Des témoignages anonymes avaient récemment fleuri sur la Toile au sujet de méthodes de management toxiques chez Ubisoft. Témoignages repris par le journal Libération qui apporte des éléments nouveaux.
Le mouvement #MeToo, né sur Twitter, avait déjà permis à de nombreuses femmes de prendre la parole contre des méthodes de travail toxiques envers les femmes, voire de faire tomber des harceleurs et violeurs comme Harvey Weinstein. D’autres mouvements, à l’instar de Black Lives Matter qui a dénoncé un racisme systémique au sein de la police mais aussi dans d’autres structures, ont également joué un rôle récent dans la prise de parole des personnes harcelées ou discriminées au travail sur la base de leur couleur de peau, leur sexe ou encore leur genre pour ne citer que ces critères.
Parmi les classiques messages de soutien de grandes entreprises qui n’ont pas manqué de fleurir ça et là pour des raisons essentiellement marketing, on retrouvait des noms assez connus du jeu vidéo. Avec des propos plutôt classiques du genre « vos valeurs sont les nôtres », alors que des témoignages sur des méthodes de management toxiques commencent à percer depuis quelques années. On repensera notamment à l’affaire Quantic Dream, dont le déroulement judiciaire n’est pas encore terminé, ou encore à d’autres histoires de management chaotique et humainement catastrophique à l’instar de la débâcle de BioWare (cf. How BioWare’s Anthem went wrong? de Jason Schreier (Kotaku) – article en anglais). Et depuis quelques jours, c’est au tour d’Ubisoft d’essuyer les critiques suite à des témoignages anonymes recueillis sur Twitter vers la fin du mois de juin :
Ubisoft réagit à l'instant aux témoignages (anonymes ou non) qui apparaissent depuis 48h sur l'inconduite de plusieurs cadres, issus de différents studios, envers leurs collègues féminines. Des enquêtes RH sont ouvertes.https://t.co/qaytYYJZF6
— Chloé Woitier ☕ (@W_Chloe) June 25, 2020
En cause, ici, des cadres d’Ubisoft qui auraient abusé de leurs pouvoirs hiérarchiques, principalement dans le but de harceler sexuellement des salariées de l’entreprise. C’est le journal Libération, dans un article paru hier sur Internet et aujourd’hui en version papier, qui reprend ces accusations déjà relayées par le média américain Bloomberg :
NEWS: Ubisoft has suspended several employees accused of abuse and misconduct, including top executives Tommy François and Maxime Béland, as it investigates a wave of claims that hit social media this week: https://t.co/EDSBdFO2bd
— Jason Schreier (@jasonschreier) June 26, 2020
Les accusations dont il est ici question, bien qu’essentiellement anonymes pour la plupart, ont malgré tout provoqué des réactions rapides en haut-lieu chez Ubisoft. L’entreprise, en effet, a aussitôt annoncé une enquête par un « consultant externe » afin de tirer cette affaire au clair. Certaines personnes mises en cause, à l’image de Tommy François, ex-présentateur de la chaîne Game One et vice-président de l’équipe éditoriale chez Ubisoft, ont été suspendus en attente des résultats de l’enquête.
Le journal Libération (dont l’article, réservé aux abonnés, est à retrouver ici en sus d’un complément d’article ici), apporte de son côté beaucoup plus de détails et étoffe les accusations dont il est question. Avec des témoignages troublants, voire carrément effrayants, concernant les méthodes de management et certains comportements non-professionnels constatés au siège d’Ubisoft à Montreuil :
D’après les témoins entendus par le quotidien, les services concernés seraient dirigés de manière toxique par une hiérarchie soudée et protégée par les Ressources Humaines ainsi que par une direction soucieuse de ne pas perdre ses « talents » – au point de vouloir étouffer toute affaire gênante au lieu de faire le ménage. Si les témoignages parlent largement de sexisme, de harcèlements sexuels, voire d’agressions sexuelles, il serait également question de harcèlement moral à l’encontre d’un salarié masculin.
Libération évoque d’ailleurs avec détails le fonctionnement des RH (Ressources Humaines), ce service censé permettre aux salariés de faire remonter les problèmes au sein d’une entreprise pour aider à les résoudre. Toujours d’après les témoignages cités, les RH du siège d’Ubisoft n’ont jamais été du côté des salarié.e.s concerné.e.s. D’après eux, les RJ se sont contentés d’aider la hiérarchie à étouffer les affaires en question. Et lorsque vient la question d’un quelconque syndicat, organe indépendant d’une entreprise dont la seule vocation est de protéger le droit des salariés, les témoignages sont également édifiants et dans la droite lignée des accusations portées à l’encontre des RH : « Rien ne fait plus peur à Ubisoft que la perspective que les Délégués du Personnel se syndiquent. Ça a été dit plusieurs fois : « on est bien entre nous, pas besoin d’amener qui que ce soit, et surtout pas des syndicats », et on nous a fait comprendre en Comité d’Entreprise que si quelqu’un se syndiquait, ça se règlerait avec les avocats. »
Alors que l’avocat de Tommy François, par le biais d’une réponse apportée aux questions du journal Libération, a encouragé les personnes concernées à porter plainte, nous ignorons pour le moment si les auteurs des témoignages envisagent une telle possibilité. De son côté, le STJV (Syndicat des Travailleurs du Jeu Vidéo) a rappelé l’obligation des entreprises à prévenir et à lutter contre toute forme de harcèlements au travail :
La prévention du harcèlement fait partie des obligations de l’employeur envers ses salarié·es (ar. L. 1152-1 Code du travail). Et en la matière, il est tenu à une obligation de résultat (cassation, chambre sociale, 22/02/2002, pourvoi n° 99-18389). cf:https://t.co/VLtVR46w4t https://t.co/dR4XhtUoKu
— STJV (@stjv_fr) June 27, 2020
Mise à jour du 06/07/2019 : nous ajoutons à cet article les deux liens vers l’enquête de Numerama (article public).
➡ Partie 1 : « Harcèlement sexiste et sexuel à Ubisoft : « Il a tenté de m’embrasser, tout le monde rigolait » »
➡ Partie 2 : « « Toi, je sais que tu veux ma bite » : à Ubisoft Monde, qui protège les femmes ? »
Mise à jour du 10/07/2019 : nous ajoutons à cet article la suite de l’enquête de Libération qui revient sur certaines conclusions tirées en haut-lieu chez Ubisoft et qui peuvent se résumer par une volonté de mettre la poussière sous le tapis en sacrifiant quelques éléments problématiques afin de mieux en protéger d’autres :
➡ « Harcèlement sexuel à Ubisoft : «On savait» », dont voici un extrait ci-dessous :
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