Mur d’Hadrien représente l’une des sorties majeures de l’année 2021. Au programme du flip ‘n write et énormément de choix.
Temps moyen : 60 min
Nombre de joueurs : 1 à 6
Âge conseillé : 12+
Éditeur : Garphill Games et Pixie Games
Illustrateur : Sam Phillips
Mécanismes : flip ‘n write, gestion de ressources
Version fournie par le distributeur Pixie Games.
Mur d’Hadrien, raconte-moi ton histoire
Retour en Antiquité avec Mur d’Hadrien. Si ce n’est pas l’empereur romain le plus célèbre dans les livres d’Histoire, Hadrien est pourtant celui qui a vu l’Empire romain étendu comme jamais. Mais c’est bien ce fameux Mur de 118 kilomètres de long qui séparait les « Barbares » des Romains qui a fait sa renommée.
Dans le jeu de société imaginé par Bobby Hill et la maison d’édition Garphill Games, on incarne donc un général romain dont la mission est de renforcer les défenses du Mur d’Hadrien avec des petites fortifications. Forcément les invasions seront au rendez-vous chez les Pictes et l’enjeu sera de montrer de quel bois nos constructions se chauffent, tout ça pour convaincre l’Empereur de nous accorder son immense considération en nous nommant commandant d’une armée de la romaine légion !
Petit tour d’horizon
Mécaniquement on se retrouve donc avec de la gestion de ressources et du flip ‘n write. C’est-à-dire que l’on va retourner une carte en début de tour et qu’elle annoncera quelles ressources prendre. Et toutes ces ressources, elles ne servent qu’à enclencher des actions. Ces actions se manifestent sur votre feuille personnelle qui est votre terrain de jeu. Bien souvent, dépenser une ressource vous en apportera une autre.
Lorsque vous aurez assimilé toute l’iconographie et les actions possibles, le jeu se montre d’une fluidité impressionnante. Par contre, il est vrai, on joue énormément dans son coin. En début de tour, on récolte ses ressources (communes et personnelles) puis chacun se lance dans ses actions et la complétion de sa feuille jusqu’à épuisement des ressources et donc des actions.
La seule interaction se situe autour d’une section du jeu invitant le joueur à se servir d’une carte d’un autre joueur pour effectuer une action. Si l’interaction est complètement absente de Mur d’Hadrien, il reste un jeu ô combien intéressant dans ce qu’il propose. Énormément de possibilités, de choix, de chemins, de dilemmes. J’ai l’impression qu’il repousse un petit peu les codes du flip ‘n write en apportant une grande profondeur et une complexité dans ses choix.
Au vu de sa feuille il peut, de prime abord, en perdre plus d’un. Mais il mérite vraiment qu’on s’y attarde, qu’on le dompte pour tenter de meilleures voies. De mon côté, il ne me permet pas de m’installer dans une zone de confort dans le sens où je ne saurai vous dire une stratégie gagnante (payante oui, gagnante non). Il y a tellement de chemins, de choix, de timing différents que ça en est déroutant. Je ne sens pas de courbe de progression comme d’autres roll/flip ‘n write. À la 5e partie, je peux faire pire qu’à la 2e. Il existe tant de zones inconnues. Se protéger des attaques mais de quelle façon ? Favoriser les remparts ou anticiper des attaques sur une section apportant des boucliers ?
Puis il y a ces quatre pistes, facteurs scores qui se remplissent petit à petit. Il y a toute cette production de ressources à optimiser, ces défenses à renforcer, ce fort à développer, ces citoyens à gérer. Chacun amène à l’autre et pourtant tout peut être géré indépendamment de l’autre, je trouve l’équilibre bon et le jeu vous invite clairement à faire des choix importants car tout ne pourra pas être développé au maximum.
Le jeu est si riche qu’il serait très long et ennuyeux de détailler en matière de mécaniques et de sections sur votre plateau (feuille) de jeu. On va donc l’analyser sous un autre angle tout en apportant quelques précisions.
On retrouve trois grandes étapes dans le déroulement d’une manche. On commence par récolter les ressources en début de tour, puis on entame notre phase de développement en dépensant les ressources et en cochant les cases de notre feuille de jeu. Enfin on subit les attaques des Pictes qui font de plus en plus mal au fur et à mesure que la partie avance. En sachant qu’il y a 6 tours de jeu, on subit, en mode Normal, une seule attaque au premier tour et dix attaques au dernier tour. Vous devinez qu’il vaut mieux donc élaborer la défense de votre mur avec attention au risque de se prendre quelques gros malus dans la poire. D’ailleurs, il y a 3 modes de difficulté afin d’ajuster au mieux son plaisir ludique et sa dose de challenge : Facile, Normal et Difficile.
Une histoire de troc et de choix en continu
La gestion de ressources est clairement au centre des mécaniques de jeu. Dans Mur d’Hadrien, lorsque vous dépensez une ressource, vous en récoltez une autre la moitié du temps. Surtout, lorsque vous dépensez une ressource, vous ne le faites presque jamais en vain. C’est toujours dans l’optique d’avancer sur une piste citoyenne, d’obtenir un bonus d’action (une case supplémentaire à cocher), de progresser sur une piste d’attributs (celle qui rapporte des points en fin de partie) mais encore de débloquer de nouvelles actions grâce à la construction des divers bâtiments. Cela procure la sensation grisante d’être toujours dans le jus.
Par contre, si on part parfois avec l’impression que les ressources sont abondantes, on en réclame toujours plus. On aperçoit toujours ce que l’on aurait pu faire en plus. Cela se renforce avec les dilemmes qui s’offrent à nous. Prenons l’exemple des pierres. Elles sont indispensables pour construire le mur et le cippi mais elles sont aussi nécessaires pour optimiser la production d’autres ressources et pour développer les sections fortes de chaque piste citoyenne (bâtiments).
On nous impose donc des choix partout. Des choix entre les pistes citoyennes (qui demandent, quant à elles, uniquement des ouvriers de couleur jaune), des choix entre les divers bâtiments (requiert pierres et ouvriers différents). Le bon côté des choses, c’est que l’on dispose toujours de différents chemins pour développer son jeu.
La meilleure défense c’est l’attaque ? Non.
Une préoccupation majeure hante les parties. Il faut se prémunir face aux attaques des Pictes. Il serait utopiste de miser entièrement sur la chance ou de croire que l’on peut ignorer cette menace. Néanmoins, on dispose encore de différents moyens de s’y préparer.
Les Pictes attaqueront nos cohortes sur 3 fronts et ce de manière aléatoire. On y retrouve du hasard mais encore une fois on peut s’y préparer. On est en mesure de renforcer les trois fronts. Non seulement défendre efficacement permet d’éloigner de grands malus mais en plus cela permet de progresser sur la piste Vaillance et celle de la Discipline (les pistes Attributs rapportant des points en fin de partie, et permettant de construire des monuments lorsqu’elles ont atteint un seuil suffisant). Je m’attarde dessus car il faut féliciter le créateur du jeu pour avoir mis de la cohérence et du liant partout.
Comment renforcer nos défenses ? En cochant des cases bouclier. Elles se trouvent principalement sur la piste de la Garde du Mur. On les retrouve aussi en développant le Mur et le Cippi. La Garde du Mur réclame qu’on y dépense des ouvriers de couleur noir… qui sont aussi nécessaires au développement du fort entre autres (oh ! encore des choix à faire !). On peut anticiper et couvrir les faiblesses de nos cohortes en développant la piste Citoyenne des Patriciens et en débloquant les Diplomates.
Tout cela pour dire que le travail pour imbriquer les pièces de ce puzzle est remarquable. Chaque section est liée à une autre, chacune des pistes peut faire progresser une autre et ce sera à vous de développer votre propre puzzle et de choisir quelles sections améliorer. Comme je vous le disais, je n’ai pas trouvé de formule magique qui fonctionne toujours. Bien sûr, il sera judicieux d’optimiser rapidement la production des ressources. Qui dit plus de ressources, dit plus d’actions à enclencher, plus de troc à réaliser, plus de possibilités. Mais en vous attardant sur cette optimisation des ressources, vous pourriez perdre en vigilance sur la défense du mur… Et cela pourrait vous coûter cher. Et l’équilibre est fragile !
Un équilibre à trouver
Comme si les choix n’étaient pas assez nombreux et difficiles à appréhender, on en repart très rapidement avec d’autres. À chaque début de tour, six fois donc, on nous demande de choisir entre deux cartes Destin. L’une donnera des ressources indiquées sur la carte, l’autre représentera un objectif à remplir pour nous donner des points en fin de partie. Chaque carte peut nous apporter jusque 3 points, elles cachent donc un potentiel de 18 points.
Là encore ces objectifs sont directement corrélés avec les choix que l’on réalise et les pistes que l’on développe. Un objectif demande par exemple de remplir complètement les cohortes, un autre objectif réclame que l’on optimise au max la production de pierres, un dernier (exemple) renvoie au total des grands bâtiments construits. Que de choix et de préoccupations à gérer.
L’équilibre est difficile, il repose sur beaucoup trop de points pour nous mettre dans un grand confort. Ce n’est pas le jeu dont on fait le tour au bout de 3 parties. Trop de possibilités pour connaître tous les rouages et les ressorts avec certitude.
Donc oui, Mur d’Hadrien peut apporter quelques vertiges si l’on se fie à la masse d’informations à prendre en compte. Et en laisser de côté peut vous desservir. S’il n’est pas si difficile à assimiler dans sa globalité, que l’iconographie est parfaitement claire, il est compréhensible qu’il puisse effrayer à première vue un joueur non-aguerri. Pourtant, on ne patauge dans la mare que lors des deux premiers tours voire le temps de connaître toutes les sections des deux feuilles. Un joueur patient et à l’écoute ne connaîtra pas énormément de problème. Un joueur qui n’écoute que d’une oreille apprendra sur le tas et posera les questions en cours de partie. C’est totalement normal.
Il est bon à savoir qu’il existe une Campagne Solo à télécharger juste ici. Elle nous invite à construire les 16 forts du Mur d’Hadrien avec des règles spécifiques et des bonus à gagner pour les parties suivantes si les défis sont réussis.
Récapitulons : Mur d’Hadrien m’a plu un peu, beaucoup ou à la folie ?
(ou pas du tout…)
Mur d’Hadrien pourrait en perdre plus d’un lors de la partie de découverte. Le tas d’informations et l’impression de se placer devant une multitude de tableaux Excel peuvent égarer. Pourtant, une fois la première partie dépassée, on repart avec de bien belles sensations de jeu. Tout devient plus fluide après l’assimilation de chaque section et chacun pourra y jouer sans sourciller ni se poser de questions… Hormis celle de découvrir quelle est la stratégie gagnante. Après une demie-dizaine de parties, je ne connais toujours pas quel est le meilleur chemin pour optimiser son score. Malgré tout, le plaisir de jeu est toujours là. Il demeure que je pourrai m’y replonger encore et encore. Il est vrai qu’il s’agit presque d’un jeu solo déguisé, que l’on s’intéresse guère à ce que font les autres (à une carte près) mais il demeure un savoureux mélange de gestion de ressources et de flip ‘n write qui se prend facilement en main une fois la partie de découverte effectuée.
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