient tous de quatre cartes de compétences leur octroyant des bonus sur diverses statistiques ou des compartiments de jeu précis. Breakpoint a souhaité apporter une plus-value au déroulement d’un match, ce qui aurait pu être une très bonne idée si le reste tenait la route. D’ailleurs, c’est un aspect plutôt intéressant à gérer dans le mode Carrière.

Des efforts sur le mode Carrière de Tennis World Tour

Puisqu’il n’existe pas de grande alternative – les services en ligne et le multijoueur étant encore indisponibles – au mode Carrière, il était temps de faire naître une future légende du tennis et de commencer son parcours. Première déception, on ne créé pas réellement son joueur dans Tennis World Tour, on choisit un des avatars pré-établis et loin d’être séduisants. On détermine certes s’ils sont expressifs ou s’ils crient souvent durant le match mais cela reste vraiment secondaire. Nous aurions apprécié un véritable outil de création mais il n’en est rien. Sachez tout de même que l’on peut créer jusque 20 tennis-wo-men et donc entamer une carrière avec chacun d’entre eux.

Etienne Jacquemain, créateur directif de Breakpoint, ne m’avait pas menti, gérer sa carrière ne sera pas aussi simple que dans Top Spin 4. Soulignons-le car il s’agit peut-être du seul domaine où TWT est plus évolué que son « illustre aîné ». Comme annoncé, un réel effort a été réalisé afin d’intégrer un aspect gestion au soft et cela passe par la fatigue de votre joueur pro. Il ne sera pas en mesure d’enchaîner les tournois sans subir de contrecoups à cause de l’énergie perdue lors des précédents tournois. Si jamais vous négligez la fatigue accumulée, cela pourrait engendrer une blessure pour les tournois suivants qu’il ne sera pas capable de disputer. Vous devez ainsi consulter le calendrier et déterminer et anticiper les compétitions à intégrer et faire l’impasse sur certains.

Quelles sont les alternatives aux tournois ? Le repos afin de récupérer de l’énergie et mieux préparer le tournoi suivant. Des séances d’entraînement qui vous donnent des bonus de stats sur les mois suivants ou effectuer une rencontre avec un coach qui vous propose ensuite ses services. Les matchs d’exhibition contre des joueurs huppés, ces duels risquent d’entraîner de la fatigue car ils engendrent de longs déplacements. Par exemple, en janvier je vais à Melbourne pour le tournoi, en février j’y reste pour un entraînement / bonus d’Agilité et en mars j’ai divers choix. Me diriger à Rome pour un match d’exhibition, participer au tournoi de Shangai (à 3 étoiles), à celui de Quito (1 étoile), rencontrer Francesco Boronat à Madrid ou simplement me reposer. Il sera plus avantageux de me lancer dans un petit voyage à Shangai de Melbourne, lieu dans lequel je me trouve plutôt que de risquer un petit jetlag pour me lancer dans un petit match sans enjeu à Rome.

Breakpoint a donc pensé à insérer des mécaniques de gestion plutôt inspirées. Il reste plutôt agréable d’être un peu manager et joueur en même temps dans le mode Carrière de Tennis World Tour. Seul petit bémol, cela ne se ressent pas énormément en plein match. Il m’est arrivé d’exploiter cette mécanique de fatigue afin de jauger son influence sur le joueur pro en plein match et je suis parvenu à réaliser les mêmes coups qu’à l’accoutumé, à enchaîner les points sans grand état de fatigue. La seule indication qui caractérisait les risques se situait dans les menus, avant ou après le match, précisant qu’il existait un risque de blessure. Têtu comme je suis, je poursuivais tout de même le tournoi et je subissais donc une vilaine blessure à l’épaule que j’ai soigné dans le mois suivant. Certes, cela reste appréciable de devoir se reposer car la fatigue accumulée restait dangereuse pour la santé mais il n’aurait pas été désagréable de devoir abandonner en plein match ou de voir le joueur souffrir en plein match, quitte à vouloir être réaliste jusqu’au bout.

Un système de progression à revoir

Outre cela, je trouve que la progression de notre joueur reste appréciable jusqu’au niveau 30 que l’on atteint au cours de la seconde année en général. Malheureusement, passé ce seuil, il n’est plus possible de faire progresser son joueur en dehors des équipements que vous lui faites porter. En effet, tous les joueurs pros ont cette limite (y compris les Federer, Wawrinka, Kerber…) et je trouve cela vraiment dommage car cela sous-entend que notre pro ne peut plus progresser dans son jeu, seulement dans le classement général. Ce qui amène à un autre aspect discutable de Tennis World Tour, la notation.

 

Chaque joueur est caractérisé par des statistiques – ses « attributs » – ainsi que ses archétypes et ses aptitudes. Si nous apprécions le concept des cartes de compétences déterminant ses aptitudes, on ne peut pas dire que l’on porte l’évolution des archétypes dans notre cœur. Effectivement, les archétypes comportent trois secteurs à améliorer dans le jeu de notre joueur : Défense, Attaque et Service-Volée. 30 points seront à répartir entre ces trois secteurs et représenteront donc les points forts de votre jeu. Il aurait été fortement plus appréciable de pouvoir optimiser les attributs et les frappes au fur et à mesure de notre progression (9 statistiques distinctes) plutôt que de se limiter aux trois secteurs que sont la Défense, l’Attaque et le Service-Volée. Même s’il est possible de tout réinitialiser et répartir comme on le souhaite les points disponibles, je trouve que Breakpoint n’a pas pris la bonne décision.

Si cela découle d’une volonté d’équilibre dans le roster et pour nos personnages, cela se comprend mais la frustration reste encore présente et la progression de notre personnage, une fois limitée au niveau 30, reste donc quelque peu désagréable et dénuée d’intérêt puisqu’elle ne consiste ensuite qu’à enchaîner les tournois, les phases de repos et rencontres.

Notons d’ailleurs un bug concernant le staff puisqu’il nous a été impossible de changer d’agent et de coach au cours de notre carrière. Chaque fois que l’on tentait de déplacer le curseur de sélection sur la droite, il revenait automatiquement à gauche et au coach déjà choisi, pareil pour l’agent. Un moment plutôt désagréable qui prive Tennis World Tour de l’une de ses mécaniques de gestion.

Un roster tourné vers les hommes

BigBen Interactive et BreakPoint ont joué clairement leur va-tout sur les athlètes du circuit ATP pour mettre en avant le casting de Tennis World Tour. Si le prix des licences individuelles restent onéreuses, ils ont tout de même choisi comme ambassadeur la légende du tennis du 21e siècle, Roger Federer. A côté de lui ne figurent pas Nadal, Djokovic ou Murray mais la présence de Wawrinka, Raonic, Goffin, Kyrgios, Thiem, Zverev, Dimitrov et Hyeon Chung restent très appréciables. Ce sont tout de même six membres du top 10 qui sont là avec Isner, cinq de plus dans le top 20 avec Fognini, Edmund, Bautista Agut et Lucas Pouille. Ils ont su compenser les plus grands joueurs de la décennie par les sportifs les plus prometteurs ou les plus réguliers. Et pour les joueurs français, nous sommes également servis. Si l’absence de Tsonga est à déplorer, nous pouvons tout de même compter sur le numéro 1 français (Pouille) mais aussi Gaël Monfils, Richard Gasquet et Jérémy Chardy, ce qui reste pas mal du tout. En matière d’espoirs, nous nous réjouissons aussi de l’entrée de Tsitsipas, Khachanov, Kokkinakis et Tiafoe en plus des top 10 cités plus haut.

Par contre, difficile de se réjouir du roster consacré aux sportives du circuit WTA. Nous ne comptons que cinq joueuses professionnelles et aucune française. Le studio a préféré jeter son dévolu sur Eugénie Bouchard, plus top model que joueuse professionnelle de nos jours, à croire que le marketing a pris le dessus au moment des choix. A côté, nous ne compterons pas sur les sœurs Williams ni Sharapova ou Halep mais sur trois mastodontes du circuit féminin, à savoir Garbine Muguruza, Caroline Wozniacki et Angélique Kerber en plus de la talentueuse Madison Keys. Les trois poids lourd sont toutes lauréates de Grand Chelem mais ne parviendront pas à effacer le faible roster du côté des femmes. Dommage car BigBen Interactive aurait pu recruter de nombreuses jeunes pousses qui se font une place sur le circuit telles que Naomi Osaka, Jelena Ostapenko, Kasatkina, Elise Mertens, Ashleigh Barty voire Sakkari ou Cici Bellis. Mais le circuit WTA n’étant pas le plus regardé ni le plus considéré au monde, ils ont presque fait l’impasse dessus.

Encore une fois, on se dirigera vers l’outil de création afin de combler un vide, il faudra faire des choix vu que nous ne profitons que de 20 places disponibles. Seulement, il faudra entamer une carrière avec chacun(e) des joueurs(ses) afin de présenter des statistiques à la hauteur de leur talent. Au vu des nombreux défauts qui accompagnent les mécaniques de jeu, on évitera de s’empresser de le faire. On regrettera aussi qu’on ne puisse pas partager et donc importer les créations communautaires comme c’est le cas dans AO Tennis, ce qui aurait pu satisfaire de nombreux joueurs. Enfin, McEnroe et Agassi font partie du casting, à condition d’acquérir la Legends Edition de Tennis World Tour. Nous aurions pu espérer davantage de légendes mais la possibilité de jouer avec ces deux joueurs aussi talentueux qu’historiques reste agréable.

tennis world tour

L’immersion en faillite

La réalisation manque de grandeur dans son absence. Si nous apprécions la variété des courts, les graphismes ne font pas honneur aux capacités de la PlayStation 4 sur laquelle nous effectuons ce test. Que ce soit en terme de modélisation de joueurs – globalement meilleure que celle d’AO Tennis – ou d’immersion sur un court de tennis, nous n’avons jamais été trop ébahis. D’ailleurs, c’est en matière d’immersion que nous avons été grandement déçus. D’une part, la foule n’est pas hyper réactive, presque morte pendant presque toute la durée du match. Après certains échanges, nous la voyons applaudir mais nous n’entendons pas les bruits qu’ils effectuent. Cela casse déjà le côté immersif, l’impression de se trouver dans un vrai match de tennis. N’espérez donc pas non plus de ola dans les travées de n’importe quel stade. Au-delà de cela, les bruitages des coups de raquette se montrent eux plutôt convaincants, moins les cris des joueurs. Et on aura tendance à râler en entendant à chaque début de second set « dernier set » de la part du speaker. Pas de hawk eye et des ralentis trop rapides iront aussi nous emplir de doutes quant à certains points que l’on estimait dehors. En somme, de gros efforts sont encore à réaliser de ce côté.

L’immersion est quasi absente aussi au niveau des cinématiques puisque nous n’assistons à aucune entrée sur le court, aucun acteur dans les couloirs du stade. Une fois que nous lançons le match, nous sommes directement propulsés au service, c’est aussi un manquement cruel, notamment lorsque rien ne le compense. Difficile d’apprécier également les commentaires de Guy Forget qui ne collent jamais aux actions sur le court. Entendre « Quelle puissance ! » lors d’un amorti, « il se procure donc une balle de set » alors qu’il s’agit de la troisième consécutives. Si ses remarques nous ont fait doucement rire au début, ils nous énerveront par la suite et rapidement, surtout lorsque l’on subit aussi les bugs du jeu lors d’un échange. Quand rien ne va…

Tennis World Tour offre une expérience tennistique qui n’est pas exempte de reproches. Au contraire, le titre de Breakpoint nécessite encore d’être peaufiné dans son jeu, fignolé dans ses mécaniques, embelli et travaillé dans sa réalisation globale notamment en matière d’immersion et on espère que la mise en place de patchs ne sera pas tardive car les joueurs risquent d’accumuler de la frustration assez vite. Pourtant, les bonnes idées ne manquaient pas avec la gestion du mode Carrière et l’aspect stratégique des cartes de compétences. Un jeu à éviter tant qu’il n’est pas patché.

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Évaluation de l'article

Points forts

  • Le roster masculin
  • Les cartes de compétence
  • Le petit côté gestion dans le mode Carrière
  • L'animation des coups de raquette

Points faibles

  • Le roster féminin
  • Les déplacements incohérents des joueurs
  • Une IA aux bugs divers et variés
  • Progression du joueur à revoir
  • Manque d'immersion flagrant
  • Beaucoup de frustration
5

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