Ryan Laukat poursuit sur sa lancée et approfondit son univers avec Near and Far : Les Royaumes du Lointain. Il s’inscrit dans la lignée d’Above and Below en y apportant un côté Aventure et en développant l’aspect narratif.
Éditeur : Lucky Duck Games
Illustrateur : Ryan Laukat
Mécanismes : collection, cartes, narratif
Version fournie par l’éditeur.
Le projet abouti de Ryan Laukat.
Ryan Laukat est à l’origine de deux jeux de société localisés par Lucky Duck Games cette dernière semaine de novembre. Après le très bon Above and Below : les Royaumes du Dessous (que nous avons chroniqué à cette page), il nous offre l’excellent Near and Far : les Royaumes du Lointain. Son prix est plus onéreux mais c’est tout à fait logique au vu du matériel et des mécaniques qui gagnent en profondeur. Ce n’est clairement pas le même jeu, il conserve juste le principe narratif du carnet de rencontres. Hormis cela, tout est amené différemment.
Evoquons cette petite pépite ludique en détail.
Near and Far, laisse-nous te raconter tes histoires.
Near and Far et ses Royaumes du Lointain affiche des mécaniques différentes et encore plus complètes qu’Above and Below. Cela se traduit directement par la mise en place et le matériel que nous disposons sur la table. En plus d’un livret de rencontres, nous profitons ainsi de mappemondes afin d’exploiter à fond la mécanique d’exploration. Là où il suffisait d’annoncer l’action « Explorer » dans Above and Below, elle se traduit ici par le déplacement d’un meeple sur une map et c’est fraîchement agréable.
On retrouve sur ces mappemondes (10 en tout) des villes, des routes, des ressources et des bandits à combattre. Là où l’ensemble est cohérent qui plus est bien exploité, c’est que chaque lieu important comprend une numérotation qui renvoie au carnet de rencontres. Les événements que vous vivrez sont en harmonie avec les lieux et nous repartons avec l’impression de vivre une véritable histoire, dans un univers qui se découvre de lieu en lieu, de page en page.
Mieux encore. Si dans Above and Below, les événements étaient indépendants les uns des autres dans le carnet de rencontres, il a été encore mieux pensé dans Near and Far. Un personnage que vous avez croisé dans la première map à travers une Exploration, vous pourrez le retrouver dans les lieux suivants selon le choix que vous avez réalisé. Parfois vous choisirez ainsi de continuer vos quêtes et scénarios avec un protagoniste, vilain ou sympathique, et cela impacte directement le déroulement de l’histoire que vous dessinez à travers vos décisions ainsi que les ressources que vous collectez ou la réputation que vous vous taillez.
Précisons que chaque joueur dispose d’un plateau personnel avec ses recrues étalés par race (apportant tous des bonus en combat, dextérité, endurance et autres), ses ressources mais surtout sa jauge d’endurance représentée par des cœurs. Si vous disposez de 10 cœurs, vous pourrez planter des camps (on en reparlera lors des modalités de fin de partie), améliorer ses lancers de dés et réaliser ses déplacements (qui restent limités avec justesse).
Mais ce n’est pas tout. On constate l’apparition d’un nouveau plateau. Celui-ci comprend une nouvelle fois la piste de Réputation apportant malus et bonus… mais ce n’est pas tout ! Tout ne se déroule pas sur la mappemonde dans le jeu de Ryan Laukat. Une grande importance est accordée à la ville au centre de chaque mappemonde. L’intérieur de la ville est donc représenté par ce plateau sur lequel figure différents quartiers, chacun cachant sa propre action à réaliser.
Quand on arrive en ville !
La ville est un tout autre facteur de réussite dans le jeu. Il sera indispensable d’y passer. Chaque joueur effectuera 1 action par tour et donnera ensuite le relais à ses adversaires, il faut donc choisir ses coups et anticiper pour les stratégies suivantes. Dans la ville, on retrouve 7 actions principales et toutes ont leur importance. Attention ! Si vous vous retrouvez à 2 sur le même lieu, l’arrivant peut enclencher un duel afin de réaliser l’action, le résultat de l’affrontement influe ensuite sur la réputation. En ville, on nous invite donc à :
- Se rendre à l’Hôtel de Ville. Il s’agit du seul lieu où l’on peut réaliser trois actions différentes (jamais deux fois la même). Il est possible d’y effectuer des Transactions, défausser une carte Artefact ou dépenser des pièces ou des gemmes pour gagner ou perdre en réputation. La Transaction servira ainsi à troquer des ressources contre d’autres et cela s’avère précieux dans pas mal de circonstances. Défausser une carte Artefact (activée une fois que l’on a payé le prix indiqué sur la carte) reste utile lorsque l’on sent que l’on ne pourra pas payer son prix, sachant que l’on se chope un malus en fin de partie s’il nous en reste en main. Enfin, gagner de la réputation permet de gagner des points mais surtout de remplir des conditions d’activation de certaines cartes Artefact, en négatif ou en positif.
- Se diriger au Saloon. C’est ici que l’on recrute des Aventuriers. Ils sont situés au sommet du plateau et encore une fois, tous indiquent un coût en pièces mais tous apportent des bonus. Sachant que vous pouvez bénéficier de remises selon vos jetons Faction en main. Si vous avez ainsi en main un jeton de couleur bleue en stock, un Aventurier marqué de la bannière bleue des Mystiques coûtera une pièce en main. Et si vous disposiez d’un jeton et d’un Aventurier déjà recruté de la même faction, vous profitez d’une réduction de 2 pièces. Il faut donc prendre en compte que recruter avec variété apporte des bonus d’équipement et d’endurance mais qu’il est aussi intelligent de recruter de la même tribu. Une fois que vous avez acheté 4 recrues appartenant au même clan, vous gagnez 1 chef et les 5 points de victoire avec.
- Faire un tour dans les écuries. On y paye 1 nourriture pour gagner 1 Oiseau porteur. Clairement, cela permet deux choses : augmenter son déplacement de 1 (on reste limité à 3 habituellement) et gagner un emplacement pour une carte Trésor.
- Ouvrir les portes du Magasin général. Encore une action simple offrant au joueur 1 pièce ou la possibilité de piocher jusqu’à 4 cartes Artefact, basique ou avancée. Elles offrent des points de victoire en fin de partie si on paye le coût d’activation, 1 malus si jamais on ne les active pas.
- Activer la Ferme. On y acquiert 1 nourriture par symbole Habileté dans son groupe d’Aventuriers actif (habileté = le symbole main).
- Visiter la Hutte du mystique. Ce coin est en secteur avec les écuries puisque l’on peut y piocher 1 trésor par Oiseau porteur équipé.
- Entrer dans les Mines. Creuser dans les Mines apporte donc des ressources à la section indiquée en y construisant ses Campement, toujours d’une façon adjacente à ceux déjà installés. Cela nécessite aussi une valeur d’Habileté précise. Cela peut représenter une tactique pour dilapider ses campements, sachant que la partie se termine lorsqu’un joueur ne dispose plus du tout de camp sur son plateau personnel.
Stratégies et rejouabilité maximale
Le seul petit bémol (et on chipote) de Near and Far : les Royaumes du Lointain demeure l’absence d’un carnet de score afin de tout indiquer. Il existe bien presque 10 façons de marquer des points et ce sera sur une feuille personnelle qu’il faudra tout noter.
Au 14e et dernier campement, on termine le tour en cours et on siffle la fin du match. À partir de là, on compte les points et c’est au terme de la 1e partie que l’on voit ce que l’on a bien réalisé et ce que l’on n’aurait pas dû oublier. C’est une des forces du jeu, sa rejouabilité. Le jeu est limpide, reste clair tout le long de la partie et il nous tarde d’y retourner pour mieux maîtriser son équilibre.
Les points sont donc comptés en fonction des Camps placés, ceux-là donnent 1 point chacun. Autant dire qu’avec 14 camps placés, le 1er joueur gagne déjà 14 (et même 15 via un bonus) points. Autant ne pas négliger l’installation de campements et absolument suivre le rythme. Ils peuvent être placés à 3 endroits différents (Menace lors de l’exploration sur la mappemonde, sur la région en elle-même dans les différents lieux, et les Mines !). À vous de voir si vous jouez de façon équilibrée sur les trois, ou si vous vous consacrez à un ou deux des emplacements de camps. En oublier un n’a pas forcément de grande incidence sur le score si vous avez joué ailleurs le score.
Listons ensuite les facteurs score suivant :
- Les routes commerciales. Les mappemondes sont jonchées de symboles dont certains représentent ces routes. Y installer des campements rapportera des points précieux.
- Les Menaces. Encore une fois, lors de vos exploration sur la carte, vous trouverez des symboles indiquant la présence de bandits à combattre en cas de traversée d’une route précise. S’ils sont battus, ils rapportent des points et on y place donc des camps !
- La Réputation. Il existe une Piste de réputation. Si vous y êtes assez avancé(e), vous gagnerez un certain nombre de points.
- Les ressources. Les joueurs gagnent des points par paire de pièces et gemmes qu’ils possèdent, 1 point par jeton faction et 5 par chef de faction…
- Les cartes Artefact. On commence la partie par un draft de cartes Artefact que l’on gardera en main (sauf si on la défausse en ville). Réunir les conditions requises pour les activer rapporte des points. Echouer sera puni d’un malus d’un point.
- Bonus de cartes supplémentaires. Des trésors, cartes mondes ou artefacts comprennent des conditions précises.
La rejouabilité assurée de Near and Far.
Ce que je n’ai pas encore précisé, c’est que je vous ai détaillé ici le mode Campagne au cours duquel on suit l’ordre des mappemondes avec les mêmes personnages durant 10 parties. On gagne alors des points d’expérience avec les quêtes, nous permettant d’acheter des compétences. Un aspect aventure franchement agréable.
À côté de cela, on retrouve un mode Arcade dans lequel on joue une partie dans la région de notre choix mais avec des cartes spécifiques du mode Arcade à la place des quêtes du livret de recontres.
Enfin, Ryan Laukat place à notre disposition le mode Personnage. On choisit encore la région de jeu entre la 2 et la 10, la seule limite étant de garder la 11e région pour la fin, au moment où tous les joueurs auront complété 8 quêtes. Encore une fois, on nous place des missions Personnages dans le livret de rencontres et on garde le système d’expérience et de compétences en récompense (plein de trucs en -ence ou en -ense). Idéal pour entrer en transe (ok cette rime, vous auriez préféré que je vous en dispense).
Trêve de plaisanterie. L’expérience de jeu est renouvelable grâce à ce livret de rencontres pensé avec génie. Le fait que des quêtes se suivent pendant le mode Campagne est génial (surtout bien écrit !), qu’il y ait des quêtes précises pour un mode de jeu ou un autre reste bien inspiré et que l’on retrouve un aspect progressif où l’on gagne des bonus suite aux différents chapitres demeure aussi agréable. Le tout est rondement mené et transcende le genre narratif à la sauce Laukat.
Nous avons joué à Near and Far à 2 joueurs et c’est un format qui lui convient bien.
Je devine qu’à 3 ou 4 joueurs, il doit être un peu plus nerveux du fait que l’on peut enclencher plus de duels en ville, que l’on se dispute les zones dans les explorations de la mappemonde et que l’on doit surveiller 3 autres joueurs dans leur progression. Néanmoins, ça promet encore plus d’histoires à lire et cela doit être agréable de suivre plusieurs trajectoires supplémentaires.
Le jeu reste simple dans ses mécaniques, captivant par sa narration et on se plait à parcourir toutes ces mappemondes et savoir quelles histoires nous entamerons.
Le système du lancer de dés se montre inspiré, dépend moins de la chance (même si un dé est chanceux ou malchanceux par définition), plus de notre jauge d’endurance (pouvant compléter un lancer) à gérer et de notre équipement.
Ses mécaniques gagnent en profondeur. Il faut donc gérer ses ressources, ses cartes Artefact, son Endurance lors de l’exploration, son groupe actif de personnages et ses économies. Les facteurs sont multiples et on éprouve un réel plaisir à relancer une partie pour suivre la progression du livret. Le fait que l’on sauvegarde nos gains d’expérience et récompense est plutôt bien fichu.
Globalement, Near and Far est séduisant dans sa conception et sa direction artistique. Il se montre en réel osmose avec ses mécaniques et son thème. Après avoir joué à un bon Above and Below, ce fut d’autant plus agréable de découvrir son grand frère qui approfondit encore plus son concept en offrant une autre expérience de jeu mais dans le même univers.
La seule frustration que vous pourriez ressentir ne dépend pas de vous. Il se peut qu’un autre joueur se précipite vers la fin de partie en rushant les campements pendant que vous installiez votre stratégie sur un trop long terme. À vous de surveiller et d’équilibrer vos actions pour ne pas vous faire piéger.
Les règles sont simples à assimiler et la leur lecture s’est montrée très fluide, très claire, laissant peu de place aux doutes. On retrouve des indications sur chaque action qui pourrait créer de la controverse. Même quand on s’y replonge, on trouve rapidement ce qu’on y trouve.
La mise en place de Near and Far demandera entre 5 et 10 minutes. Cela dépend aussi de la façon dont vous disposez et organisez les ressources.
Autrement, rien de bien compliqué pour les joueurs qui disposeront chacun d’un plateau de jeu personnel et principalement d’un meeple qui enclenchera les actions. Personne ne sera perdu et on apprend à mieux gérer ses ressources au fil des tours et des parties. Après la première partie Découverte, les joueurs seront déjà dans leur élément pour être des compétiteurs féroces à la suivante, mais toujours dans le plaisir de lire les événements aux autres joueurs et à réaliser des choix qui leur sont propres.
Si vous êtes séduits par la direction artistique singulière de Near and Far : Les Royaumes du Dessous, vous aurez de quoi être emporté(e) par son univers. On retrouve les différentes factions qui représentent les multiples peuples qui y vivent, des décors et des mappemondes bien dessinés.
Explorer tout cela reste très agréable. Cela donne même envie d’y plonger plus en détail, avec un livre, une série d’épisodes traçant un lore car on sent vraiment que ce monde imaginé par Ryan Laukat est vivant, fourmille de petites histoires qui m’ont vraiment rendu curieux.
Mieux encore, il faut savoir que les personnages de Near and Far peuvent être utilisés en tant que villageois dans Above and Below, apportant encore plus de matos et de variété. Le recto est consacré au premier jeu et le verso au second jeu.
Ce sera une bonne ambiance autour de la table, tant que vous gardez autour de la table des fans de jeux narratifs. On en connaît certains que ça gonfle d’écouter parler, simplement de lire à haute voix… des ronchons grandeur nature alors il faudra les rassurer. Les histoires sont courtes, les choix sont passionnants et on passe vite d’un joueur à un autre, promettant un rythme soutenu.
On ne voit pas le temps passer, il existe quelques petites interactions ici et là et surtout, on lit à l’autre joueur les événements. La moitié du temps on reste donc tous concentré sur la partie et on suit les différentes histoires avec nos adversaires.
Récapitulons : Near and Far m’a plu un peu, beaucoup ou à la folie ?
(ou pas du tout…)
Near and Far : les Royaumes du Lointain représente un réel coup de cœur tant il présente de qualités. S’il s’inscrit dans le même univers que Above and Below : les Royaumes du Dessous, il propose une expérience de jeu unique et bien plus complète. Il transcende sa narration pour l’étendre sur plusieurs chapitres et mappemondes, il approfondit ses mécaniques de gestion et les rend encore plus rigoureuses, il tend plusieurs cartes à son système d’exploration et il nous tient en haleine durant toutes les parties lancées. Un univers passionnant a été dessiné et imaginé par Ryan Laukat et son staff et il serait bête de s’en priver. Un must-have qui fait grand bien dans cette année 2020 si particulière.
Il existe bien une extension qui arrive mi-décembre pour Near and Far : les Royaumes du Lointain intitulée Les Mines d’Ambre et coûtant sur le site officiel de Lucky Duck Games la somme de 24,99€.
Sachez que le jeu Near and Far s’inscrit dans le même univers que celui d’Above and Below mais que les deux jeux sont sensiblement différents. Leur principal point commun réside donc dans le livret de rencontres, la mécanique est similaire mais celui de Near and Far garde un aspect progressif.
Notre chronique d’Above and Below est à retrouver à cette page.
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