Paru en début de mois, Gideon Falls nous invite dans son univers d’angoisse et d’horreur, mais comment faire naître l’horreur en bande dessinée ?
Collection : Urban Indies
Date de sortie : 02 novembre 2018
Pagination : 176 pages
Jeff Lemire (scénario) et Andrea Sorrentino (dessin) ne sont pas des nouveaux venus. Ensemble ils ont travaillé sur Green Arrow et Old Man Logan (Marvel) que nous ne saurions que trop vous conseiller. Séparément on les retrouve sur des projets tels Justice League Dark, Batman Black & White, Inhumans vs X-men, Uncanny X-Men, Secret Empire ou I Vampire.
Ensemble ils se sont lancés dans un « nouveau » projet : Gideon Falls, qui a pour but de porter en planche une histoire horrifique.
La genèse
Persuadé que les déchets des citadins renferment les clés d’une conspiration d’envergure, Norton Sinclair accumule, classe et livre ses conclusions hallucinées au sujet d’une grange noire au docteur Xu, la psychiatre qui le suit depuis sa sortie de l’hôpital. Ailleurs, dans la petite bourgade de Gideon Falls, le père Fred prend contact avec la nouvelle communauté dont il a désormais la charge après la disparition subite du précédent prêtre. Au cours de sa première nuit sur place, une sinistre grange noire vient ponctuer une série d’événements pour le moins dérangeants…
Norton est un compagnon de longue route pour Jeff Lemire. L’histoire qu’il nous livre le suit depuis sa vie d’étudiant sous d’autres formes, mais le personnage de Norton a eu l’honneur à quelques court-métrages avant de nous être livré sous sa forme actuelle de paranoïaque compulsif.
Une Histoire d’ambiance
Mais oublier le père Fred serait une erreur, les deux personnages, qui ne se rencontrent pas dans ce premier tome, permettent à Andrea Sorrentino de jouer avec le découpage des planches, la mise en page de cases. Pour le père Fred, une narration presque classique, comme un story board de cinéma ou de série. On serait tenté de dire qu’on avance doucement dans l’histoire, si celui-ci arrive dans une ville isolée de la campagne américaine, il est pourtant bien vite confronté à l’inattendu (pour faire dans l’euphémisme). En revanche, Andrea a eu l’occasion de faire preuve de bien plus d’imagination pour la partie du récit concernant Norton : images déconstruites, pleines pages aux nombreux détails et un choix de couleur pour accentuer les points d’importance. D’ailleurs l’histoire ouvre sur une pleine page retournée, pour le moins original pour un première tome d’une nouvelle série où il est de coutume d’accompagner le lecteur dans un nouveau contexte.
Et puisque nous parlons du dessin, il faut insister sur le fait que ce soit lui, aidé donc par la mise en page, qui porte l’angoisse et le début de l’horreur. Quand on parle d »horreur on ne parle pas de gore, mais bien d’angoisse et de peur. Le dessin semble avoir été gratté, vieilli, ce qui nous met naturellement dans une atmosphère de suspicion et d’anticipation : on sait que les choses vont mal se passer, on se doute que les personnages cachent des choses, que tout est alourdi de sous-entendus voire de manœuvres.
Gideon Falls, dans ce premier tome, est prometteur, et à 10€ jusque fin décembre on aurait tort de ne pas plonger dans l’histoire. Espérons que les auteurs sauront continuer à mettre en scène leur histoire et que les événements narrés ne seront pas traités de manière trop terre à terre, ce qui est souvent le défaut des comics.