[Bar à Jeux] Sur les traces de Marie Curie

Sur les traces de Marie Curie

SWAF a publié Sur les traces de Marie Curie il y a quelques semaines, après s’être intéressé à Charles Darwin. Autant vous prévenir, les deux titres sont incomparables.

Sur les Traces de Marie Curie

Notre test a été réalisé à partir d’une boîte de jeu envoyée par Sorry We Are French.

Sur les Traces de Marie Curie est parvenu à partager toute une communauté, même à diviser ma table de jeu, entre ceux qui ont adopté le titre et ceux qui n’ont pas adhéré à l’expérience de jeu. Il faut dire que, même si les deux jeux de société (Marie Curie et Charles Darwin) font partie de la même gamme, ils n’ont strictement rien de comparable, hormis un matériel de qualité.

Pourquoi ne faut-il pas comparer les jeux Marie Curie et Darwin, tous deux sortis chez Sorry We Are French ?

Parce qu’ils ont pour seul point commun de faire partie de la même gamme, l’éditeur regroupant des jeux de société dits « familiaux » avec pour thème des chercheurs qui ont marqué l’Histoire. Si vous avez grandement apprécié le premier titre de la gamme, et que vous vous attendez à un jeu du même genre, vous repartirez forcément déçu.

Je trouve l’expérience de jeu bien différente, à tous les niveaux.

Quel concept se cache derrière le jeu Marie Curie ?

Sur le papier, on nous demande d’aider la scientifique à gagner ses prix Nobel. Sur la table, c’est un jeu de gestion de ressources qui se présente devant nous, avec une mécanique de collection, un peu d’objectifs et légèrement du combo. On se rapproche d’ailleurs plus d’un jeu Initié. La réflexion sera parfois longue, car les choix ont un réel impact sur la suite. Mais pas seulement vos choix, ceux des autres joueurs pourront aussi impacter le déroulement d’une partie. Chacun est en mesure d’influer sur le timing des actions et des possibilités, si bien qu’on jouera avec plus ou moins de filets de sécurité selon les actions choisies. Enfin, il est indéniable que la part d’aléatoire est considérable. Elle joue d’emblée sur la gestion de ressources, puis sur le choix des actions.

Peux-tu apporter des exemples concrets sur l’impact de l’aléatoire dans un tour de jeu ? Voire une partie entière ?

Le matériel est encore de bonne facture (non, ce n’est pas hors sujet, ne vous inquiétez pas !). Parmi le matériel proposé, on trouve cette grande Tour à Cubes. En plaçant les petits cubes, à l’entrée, dans la partie supérieure de la Tour, au début de chaque tour, on n’est pas du tout sûr de les retrouver à la sortie, dans la partie inférieure de cette Tour. Et pourtant, ces cubes qui ont réussi à faire tout le chemin, c’est avec eux que nous devons programmer toutes les actions de notre tour de jeu.

Cette Tour à Cubes pimente clairement la partie de jeu. Si nous subissons parfois ses caprices, nous bénéficions d’autres fois des cubes bloqués, mais pas condamnés, qui tomberont lors des manipulations ultérieures, c’est-à-dire pendant les tours suivants. Parfois, on se sent floué, d’autres fois, on se sent béni. Il faut alors accepter que ce soit le jeu. Mais ce choix de game design allait forcément engendrer de la frustration.

Rien n’a été fait pour lutter contre cette frustration ? Sachant que la manipulation de la Tour à Cubes s’effectue en début de tour.

Le joueur actif se retrouve effectivement avec deux choix lors de la première phase de jeu. Bénéficier des cubes tombés ou piocher une thèse, c’est-à-dire une tuile qui apportera peut-être, elle aussi, des ressources. Bien que cela offre bien moins de ressources qu’espérées dans cette Tour à Cubes, cela reste un lot de consolation utile puisque ces tuiles permettent aussi de remplir certains objectifs, de disposer de ressources au moment adéquat ou encore d’améliorer son jeu. Le timing jouant un rôle primordial au cours de la partie.

En quoi ce timing se montre-t-il si important au cours d’une partie ?

Sur les Traces de Marie Curie suit une chronologie affichée sur une piste du temps. Comme la majeure partie des jeux de l’éditeur SWAF, on remarque qu’il thématise efficacement son jeu et ses mécaniques. À travers le temps, on suit les prouesses de Marie Curie, ce qui donne chaque année, ou presque, une action supplémentaire dans le jeu, mais à certaines conditions. D’où l’importance du timing.

Par exemple, lorsque le marqueur de temps atteint 1893, les joueurs peuvent dépenser 1 cube noir (la pechblende) contre un jeton Becher ou un jeton Ballon. Ces derniers sont très importants dans le développement de votre stratégie. Manquer cette action bonus peut donner un avantage à d’autres joueurs. En 1895, c’est du radium qui peut nous donner un point. Au vu du peu de points que nous marquerons d’ici à la fin de la partie, il ne faut négliger aucun bonus de score.

Par la suite, lorsque l’on arrive à une année en particulier, le jeu récompense les « thésards », puisque si vous possédez plus d’une thèse sur votre plateau personnel, vous obtiendrez plus ou moins de ressources précieuses.

Enfin, la partie se termine lorsque la dernière case de la piste du temps est atteinte. Les joueurs jouent, ou non, un dernier tour pour terminer le tour en cours. Le timing reste, jusqu’au bout, fondamental, car n’importe qui peut déclencher la fin de la partie. Et plus on est, moins on peut le prévoir.

Comment expliquer cette fin de partie précipitée ?

Parfois, ce n’est même pas l’envie de court-circuiter le jeu de l’adversaire qui nous invite à mettre fin à la partie. Si le chrono tourne lorsque l’aiguille du temps fait un tour complet à l’atelier, il existe bien d’autres éléments qui font avancer le temps.

On retrouve ainsi le symbole déclencheur dans la mécanique de collection du jeu de Florian Fay. Il est alors plus judicieux de se garder ce symbole de côté, afin de le déclencher dans le timing qui nous arrange le mieux. Néanmoins, cela peut représenter une prise de risques, puisque la rivière des cartes Activité peut changer d’un tour à l’autre. Une activité peut ainsi ne plus être disponible pendant un moment, ce qui nous prive dudit bonus auparavant préservé…

Revenons par la même occasion sur cette mécanique de collection…

Chaque tour permet d’acquérir, contre la dépense d’une ressource ou deux, une carte Activité, toutes dotées d’un symbole spécifique à l’activité choisie. Le joli travail d’iconographie du jeu nous fait comprendre que l’achat d’une carte nous permet de bénéficier d’une action bonus supplémentaire : gain de ressource, d’un bécher ou d’un ballon, d’une tuile Thèse, etc. Plus intéressant encore, en choisissant de nouveau une carte Activité avec le même symbole, on acquiert encore d’autres bonus.

Il faut alors trouver cet équilibre entre appuyer fortement sur un symbole en particulier, ce qui octroie des bonus un peu plus intéressants chaque fois, ou tenter de choisir différentes cartes Activité (entendez par là, des cartes avec divers symboles) pour se donner plus de choix d’actions. Les bonus varient effectivement selon les activités, on peut ainsi décider quelles actions sont les plus optimales.

Il est intéressant de constater que la collection n’est pas que décorative, elle s’intègre parfaitement aux autres mécaniques du jeu, apportant encore plus de cohérence et de lien aux différentes actions possibles.

C’est exactement ça. J’adore les jeux de société dans lesquels une mécanique ne représente pas la fin d’un chemin, mais une intersection vers une autre mécanique ou un autre secteur de jeu. Pas question de déclencher des combos de manière robotique ou à l’aveugle. Sur les Traces de Marie Curie reflète ingénieusement ce sentiment. Certes, on a l’impression d’être dans le contrôle, dans la retenue. On ne va pas marquer 124 points, on ne va pas gagner 12 ressources, et on grignote un peu de tout à chaque tour de jeu.

On peut penser, de prime abord, qu’on ne réalise pas grand-chose, et que les mécaniques ne nous apportent pas de grand plaisir, qu’elles ne s’offrent pas facilement à nous. À vrai dire, hormis cette captivante Tour à Cubes qui attire tous les regards, ce n’est pas complètement faux. Ironiquement, c’est bien elle qui sera au cœur de toutes les frustrations, puisqu’elle est responsable du malheur des uns et du bonheur des autres.

La découverte de cette Tour passée, il est nécessaire de comprendre le reste, de savoir optimiser chaque action afin de jongler entre les gains de ressources ou leurs transformations, entre les thèses et les expériences, tout en soignant son timing ou en surveillant cette Piste du temps qui peut s’avérer aussi amicale que cruelle. Finalement, c’est peut-être elle qui est à l’image de ce que nous propose le jeu de SWAF.

D’autres éléments à mettre en avant, notamment en matière d’édition ? 

Le matériel se montre, une nouvelle fois, de très bonne facture. L’épaisseur des plateaux et des tuiles, puis cette imposante Tour à Cubes. Enfin, tout comme le jeu Darwin, la boîte intègre un livret des appendices. Celui-ci fournit de nombreux détails sur la vie de la célèbre scientifique. C’est toujours un plaisir de voir que l’éditeur ne prend pas les joueurs pour de simples consommateurs, mais souhaite piquer leur curiosité et enrichir leur culture, sans une grande prétention non plus.

Finalement, on retient quoi de l’expérience proposée par Sur les Traces de Marie Curie ?

Thématique soignée, mécaniques maîtrisées, Sur les Traces de Marie Curie est un jeu de société accompli et se rapproche du public Initié. Cela ne l’empêchera pas de diviser le public, bien plus que son prédécesseur. Pourquoi ? Probablement à cause de la Tour à Cubes qui figure au centre de toutes les attentions au cours de la partie. Elle représente la Déesse du Jeu et pourrait bien sceller le destin d’un joueur à elle seule (oui, j’exagère !). Pourtant, elle ne doit pas camoufler tout l’intérêt du jeu qui nous permet de jongler entre gestion de ressources et collection, mais aussi entre timing et choix importants, sans jamais briser les chaînons de ces quatre pièces majeures d’une partie de jeu.

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