TEST – Xenoblade Chronicles Definitive Edition

Xenoblade Chronicles Definitive Edition

Deux semaines après notre preview à son sujet, c’est le test de Xenoblade Chronicles Definitive Edition que nous avons enfin le privilège de vous présenter dans nos colonnes. Celui-ci aura d’ailleurs été un jeu plutôt atypique et difficile à juger, tant la grandeur de ses qualités est proportionnelle à celle de ses défauts. Une dichotomie que nous allons nous efforcer de détailler dans ce test, en rappelant qu’à l’image de la preview qui l’a précédé, celui-ci est réalisé sous l’angle de la découverte totale sans expérience de la version originale. Bonne lecture !

• Genre : J-RPG (combats en semi-temps réel)
• Développeurs / éditeur : Monolith Soft / Nintendo
• Support de test : Nintendo Switch
• Disponible sur : Wii (version originale), Switch (Definitive Edition)
• Version du jeu utilisée : version eShop en accès anticipé, fournie par l’éditeur
• Lien vers notre preview datée du 13 mai 2020 : cliquer ici

 

Epique époque

Nous vous en parlions précédemment, Xenoblade Chronicles Definitive Edition est le remaster de la version originale sortie sur Wii en 2011. Monolith Soft en profite ici pour améliorer l’expérience de jeu avec de nouvelles fonctionnalités, des graphismes améliorés, une bande originale retravaillée, mais surtout un nouvel épisode disponible en-dehors de la trame principale et qui se déroule un an après la fin de celle-ci. Pour rappel, ce premier volet de la saga Xenoblade Chronicles se déroule dans un univers très singulier, ou plusieurs peuples vivent à la surface de deux gigantesques titans inertes. D’après les légendes contées par ces peuples, les deux titans se sont affrontés lors d’un combat aux proportions dantesques il y a un millénaire avant de s’éteindre des suites de leur duel qui ne vit aucun vainqueur. La vie s’est ensuite développée à leur surface, du moins sur celle du titan Bionis sur lequel se déroule l’histoire du début du jeu.

Mais si vie il y a, cette dernière n’est pas totalement paisible sur Bionis et les peuples humains sont depuis peu en guerre contre un ennemi venu du titan d’en face… Ces ennemis, les Mékons, sont des créatures mécaniques issues du titan Mékonis qui tentent d’envahir Bionis par le biais de la Vallée de l’Épée. Ladite vallée qui, comme son nom l’indique, se situe sur la gigantesque épée de Mékonis enfoncée dans le flanc de Bionis depuis plus de 1 000 ans. On le constate assez rapidement, le concept de monde situé sur le corps de deux titans apporte une dimension épique – voire même mythique – aux environnements, ainsi qu’une forte identité liée à une progression qui s’effectue sur différentes parties du corps des deux géants.

Des mondes dantesques

A ce sujet, Xenoblade Chronicles Definitive Edition est une pure merveille malgré un standard graphique limité et imposé par les capacités techniques de la Switch. Visuellement bluffant, le jeu de Monolith Soft nous prouve que la finesse d’image n’est que secondaire face à la qualité d’une direction artistique maîtrisée. Peu importe, ici, si les textures naturelles sont parfois baveuses vues de près ou si une partie de la végétation se développe à un rayon de quelques mètres de nos pieds pour des raisons évidentes de performances. Ce qui importe ici, en effet, ce sont les trésors de level-design qui ont fait naître les larges environnements qu’il nous est donné de parcourir.

Dans Xenoblade Chronicles Definitive Edition, tous les lieux à parcourir sont d’une grandeur et d’une diversité enchanteresses. Mais la taille, comme le dit l’adage, ne fait pas tout, car il s’agit de voir comment celle-ci est mise à profit. Et il y a un certain usage de la grandeur dans ce Xenoblade qui ne bénéficie pas uniquement à la surface, mais aussi à un certain sens de la verticalité qui se retrouve dans d’autres éléments comme l’architecture des bâtiments ou encore la topographie des environnements extérieurs. Nous sommes ainsi restés plusieurs fois bouche bée devant des grands arceaux montagneux qui semblent veiller sur les larges plaines de la cuisse de Bionis, l’illumination soudaine des arbres de la vaste forêt marécageuse de Satorl à la tombée de la nuit, ou encore face à l’immensité de l’ombre intimidante de Mékonis qui occupe l’horizon de certaines plaines par temps clair ou orageux.

Et que dire de ces panoramas offerts par le moindre gouffre béant qui longe certains chemins reliant les zones ? Penchez-vous près de l’aine de Bionis, et vous verrez à quel point votre village situé sur son talon est minuscule ; levez la tête en étant au niveau de l’océan infini et jaugez la taille réelle des deux titans immobiles qui se font face. En bref, il est assez courant que la progression s’accompagne de quelques arrêts récurrents à divers endroits bien précis par pur envie de constater la position actuelle des protagonistes sur le titan, de faire le lien avec la partie du corps où ils se situent, et d’essayer de retrouver la position des lieux déjà parcourus au gré d’un point d’observation bien placé.

Xenoblade Chronicles Definitive Edition se distingue ainsi clairement des autres JRPG existants grâce à ce type d’environnement qui suscite un sentiment émerveillement régulier du début jusqu’à la fin du jeu. Accompagné par une bande-son globalement dynamique et souvent accompagnée par des guitares électriques lors des moments les plus intenses, le jeu de Monolith Soft conserve toute sa superbe avec un simple lifting graphique malgré les 9 ans qui séparent cette Definitive Edition de la version originale.

Un différentiel de qualité qui mékon

En revanche, il est assez paradoxal de constater que le gouffre en terme de qualité entre l’aspect artistique et purement mécanique de Xenoblade Chronicles Definitive Edition est équivalent à celui qui sépare Bionis de Mékonis. Assez rapidement, lorsque le jeu nous met aux prises avec les premiers ennemis qui troublent la tranquillité toute relative de la colonie 9, on constate que le système de combat ne va pas rester dans les annales. Mix de temps réel et de techniques à cooldowns ( = « temps de rechargement »), les combats de Xenoblade Chronicles Definitive Edition s’explique ainsi : vous ciblez un ennemi avec une des gâchettes, puis votre personnage va enchaîner automatiquement et régulièrement des coups basiques à moins que vous ne décidiez d’utiliser manuellement une technique spéciale qui aura des dégâts ou des effets particuliers. Si les premières prises en main déroutent un peu, la compréhension du système est aisée, mais on regrette plusieurs points et partis pris qui gâchent l’expérience.

L’interface, par exemple, est loin d’être un modèle du genre. Les techniques sont alignées à l’horizontale sur 8 emplacements organisés par groupes de 4 de chaque côté de l’icône centrale qui permet soit d’activer une technique supplémentaire soit d’alterner avec une autre rangée de techniques (dans le cas du héros, cela lui permet d’alterner entre techniques standard et techniques propres à l’épée Monado). Un défilement vertical existe également afin d’accéder à diverses options comme les enchaînements spéciaux, la fuite, ou encore l’appel d’ennemis éloignés. Alors que le combat n’autorise aucune pause en pleine action (exception faite des enchaînements durant lesquels plusieurs personnages peuvent aligner des coups sans subir de riposte), il faut donc appuyer rapidement et plusieurs fois sur les touches directionnelles pour accéder aux techniques voulues, ce qui fait perdre un temps fou au joueur pendant que l’ennemi n’est pas handicapé par ce genre de malus. Dans des combats intenses, tout se jouera à la mémorisation des emplacements de chaque technique afin de taper rapidement et le bon nombre de fois sur les touches sans réfléchir et accéder aux bonnes techniques sans perdre de temps. Mais même ainsi, le temps perdu à cause de ce manque d’ergonomie de l’interface des combats rend le système brouillon et laborieux.

On pourrait également parler de l’IA des compagnons, dont il est impossible de configurer le comportement dans les options. Si vous avez la main sur leurs équipements et sur la liste des techniques figurant dans leur besace, leur manière de combattre dépend totalement du bon vouloir d’une IA souvent capricieuse et affublée d’un pathfinding ( = la capacité, pour une IA, à trouver son chemin d’un point A à un point B) pas vraiment à la hauteur d’un tel système de combat. On est ainsi souvent face à des cas où les compagnons n’embraient pas sur les combos que vous initiez, enchaînent des techniques pas forcément pertinentes avec la situation, et qui ont du mal à venir vous réanimer en cas de KO si un obstacle (qu’il s’agisse d’un ennemi ou d’un autre compagnon) se dresse sur leur chemin.

La marche de l’histoire

La trame principale du jeu, quant à elle, est assez agréable à suivre avec des intrigues et des mystères qui ne se révèlent que petit à petit pour une découverte du récit qui permet au joueur d’accrocher au scénario et rester investi. Bien que certains passages pourront sembler très convenus (du genre « par le pouvoir de l’amitié et de la détermination, je me relève »), on est finalement ici face à un scénario qui rentre dans les clous du genre JRPG, et les habitué.e.s du genre seront ici en terrain connu avec des personnages attachants et un récit qui bénéficie grandement de son concept de base centré sur un monde composé de deux titans.

Malheureusement, Xenoblade Chronicles Definitive Edition fait le choix du remplissage avec la présence d’une quantité astronomique de quêtes secondaires aux mécaniques très basiques. Le jeu propose en effet un système de sociogramme qui indique le taux d’amitié entre votre groupe et les différentes communautés vivant sur Bionis. D’apparence très développé (le système inclut même les évolutions des relations entre les PNJ dans chaque communauté), celui-ci ne sert finalement que de vernis à un vaste réseau de « quêtes FedEx » ( = quêtes nécessitant un simple aller-retour entre un point A et un point B) nécessitant d’aller tuer un monstre 3 kilomètres plus loin, de récupérer des objets dessus, voire de simplement aller récupérer un objet à un point défini et souvent éloigné. Peu scénarisées (quelques bulles de textes pour les PNJ et un set limité de réponses pour les héros, avec des couacs en terme de cohérence par moment), ces quêtes font beaucoup penser à celles qui remplissent les MMORPG, avec farm de monstres ou d’objets parfois dépendants d’un système de probabilité plus ou moins capricieux.

A bien y regarder, Xenoblade Chronicles Definitive Edition nous renvoie l’image d’un jeu dont les ambitions artistiques concernant le level-design ont été tellement grandes que le contenu a fait le choix de verser dans le remplissage pour éviter les sensations de vide durant la progression. Cela se constate également dans le système d’objets à ramasser sur le terrain – représentés par de petits orbes bleus – pour remplir une encyclopédie propre à chaque région (avec des items à débloquer à la clé) ou afin de remplir les objectifs de certaines quêtes. A part pour les quêtes secondaires concernées qui affichent la position des objets requis, le remplissage des encyclopédies dépend totalement du hasard, chaque orbe possédant une probabilité d’offrir un des objets existants. Les joueuses et les joueurs qui ont du mal à lâcher une zone avant d’en compléter les objectifs pourront parfois perdre une heure ou deux dans la seule recherche du dernier objet manquant afin de compléter l’encyclopédie de la région en cours – certaines zones au sein de celle-ci étant d’ailleurs plus ou moins propices à l’apparition de certains objets, un détail qu’il faudra hélas découvrir à l’aveuglette.

Xenoblade Chronicles Definitive Edition Switch

Extension insoumise

Malgré ces défauts, Xenoblade Chronicles conserve une envoutante aura qui le rend difficile à lâcher. La puissance de sa direction artistique suffit en effet à porter le jeu à bout de bras, et le scénario qui repose en partie dessus est le fil rouge qui permet de se motiver à continuer d’avancer malgré la répétitivité et la lourdeur des tâches existantes entre chaque morceau de trame principale. Il se dégage également une forme de générosité au sein de ce Xenoblade Chronicles Definitive Edition, notamment lorsque vient le moment d’aborder l’épisode bonus qui constitue le gros des nouveautés apportées par ce remaster.

« Un avenir commun », tel est son nom, est accessible indépendamment de la trame principale et constitue une sorte de stand alone ( = une extension qui ne dépend pas du jeu de base) qui peut être joué à n’importe quel moment. Si les anciens joueurs apprécieront de pouvoir s’y essayer sans refaire tout le jeu au préalable (il est d’ailleurs possible de débloquer du contenu pour le jeu principal), il est fortement recommandé de s’y mettre après avoir fini le jeu principal si vous découvrez l’histoire du premier Xenoblade Chronicles pour la première fois. Ce qui est finalement plus une extension qu’un simple épisode se déroule dans une vaste région créée spécialement pour ses besoins et vous permet d’incarner Shulke et Mélia – ainsi que deux nouveaux personnages que nous vous laissons le soin de découvrir. L’histoire, qui se déroule un an après celle du jeu de base, revient sur l’histoire d’un des peuples de Bionis et présente un nouvel ennemi auquel nos héros devront faire face.

D’une durée de vie d’environ 10h (quêtes secondaires incluses), Un Avenir Commun se présente comme un au revoir chaleureux, un épisode de conclusion qui nous présente une partie du « monde d’après » en compagnie de deux des personnages les plus intéressants du groupe original. Si cette extension tombe dans les mêmes travers que le jeu de base (quêtes FedEx, orbes à récolter), on y retrouve également la grande force de ce Xenoblade Chronicles Definitive Edition avec des décors à couper le souffle et un fil rouge à l’intrigue digne d’intérêt. De plus, il faut avouer que les quêtes secondaires s’avèrent ici un chouïa plus digestes, car moins nombreuses, mieux étalées au fil de la progression, voire reliées au scénario principal pour certaines d’entre elles.

Xenoblade Chronicles Definitive Edition nous apprend pourquoi l’opus original de 2011 a autant marqué les esprits. Avec une direction artistique de toute beauté qui mêle de superbes environnements à dimensions épiques avec une bande-son qui demeure en mémoire bien après avoir raccroché le jeu, Xenoblade Chronicles s’inscrit dans la lignée des JRPG qu’il est difficile d’oublier. Hélas, il est également difficile en 2020 de faire preuve d’autant d’enthousiasme vis-à-vis de la structure très basique de ses quêtes secondaires qui se contentent de recouvrir des tonnes de quêtes-FedEx avec un léger vernis textuel. Mais la DA, malgré tout, fait son office et il est difficile de lâcher le jeu malgré cette indigestion d’objectifs secondaires et basiques. Pour résumer, Xenoblade Chronicles Definitive Edition est un jeu mémorable mais que nous recommandons à un public patient, déjà rôdé aux JRPG, ou qui donne la priorité aux qualités artistiques d’un jeu vidéo.

 

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Points forts

  • Un univers gigantesque et magnifique
  • Des personnages attachants
  • Une histoire intriguante, malgré quelques ressorts un peu classiques
  • Une bande-son de grande qualité
  • La gestion cosmétique des équipements, une référence en la matière
  • L'extension « Un Avenir Commun » qui se révèle de bonne qualité

Points faibles

  • Le remplissage à grands coups de quêtes-FedEx et de farm d'objets...
  • L'absence de fonctionnalité mineure (dash, véhicules) pour parcourir plus vite les grandes étendues de certains niveaux déjà visités
  • Un système de combat brouillon et pas très ergonomique
  • Une résolution un peu faiblarde en mode portable (privilégiez le mode dock)
7

Good

Co-fondateur de Try aGame, pinailleur en chef, et amateur de belles histoires. Vous pouvez me suivre sur Twitter et Mastodon

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