Les JO et l’Esport, c’est un dossier qui commence à dater et qui semble venu à un début de conclusion en ce jour. Et elle va vous étonner (ou pas)…
Il y a une vingtaine d’année, le sujet fut abordé au détour d’une simple question. Devant l’engouement grandissant, et surtout l’explosion du marché vidéoludique et des compétitions : les Jeux Olympiques pouvaient-ils accueillir une série d’épreuves Esport et surtout sous quelles conditions ?
Le discours du Comité International Olympique (CIO) fut de toujours mettre en avant la possibilité tout en excluant tous les jeux qui seraient contraires à son éthique (retenez ce mot, il prendra tout son sens à la fin de cet article). Comprenez qu’un jeu où l’on fait des Kills, des Frags, bref où l’on fait couler le sang virtuel de son adversaire serait, de toute façon, proscrit. On se retrouve alors avec des simulations sportives de qualité TRÈS variable.
Autre problématique, si un sport, bien qu’attaché à des fédérations et sponsorisés par des multinationales, est immatériel, un jeu Esport est lui développé, édité et supporté par des entreprises privées, qui, de plus, organise déjà des évènements en ligues nationales, coupes internationales, et évènements entre nations, la plus célèbre d’entre elles étant celle ayant pris part sur le regretté Overwatch. Il faudra dès lors attendre 2017 pour que la discipline vidéoludique dans son ensemble soit officiellement reconnue comme sport par le CIO.
Savez-vous ce qu’est le Soft Power ?
Soft Power : angl. n.m : capacité d’un État à influencer et à orienter les relations internationales en sa faveur à travers des ressources intangibles telles que l’image ou la réputation positive d’un, ses capacités de communication, le degré d’ouverture de sa société.
Ainsi le soft power japonais s’exprime ultra majoritairement par ses mangas, ses jeux vidéo et son histoire mise en scène à travers ces médias, ou d’autres comme le cinéma. Idem pour les US avec toujours l’audiovisuel, les comics, la musique ou encore le sport. La France, par exemple, cultive cette capacité en tablant, comme d’autres, sur le tourisme et sa présence sur le globe, grâce aux DOM-TOM lui permet de participer à de multiples organisations multilatérales, elle est même première au classement du nombre de participations.
En l’état, plusieurs pays aux réputations peu aguichantes ont donc commencé à travailler le sujet. Proche de nous : le Qatar avec QSI et un certain club de foot. Pour les sujets qui nous concernent d’habitude dans ces lignes on notera que l’Arabie Saoudite investit depuis quelques années dans le manga, via la société d’état Manga Productions pilotée directement par le prince régnant du royaume. Et on connait la recette : moyens colossaux, partenariats avec des studios japonais pour un résultat qui interroge.
Arabie Saoudite, manga et jeux vidéo
Car c’est l’an prochain, à l’occasion de l’exposition universelle d’Osaka que le pavillon de l’Arabie saoudite devrait sceller un accord avec le Japon jugé historique « sur le plan de la coopération culturelle », par Essam Bukhary, directeur général de Manga Productions. Arabie Saoudite qui accueillera l’exposition universelle suivante, en 2030.
Manga Productions ne s’arrêtera pas à des animes ou des mangas. Ainsi ont-ils annoncé en mars dernier la création du premier parc d’attractions consacré à Dragon Ball, qui sera construit dans une ville d’Arabie saoudite dédiée aux loisirs, Qiddiya. Ville nouvelle qui reste, elle aussi à construire.
Pour marquer le coup, a été installée une statue de 33 mètres de Goldorak à Riyad, annonçant ainsi le Project G qui permet à Manga Productions d’exploiter les droits du personnage avec comme première sortie Goldorak U (spoiler c’est pas ouf).
Le CIO et l’esprit Coubertin
Autre étape importante dans la stratégie saoudienne, le sport. Doublé par le Qatar, avec notamment la Coupe du Monde de Football en 2022 qui avait nécessité la construction de stades climatisés et la re-planification de l’évènement en hiver, l’Arabie Saoudite devait l’avoir un peu mauvaise. Première étape du rattrapage : l’organisation des jeux asiatiques d’hiver en 2029, 47 sports (28 sur neige et 19 sur glace) se dérouleront en plein désert saoudien (pour la planète : je baisse, j’éteins, je décale).
Seconde étape donc : les Jeux Olympiques Esport. Annoncée le 12 juillet, l’association entre le CIO et le Comité National Olympique (CNO) saoudien pour l’organisation des premiers Jeux Olympiques de l’Esport en 2025 au Royaume d’Arabie Saoudite pour 12 ans, soit 3 olympiades si le cycle de 4 ans est respecté.
Une annonce qui vient avec son discours bullshittant de Thomas Bach, président du CIO :
Nous avons beaucoup de chances de pouvoir travailler avec le CNO saoudien sur les Jeux Olympiques de l’e-sport, car il possède une grande expertise – pour ne pas dire unique – dans ce domaine avec toutes ses parties prenantes. Les Jeux Olympiques de l’e-sport bénéficieront grandement de cette expérience. En nous associant au CNO saoudien, nous avons également veillé à ce que les valeurs olympiques soient respectées, notamment en ce qui concerne les titres des jeux au programme, la promotion de l’égalité des genres et l’engagement auprès du jeune public, lequel est friand d’e-sport.
Notons le qualificatif d’unique apposé à leur expertise, pas la meilleure, pas la plus grande ou la plus longue, non, juste unique. On fait aussi mention de l’égalité des genres, on rappellera donc qu’il s’agit d’un des pays les plus restrictifs en ce qui concerne le droit des femmes, ce qui n’a pas empêché le pays d’être désigné à la tête de la Commission de la condition de la femme de l’ONU en 2024…
Restent à définir un calendrier précis de l’événement, les titres à inclure, du processus de qualification pour les joueurs…
Notons aussi qu’une simple recherche sur votre moteur de recherche favori permet d’avoir un aperçu de tous les scandales d’attributions des Jeux Olympiques.
Tout ça pour ça ?
Lors des JO en Chine, de nombreuses voix s’étaient élevées, on leur objecta alors que l’organisation des JO et plus largement, l’attribution de grand évènements ramèneraient ces pays dans le giron des Droits de l’Homme en les incluant au monde démocratique. En 2024, ces effets bénéfiques sont toujours attendus et il est maintenant clair pour tous qu’ils ne sont que le vecteur d’une diplomatie étatique visant à augmenter son influence culturelle. Dans cet épisode, tous les acteurs économiques se réjouissent sans doute de cette annonce, imaginez un partenariat avec un royaume qui a des fonds quasi illimités et qui ne regarde pas vraiment la qualité du produit fini.
On se questionnera tout de même sur le bien fondé de la stratégie saoudienne qui tente de gagner nos cœurs avec une imagerie qui n’est pas la sienne : manga, robots géants, jeux vidéo, sports.
On sait que l’argent est la raison principale qui amène ou amèneront les collaborations à venir avec le régime saoudien mais on peut aussi se demander ce que l’Esport vient faire aux JO, tant les compétitions annexes sont développés et couronnées de succès. Attention au plafond de verre et à ses effets.
Plus qu’à espérer que nous arrivions à en tirer quelques aspects positifs de ces Jeux olympiques Esport et de ce soft power saoudien sans tomber dans le piège tendu.
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