TEST – Assassin’s Creed Odyssey, l’épisode qui voulait Persée

Assassin's Creed Odyssey test critiqueAssassin’s Creed Origins avait, l’an dernier, fait forte impression avec une nouvelle recette à base d’open-world et d’éléments RPG, mais également grâce à une qualité d’écriture qui semblait s’inspirer d’un certain The Witcher 3. Deux ans d’incubation pour un jeu qui aura su renouer une partie des fans avec la franchise, c’était visiblement le minimum. Cependant, surprise, Ubisoft revient à peine un an après avec un autre épisode de même envergure : Assassin’s Creed Odyssey. Est-ce que l’odyssée de Kassandra/Alexios réussit à faire honneur au mythe fondateur de Bayek ? Réponse dans ce test.

• Genre : Action-RPG
• Développeur / éditeur : Ubisoft
• Disponible sur : PC, PS4, Xbox One
• Support de test : PC (i5 2500K – GTX 1060 6G – 8Go RAM)
• Version du jeu utilisée : version commerciale, édition standard (Uplay)

 

Ce test a été réalisé avec l’aimable participation de DLcompare.fr que nous remercions pour nous avoir fourni l’exemplaire du jeu sans lequel cet article n’aurait pu voir le jour.

A midi, la Pythie vient en mangeant

A Kephallonia, petite île de l’ouest grec où il ne se passe pas grand-chose, sommeille un héros ou une héroïne attendant que s’éveille pour lui/elle un destin plus glorieux que celui de gros bras à la petite semaine. « Héros » ou « héroïne », en effet, car Assassin’s Creed Odyssey reprend le flambeau de l’épisode Syndicate en offrant le choix d’un protagoniste féminin dans l’un des opus majeurs de la saga. Assassin’s Creed Odyssey permet ainsi aux joueurs de choisir entre Alexios ou Kassandra dès le début du jeu via une légère pirouette scénaristique, et c’est cette dernière que nous avons choisi pour nous accompagner durant ce test.

Ce choix effectué, le jeu nous propulse alors dans la Grèce antique et nous place dans la peau d’une « misthios » – un terme qui s’apparente à « mercenaire » en grec ancien. L’île de Kephallonia va aussitôt servir de bac à sable/tutoriel avec ses quelques quêtes à choix multiples et ses introductions aux nouvelles mécaniques de combat. Mis à part ces quelques nouveautés, les vétérans d’Assassin’s Creed Origins retrouveront vite leurs repères, entre un menu qui change finalement assez peu, et une maniabilité somme toute similaire.

C’est après quelques heures de jeu que l’on peut enfin se faire une idée de l’histoire et du personnage que l’on incarne. Loin du Medjäy Bayek en qui nous pouvions retrouver l’essence d’un justicier torturé, Kassandra est une mercenaire qui a la possibilité d’accepter un peu toutes les missions qui lui passent sous le nez. Si cet alignement neutre semble voulu et pertinent avec le thème du jeu (les choix et leurs conséquences), on est déçu par le manque d’équilibre dans l’éthique des quêtes et objectifs secondaires qui offrent parfois peu de marge de manœuvre. Et ce déséquilibre, on le retrouve aussi dans la relation entre le scénario principal et certaines fonctionnalités du jeu qui s’illustre par exemple par le fait que notre héroïne est régulièrement encouragée à trucider du soldat spartiate ou athénien via le système de batailles de conquête, alors que notre Kassandra est censée combattre les personnes orchestrant ce conflit. Pour les joueurs qui seraient assez tatillons sur le plan scénaristique, ce genre d’incohérence crée un grand écart entre l’héroïne en devenir de la Grèce et la simple mercenaire prête à tout pour toucher sa prime, imposant un mélange qui se révèle vite assez hétérogène.

Grèce antique ou Grèce en toc ?

Pour en revenir aux quêtes secondaires, celles-ci pèchent souvent par leur aspect trop mécanique. Assassin’s Creed, en dehors de ses trois trames principales certes longues et agréablement mises en scène, est hélas bourré de quêtes Fedex tantôt habilement déguisées, tantôt maquillées à la hâte. Ce constat est plus que dommage car l’excellente écriture de certaines quêtes se retrouve finalement à recouvrir une activité ultra-dirigiste se résumant souvent à aller chercher des objets voire à assassiner une cible située dans la direction inverse. On est ainsi souvent tiraillé entre l’intérêt porté aux sympathiques histoires qui nous sont racontées et le long soupir de dépit lorsque l’on s’aperçoit qu’il faut encore courir sur 500 mètres plusieurs fois afin d’atteindre les objectifs nécessaires avant de passer à la suite de la narration… Malgré les efforts appréciables, ostensibles et palpables de l’équipe d’Ubisoft, on est ici encore loin de l’habileté narrative de The Witcher 3.

Malgré tout, le scénario principal tient la route malgré quelques maladresses mineures et propose même plusieurs trames parallèles qu’il est souvent possible de suivre dans l’ordre que l’on souhaite. Si la plupart de ces quêtes principales seront moyennement influencées par vos choix, ce n’est heureusement pas le cas de l’une des trames, dont les choix peuvent occasionner d’importants retournements de situation une dizaine d’heures de jeu plus tard.

Les dialogues avec les personnages secondaires sont globalement agréables à suivre, et ceux-ci font parfois preuve d’un charisme certain, à l’image d’Alcibiade, ce jeune éphèbe recueilli par Périclès qui déguise son intelligence politique sous ses atours de libertin incontrôlable. On regrette même parfois le manque d’exploitation de certains autres personnages attachants, à l’image de l’excellent Socrate dont l’existence-même est plus que pertinente dans une intrigue où les choix et leurs conséquences sont importants mais dont le rôle de grand questionneur ne se cantonne hélas qu’à certaines quêtes secondaires. On se rattrape fort heureusement avec des personnages comme le très touchant Barnabas, la pétillante Phoïbé (sous-exploitée, elle aussi), ou encore l’inénarrable Markos, que l’on aurait pu croire sorti d’un épisode de la série Hercule des années 90.

On appréciera également la possibilité de pouvoir enchaîner les conquêtes amoureuses, bien que brèves et souvent anecdotiques. Certaines d’entre elles, toutefois, influent sur des quêtes sans prévenir, occasionnant parfois des conséquences désastreuses – ce qui est une excellente idée à destination de celles et ceux qui fonceront tête baissée dans la plupart des romances. Cette touche de maturité apporte un vent de fraîcheur à une industrie vidéoludique encore trop mal à l’aise avec la représentation du sexe et des relations amoureuses dans des jeux pourtant destinés – officiellement, du moins – aux adultes. Il est d’autant plus dommage, cependant, que loin d’un Mass Effect, d’un Dragon Age ou encore d’un The Witcher 3, Assassin’s Creed Odyssey décide de jouer la carte de la pudeur avec des conclusions de romances prenant la forme d’un bête écran noir avec quelques bruits de fond qui auraient aussi bien pu illustrer une partie de Scrabble. C’est regrettable, surtout dans un jeu qui n’hésite pourtant pas à permettre aux joueurs d’étriper leurs ennemis avec des coups spéciaux à en faire pâlir de jalousie les meilleurs bouchers de Rungis.

Le minotaure, une espèce qui n’était pas pro-Thésée

Mis à part son gros travail d’écriture, Assassin’s Creed Odyssey a également refondu une partie de son système de combat en y ajoutant des coups spéciaux, déblocables via trois arbres de compétences séparés en trois catégories : chasseur (archerie), guerrier (combat régulier), et assassin (discrétion/infiltration). Ces coups spéciaux, qui semblent une bonne idée de prime abord, s’illustrent par des effets que certains jugeront sans doute un peu disproportionnés compte tenu du sérieux et du réalisme affiché habituellement par la série. Certes, notre Kassandra détient un artefact Isu (la lance brisée de Leonidas), mais est-ce que cela explique pour autant les coups de tatane spartiates à la 300 qui expédient les ennemis à plus de 10 mètres devant soi, la technique faisant passer les flèches à travers les murs, ou encore les chutes de plusieurs dizaines de mètres sans blessures à partir d’un certain niveau ? Si on s’habitue étonnamment vite à ces nouveautés, on regrette tout de même cette entorse au réalisme, qui touche également la maniabilité des navires : ceux-ci sont désormais capables de virer de bord comme des canots à moteur, rendant les joutes navales bien plus nerveuses que dans Black Flag.

L’arbre des compétences d’Assassin’s Creed Odyssey – fortement inspiré de celui d’Assassin’s Creed Origins, quant à lui, se révèle complet et propose des styles de jeu différents parmi lesquels il faudra choisir (impossible de tout débloquer) – bien qu’une re-spécialisation à moindre coût soit toujours possible en cours de partie. A noter cependant que parmi ces 3 arbres, c’est souvent celui du guerrier qui sera le plus sollicité par le jeu, lors de situations telles que les batailles de conquêtes qui ne pourront s’effectuer qu’en combattant au grand jour, ou lors de joutes contre d’autres mercenaires, trop coriaces pour être assassinés d’un coup de lame. Malgré cela, la flexibilité du système de compétences évite que le joueur ne soit coincé à cause de mauvais choix d’investissement.

Pour en revenir au sujet des mercenaires, un système ressemblant visuellement au système de Nemesis de L’Ombre du Mordor a été implémenté dans Assassin’s Creed Odyssey, permettant aux joueurs de se battre à mort contre les meilleurs mercenaires de Grèce, ceux-là étant parfois-même mandatés par l’ennemi ou les civils pour vous traquer si vous commettez des actes jugés répréhensibles. Petit à petit, monter en échelon dans le monde des misthios débloquera certains avantages, ainsi qu’une récompense spéciale en cas d’ascension à la place de numéro 1. D’ailleurs, il vous sera possible – comme avec la majorité des ennemis communs – de les recruter en tant que lieutenant de votre navire si vous effectuez une attaque non-léthale sur eux alors que leurs points de vie sont faibles. Les lieutenants, à la façon de l’équipement, se déclinent en plusieurs niveaux de rareté et apportent des bonus à certaines caractéristiques de l’Adrestia, votre navire. Lesdits lieutenants ne seront d’ailleurs pas le seul élément personnalisable de votre bateau, celui-ci pouvant être amélioré et affublé de différentes éléments trouvés ça et là au fil de votre aventure (équipage, voile, figure de proue).

Le regard accusateur de la Gorgone Zola

Visuellement, Assassin’s Creed Odyssey tient aussi bien la route que son aîné, Origins. Et bien que les décors de la Grèce antique d’Odyssey soient un peu moins enchanteurs que ceux de l’Egypte de Bayek, on se plaît à s’abandonner dans les vastes décors créés avec talent par les équipes artistiques d’Ubisoft, qui se déchaînent même lors des rares occasions leur permettant de s’affranchir de tout réalisme géographique. Pour ne citer qu’elle, la zone menant à l’antre de la Gorgone est magnifique, autant sur le plan purement visuel que sur celui de l’atmosphère et de la mise en scène. A l’instar de « l’effet-waw » procuré par les décors du second DLC d’Assassin’s Creed Origins, on ne peut que saliver de nouveau en imaginant ce que donnerait un jeu de cette ampleur dans un univers 100% fantastique qui serait confié aux mains des mêmes équipes créatives…

A l’inverse, techniquement, c’est plutôt la soupe à la grimace qui attend certains joueurs PC (la plateforme utilisée pour ce test). Si les derniers patchs en date lors de l’écriture de ce test (1.05) ont réussi à corriger des problèmes critiques empêchant carrément certains processeurs de faire tourner le jeu (ceux n’offrant aucun support de l’AVX), ceux-ci n’ont toujours pas corrigé les problèmes de crashes occasionnels qui peuvent survenir au bout de plusieurs heures de jeu (ou parfois dès le chargement de la partie). Pour ce test, après vérification de l’intégrité technique de notre machine, nous avons remarqué que le jeu tournait correctement en désactivant le dual screen et en réduisant au maximum les tâches de fond, avec seulement un crash toutes les 6 heures en moyenne. Si le jeu nous parait désormais stable de notre côté après moult manipulations et l’application des derniers patchs, il est tout de même important de prendre ce point avec des pincettes étant donné les problèmes que continuent de rencontrer une minorité de machines.

En dehors de cela, on ne peut qu’apprécier l’amélioration et le soin apportés à la modélisation des personnages principaux d’Assassin’s Creed Odyssey, ainsi qu’à leur animation, autant corporelles que faciales. Si quelques défauts subsistent encore à certains moment, le résultat global demeure bluffant. A nuancer, néanmoins, avec le traitement des PNJ qui manquent parfois cruellement de vie lors de certaines mises en scène de foules au sein desquelles ceux-ci semblent aussi vivaces qu’une troupe de paresseux sous morphine. La sensation de vie des environnements, quant à elle, est également sujette à discussion : si les zones situées en pleine nature sont aussi vivantes sur le plan sonore que visuel, cela n’est parfois pas le cas des villes, dont les habitants ne semblent pas vraiment actifs et campent le plus souvent au même endroit. On y prête peu attention au vu du rythme imposé par le jeu, mais une fois que l’œil se pose dessus, on s’aperçoit que les villes ne sont pas aussi vivantes qu’elles pourraient l’être à cause d’une absence de routines complexes de ses habitants. Pour être honnête, ceci relève du détail, mais ce point titillera tout de même les joueurs les plus pointilleux.

Assassin's Creed Odyssey test critique

 

Avec Assassin’s Creed Odyssey, Ubisoft fait un pas sérieux vers le domaine des RPG à choix multiples. Et malgré quelques maladresses ainsi que la présence de trop grosses ficelles au niveau des quêtes annexes, on peut affirmer que le pari est réussi. On ignore si la licence poursuivra ce chemin, mais on ne peut qu’espérer que ce soit le cas au vu des qualités narratives observées dans cet épisode. D’un point de vue plus technique, on a également apprécié la maniabilité redoutable du personnage ainsi que le dynamisme des combats, deux autres points qui témoignent de tout le chemin parcouru depuis le premier opus de la saga en 2007. En résumé, Assassin’s Creed Odyssey est un incontournable qui, s’il ne reproduit pas l’effet de surprise d’Origins, s’illustre sur d’autres points qui contribuent positivement à la reconquête du succès de la saga.

 


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Points forts

  • La trame principale prenante, dont les choix ont de réelles conséquences
  • Une durée de vie titanesque (~120h pour boucler le jeu à 100%)
  • Visuellement très beau
  • La bande-son adaptée et agréable
  • L'aspect RPG qui s'est renforcé depuis Origins

Points faibles

  • Des quêtes annexes sponsorisées par Fedex
  • Quelques soucis de stabilité sur PC
  • Certaines techniques de combat un peu trop « Dynastywarrioresques »
8

Great

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