Assassin’s Creed Mirage promettait un retour aux sources. Il a eu lieu, pour le meilleur et pour le pire.
Assassin’s Creed Mirage est donc l’épisode de la transition d’une licence qui peine toujours à faire l’unanimité parmi les joueurs, à l’image du studio Ubisoft. Malgré des projets stratosphériques et un fort attachement avec ses joueurs, l’éditeur a dû faire face à de nombreuses polémiques d’une part (toxicité et grand ménage), et de l’autre part des choix contestés autour de jeux très attendus (Skull and Bones en lambeaux, Beyond Good and Evil 2 porté disparu…). Quant aux Assassin’s Creed, ils ont porté une recette qui a, une fois, impressionné les joueurs avec Origins, conforté leurs opinions avec Odyssey puis divisé avec Valhalla, tant le plat paraissait réchauffé. Malgré tout, le dernier de cette trilogie reste le plus grand succès commercial d’Ubisoft. A l’écoute de ses joueurs, la firme a entamé un break en faveur d’un retour aux sources qui rend même hommage à Prince of Persia. Mêmê s’il retombe dans certains de ses travers, ce treizième opus s’avère captivant et on se plaît à enchaîner les parcours avec cet assassin dans le Bagdad du IXe siècle.
Version PS5 fournie par l’éditeur. Le jeu est aussi disponible sur PC et Xbox.
Un voleur tourmenté
Il n’est pas aisé de se faire une place à Bagdad au IXe siècle. Souvent accompagné de Nahel, Basim Ibn Ishaq, le héros que nous incarnons, le réalise. Il tente bien de faire les 400 coups et de rendre quelques services à des marchands mais difficile de se faire un nom. Enfin, jusqu’au jour où son destin bascule… En écoutant une conversation d’une membre de Ceux qu’on ne voit pas, il s’infiltre alors dans un palais dans lequel un objet mystique est renfermé. Forcément, cela tourne au vinaigre et le voilà ensuite en fuite. Mais l’objectif était atteint. Il s’est fait remarquer par l’organisation qu’il souhaitait impressionner et il devient leur apprenti. Après un long entraînement, il œuvre ensuite à déjouer les plans de l’Ordre des Anciens avec l’aide des renseignements de la confrérie des Assassins. Et c’est là que commence votre mission principale dans Assassin’s Creed Mirage, couper toutes les têtes du serpent.
Néanmoins, ce qui nous intrigue tout au long de l’aventure, ce sont ces cauchemars qui hantent le héros. Basim est tourmenté. Un djinn apparaît dans chacun de ses sommeils, et il ne comprend pas ses apparitions, sa signification. Plus vous trempez vos plumes dans le sang de vos victimes, plus les apparitions seront fréquentes. Les séquences nous baignent dans l’incertitude la plus totale. On ne sait pas si un démon hante notre héros ou si le djinn cache une toute autre vérité. Bien sûr, le mystère s’épaissira et aura de quoi troubler notre jeune héros, ce qui impactera aussi les mœurs de Basim au cours de l’intrigue.
Nous voilà donc dans une aventure à double intrigue, des enjeux à diverses échelles, avec une lutte interne du héros et un combat de Ceux qu’on ne voit pas contre l’Ordre. Ce qui parait aussi intéressant, c’est la trajectoire du personnage principal qui porte les idées de la confrérie, mais qui se construit durant ces 20 heures de jeu. On le découvre presque jeune adulte, et ses conversations avec certains ennemis et personnages principaux vont le faire grandir, ou lui montre que le monde n’est ni blanc ni noir, mais qu’il existe bien 50 nuances de gris qui confrontent chacun des camps.
Cette évolution du personnage n’est pas toujours nette en continu, mais elle se manifeste davantage dans le dernier tiers. De prime abord, je trouvais la construction de l’intrigue bancale. Au terme de l’aventure, force est de constater qu’elle m’a transporté bien plus loin que ce que je l’aurais imaginé, du moins ailleurs, ce qui rendait l’histoire plus captivante.
Fin des grandes cascades mais un retour aux sources
Le retour dans le Bagdad du IXe siècle plonge le joueur à l’âge d’or de l’Islam. Cela demeure bien plus tôt que le premier Assassin’s Creed sorti en 2007 (au XIIe siècle). Cela dit, le titre affiche davantage de similarités avec les premiers titres de la franchise plutôt qu’avec les derniers. Nous sommes loin des RPG en monde ouvert du trident Origins-Odyssey-Valhalla.
Ni les ennemis ni les zones ne sont classés par niveaux. Surtout le monde n’est pas aussi vaste. On perd clairement en grandeur au niveau des décors. Il y aura bien des sites historiques à explorer, chacun cachant son histoire. Mais il ne faut pas espérer escalader autre chose que des grands palais ou des clochers. On tournera autour de Bagdad, ses petites villes et son grand désert. Certains seront peut-être déçus de faire le tour assez rapidement (20 heures de jeu environ), qu’il manque de surprise dans son exploration. Cela reste clairement un choix assumé.
Il reste tout de même agréable à découvrir. D’ailleurs, la majorité des ruelles sont étroites et cela favorise les moments de parkour. Nous gardons l’impression que cette région n’attend qu’une chose, que vous escaladiez ses murs, que vous passiez de toits en toits, tout en traversant quelques fenêtres et en forçant quelques passages. On regrettera quelques soucis techniques, de l’imprécision dans les séquences de déplacements mais globalement, on ne boude pas son plaisir. Le jeu se permet même de nous faire réfléchir pour trouver le bon chemin dans des séquences d’assassinat ou de collecte. Par exemple, lorsque l’entrée vers certains bâtiments est prohibée, c’est qu’il faut détourner la porte principale pour se frayer une entrée, soit par une fenêtre (parfois à se créer soi-même), soit par une autre porte pour laquelle nous n’avons pas encore les clés… Bref, dans le jeu, il y a une énigme dans l’intrigue principale (avant-dernière mission), le reste, c’est l’accès à la bonne porte qui fait office d’énigme. C’est léger mais c’est tout Assassin’s Creed Mirage qui est baigné dans cette légèreté.
La folie des grandeurs demeure très loin. Malheureusement, on retrouve des lacunes qui gâchent parfois ce qui fait l’identité du titre : l’infiltration.
Quand l’I.A et l’infiltration ne font pas un…
La licence met en scène toute une lignée d’assassins qui ont besoin de se faire discret pour accomplir leur mission. Dans Assassin’s Creed Mirage, c’est encore le cas mais la crédibilité des ennemis en prend un coup. C’est notamment dû à une I.A qui n’offre pas une grande… intelligence aux gardes. Le comportement est même complètement à revoir. Certes, la tension est toujours là pour ne pas se faire repérer puisque les gardes sont très nombreux dans certaines zones. Mais jamais cela nous condamne. Il est même très facile de sortir du radar de l’ennemi. Il suffit de courir un certain temps pour la plupart, une fois que l’on n’est plus entouré, on se cache. Et le tour est joué…
Mais ce n’est pas forcément le plus contraignant dans cette expérience de jeu qui est censé nous offrir une infiltration convenable. Tout au long du jeu, enfin en ce qui concerne nos sessions de jeu, les situations incohérentes se répétaient. Il était si facile d’assassiner des gardes sans se faire repérer, alors qu’ils tout proches. On ne craint pas grand chose. Leur absence n’inquiète pas, leur cris pas souvent non plus. De même, ils peuvent bien repérer un corps sur leur chemin, ils ne vont pas forcément partir à votre recherche, ni avertir tout le monde d’un crime commis. Pour que toute la garnison soit mise en alerte, il est vraiment nécessaire d’être pris en flagrant délit, celui-ci n’est véritable que si vous vous trouvez dans le champ de vision de l’ennemi… et l’ennemi est myope.
Forcément ça aide à enchaîner les contrats sans difficulté et à progresser dans l’histoire. Mais le côté infiltration du jeu en prend un sacré coup. C’est dommage car certaines idées ne manquent pas de panache. L’intégration d’animaux félins sauvages (lors d’une mission), les porteurs de lance-flamme (Naffatah) et les capitaines aux grandes armures, ou les spécialistes du sabre (Shakiriyya) variaient correctement des ennemis (huit types en tout) qui ne présentaient de la difficulté seulement en grand nombre pour les combats au corps à corps.
On pourra aussi regretter le manque de travail et d’écriture sur les cibles principales (« les boss de l’Ordre » si on veut vulgariser) qui ne représentent que des proies, qui se concentrent que sur leur dernier instant de vie, comme s’ils n’avaient un peu trop rien à dire. Il aurait été appréciable d’en apprendre davantage sur leur conviction et leur façon de voir le monde, de débattre sur les invectives de Basim. Or, on assiste finalement qu’à un défilement de cibles diabolisées et qui ne prennent finalement pas le temps d’installer un semblant de psychologie ni de personnalité, à une exception près peut-être. D’ailleurs, même leur pattern ne présente rien de fou, ils n’ont pas reçu de traitement particulier et ils se taperont comme des ennemis habituels. Par contre, il faudra passer par une grande séquence d’infiltration dans un environnement sans se faire voir. Mais les développeurs ont fait en sorte de vous faciliter la tâche avec des PNJ qui peuvent vous aider à infiltrer un lieu, ou à faire sortir la cible pour qu’on puisse l’atteindre facilement.
Par ailleurs, on remarque aisément que notre vision d’aigle a été améliorée, d’ailleurs elle profite d’une branche de compétences, et on aura tendance à en abuser pour nous faciliter toutes les missions, trouver tous les coffres, les ennemis et les PNJ utiles. Ce n’est clairement pas un jeu où l’on va réellement enquêter par nous-même. On nous donne toutes les clés pour ne créer aucune frustration. La seule mission qui nécessitait notre sens de l’observation était celle où l’on devait trouver des croquis de lapins (eux appelaient ça des souris…) sur les murs de la ville pour trouver une cachette. Hormis ça, la vision d’aigle vous mâche le boulot, quand ce n’est pas votre aigle qui s’en charge. Basim sera effectivement accompagné d’un aigle qui pourra marquer tous vos ennemis et trouver les lieux les plus importants d’une mission. Chose appréciable, certaines forteresses bien gardées vous empêchent de l’utiliser avec la présence d’archers qui en font leur cible.
Assassin’s Creed Mirage effectue un retour aux sources réussi mais non sans mal. L’infiltration ratée et les imprécisions techniques peuvent frustrer le long de l’aventure. Néanmoins, l’intrigue est rondement menée, et parvient même à nous surprendre sur le dénouement. On se plait à explorer les environs de Bagdad qui ont été modélisés pour des séquences de parkour agréables. On ne boude finalement pas notre plaisir dans les différentes étapes d’un voyage qui dure une vingtaine d’heures.
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