Sur les Traces de Darwin nous met aux mains d’une expérience accessible et qui a le potentiel pour plaire à tous les publics.
Temps moyen : 30 min
Nombre de joueurs : 2 à 5
Âge conseillé : 8+
Éditeur : Sorry We Are French
Illustrateur : Maud Briand, David Sitbon
Mécanismes : collection, placement
Version fournie par l’éditeur Sorry We Are French.
Planète Sorry We Are French
Avant la sortie de l’extension Akebono pour Iki et le retour de Zhanguo, l’éditeur SWAF a prévu un jeu familial pour l’été : Sur les Traces de Darwin. Une nouvelle tête collabore avec eux en la personne de Grégory Grard. Ce n’est peut-être pas le nom le plus célèbre de l’industrie et, pourtant, c’est bien lui qui est derrière Mot Malin, un jeu qui s’est facilement fait sa place dans les ludothèques. D’autres esprits plus connaisseurs évoqueront aussi des projets tels que Kameloot et Tribunal 1920.
Il n’a pas été le seul à travailler sur cette parution centrée sur les travaux de Darwin (et à ne pas confondre avec Darwin’s Journey qui fait l’actualité en ce mois de juin), puisque l’on retrouve Matthieu Verdier. Vous le connaissez probablement pour Demeter, Varuna et l’excellent Federation paru l’an dernier dans l’Hexagone. D’ailleurs, c’est bien ce dernier qui nous confiait, en septembre dernier, vouloir démarrer une nouvelle gamme de jeux axée sur de célèbres personnes des arts ou de la science, une gamme qui associerait les plaisirs de jouer et d’apprendre. Darwin a pour mission de lancer cette série de jeux dont les enjeux sont importants pour l’éditeur parisien.
Au niveau de l’aspect graphique, on retrouve les illustrateur-ice-s Maud Briand et l’habituel David Sitbon, ce dernier accompagnant généralement toutes les sorties de Sorry We Are French. Je ne connaissais pas spécialement Maud Briand, mais un petit peu de recherches sur le net permettent de découvrir qu’elle est spécialiste en illustrations naturalistes. Je vous invite même à vous rendre sur ce site Internet pour découvrir ses travaux. On apprend aussi sur BGG qu’elle a travaillé sur un autre jeu de société qui est sorti en 2023 chez Betula, Le Grand Voyage.
Sur les Traces de Darwin
La volonté de Sorry We Are French de créer des expériences de jeu autour de personnages historiques commence donc par Charles Darwin. Que ce soit dans le livret de règles ou le site Internet de l’éditeur, nous avons le droit aussi à un appendice pour contextualiser son histoire. Il ne s’agit pas seulement de booster nos petits cerveaux avec du savoir, mais surtout d’ancrer le jeu de société Sur les Traces de Darwin dans son époque. Celui-ci raconte une histoire, et on y jouera un rôle en poursuivant les travaux de Monkey D. Charly. Le jeu se montre cohérent dans son thème, sa D.A. et ses mécaniques. Si Maud Briand a été sollicitée, c’est que c’était probablement la personne idéale pour dessiner les espèces qui fascinaient tant Darwin.
On incarne donc des naturalistes missionnés pour terminer les travaux de Darwin en les observant ou en élaborant des théories. Sur le plateau, ça se matérialise par un jeu de tuiles et de placement. Le plateau principal, illustré d’une main de maître, accueille 9 tuiles réparties en 3×3 et un pion représentant le bateau Beagle. C’est la position de ce bateau qui dictera quelles tuiles il sera possible de prendre pour le joueur, afin qu’il le pose sur son plateau personnel, dit « carnet de naturaliste ».
D’ailleurs, on accordera une mention Très Bien pour la qualité du matériel (comme souvent avec SWAF) puisque les plateaux ont été fabriqués comme des carnets de bord, ce qui s’accorde encore une fois avec le thème du jeu. Et globalement, les plateaux ou les pions sont assez épais pour promettre une durée de vie importante. On y aperçoit ainsi des tuiles Animal caractérisées par un type de spécimen (insectes, oiseaux, mammifères, etc.), par un lieu géographique (Asie, Afrique, Amérique et Australie), par une action ou par leur particularité de scoring. Mais on y reviendra plus tard, car le jeu consiste à mixer au mieux les différentes manières de scorer ou de maximiser un ou deux facteurs score…
Revenons sur les mécaniques du jeu. Les titres familiaux qui comprennent de la pose de tuiles impliquent forcément des contraintes et des particularités. Avant de les expliquer, il convient de faire un petit point sur un aspect qui vous obsèdera tout au long de la partie : le score.
De l’exercice de scorer
Dans Sur les Traces de Darwin, on doit réfléchir à chaque tour aux options qui se présentent vis-à-vis des choix de tuiles. Celles-ci peuvent rapporter des PV indiqués directement sur la tuile, des points d’objectifs, des points de combo (ndr : Je le préciserai plus loin, t’inquiète pas, lecteur !) et des points de complétion. Même là, les auteurs ont souhaité rapporter la question du scoring à du lore, puisque c’est l’étude d’un animal qui rapporte des points. Ainsi, les PV sur les tuiles représentent des points de Découverte ; les points de combo sont déterminés par votre nombre de Boussoles multiplié par le nombre de symboles « Parchemin » (cartographie). On retrouve même des spécificités liées aux symboles Guide et aux symboles Emblématique.
Au début de chaque partie, on reçoit tous une tuile Objectif (les « Théories »). Celle-ci vous donne déjà une idée de scoring au début. Par la suite, on sera en mesure de collecter d’autres tuiles Objectif en recouvrant une tuile Animal par une autre. La manœuvre peut s’avérer ingénieuse, mais elle mérite réflexion pour ne pas se saborder. Car la partie s’arrêtera lorsque douze tuiles seront placées sur votre carnet de naturaliste (le plateau personnel), et les tuiles qui sont recouvertes comptent autant dans le décompte des tours que pour certains objectifs. C’est-à-dire que si vous avez une pile de 3 espèces sur l’emplacement de l’oiseau d’Afrique, il rapportera aussi 3 points si vous possédez l’objectif rapportant 1 point par tuile associée à ce continent. À contrario, si vous recouvrez une tuile rapportant des points de Découverte, ces derniers seront perdus.
Douze tuiles à poser, vous considérerez ça comme trop peu. Mais ça favorise les choix importants et la tension entre les joueurs, certains partageant le même intérêt pour une tuile en particulier. Cela n’empêche pas non plus d’expérimenter diverses stratégies.
La SWAF de vaincre ?
Des contraintes mais pas trop
Ce qui fait souvent le sel de ces jeux familiaux, c’est de nous faire engranger un petit peu de frustration, mais de nous offrir tout de même énormément de possibilités. Et je trouve que Sur Les Traces de Darwin réussit cette mission avec brio. La contrainte principale lévite autour de la position du bateau Beagle. D’ailleurs, celle-ci est déterminée par la tuile choisie par le joueur précédent. Explications. Le bateau se déplace autour des tuiles réparties en 3×3 sur le plateau. Si l’on prend la tuile la plus proche du bateau Beagle, alors il se déplacera de 1 case ; la plus éloignée le fait se déplacer de 3 mouvements (3×3 le plateau, rappelez-vous). Souvent on hésitera à sacrifier un ou deux points ici pour en gagner potentiellement plus par là.
Sachant que le joueur ne peut prendre que les tuiles qui sont alignées avec le positionnement du Bateau, votre choix sera traversé par plusieurs pensées dont le fameux dilemme : prendre pour soi ou contre l’autre ? Par exemple, en choisissant la deuxième tuile, je peux compliquer la tâche du joueur qui me succède… Vaut mieux choisir cette tuile afin de calmer ses ardeurs sur ce facteur score.
Il existe néanmoins une façon de détourner la contrainte apportée par le bateau Beagle. Donné à l’unité en début de partie, le jeton Guide apparaît alors comme une ressource que l’on obtient via des tuiles, une ressource à garder en stock à tout moment de la partie pour plus de flexibilité. Il permet de décaler le Bateau d’une position, offrant alors de nouvelles perspectives pour le choix des tuiles sur le plateau. Si jamais cette option ne plaît pas, ce jeton Guide permet aussi de renouveler les 3 tuiles du plateau devant le Bateau. C’est particulièrement utile lorsque rien ne nous arrange sur ce plateau 3×3.
La contrainte est donc naturelle, mais surtout naturellement apportée par le joueur qui vous précède. Cela crée de l’interaction indirecte plaisante. Elle peut être détournée, mais ce n’est pas gratuit. Son coût pousse le joueur dans ses retranchements, car il pourrait s’interroger sur ses besoins dans un moment propice. Obtenir ce gain de jeton(s) Guide peut s’avérer payant, mais ça coûte souvent un tour de jeu, et on en a que douze. Cela dit, l’aspect intéressant pointe vers la possibilité de recouvrir cette tuile. Comme d’autres, cette tuile, qui rapporte un jeton Guide, peut être considérée comme sacrifiable pour le gain d’une tuile Objectif (rapportant de potentiels points). Je trouve que toutes ces options apportent une profondeur aux mécaniques, une vision sur le court et moyen terme.
Pas trop de contraintes pour peu de frustration ?
Cette contrainte du bateau Beagle peut apporter de la frustration, car elle limite nos options, mais ce n’est pas un grand problème en soi. Pour moi, ça apporte un peu de nervosité, simplement de l’intérêt lorsque tout n’est pas gratuit et à disposition.
La contrainte de douze tours peut se montrer un peu plus frustrante. Au terme des premières parties, on peut rester sur sa faim. On a envie de pousser, d’accentuer nos scores et terminer la complétion de notre carnet de bord, de remplir notre plateau personnel de tuiles. Mais douze tuiles. Puis, en enchaînant les parties, on s’y accoutume. On tente de bonifier au maximum ces douze tours, ces douze opportunités de construire un ensemble de tuiles, représentant presque toutes des occasions de scoring.
Configurations et accessibilité
J’ai pu jouer dans plusieurs configurations. Un enchaînement de plusieurs parties avec Arnyanka, et elles furent lancées avec plaisir (pas forcées pour un test, I mean). Ensuite, une seconde session à 4 joueurs avec une joueuse occasionnelle et son fils de 11 ans. Ce fut un succès. Alors qu’on devait enchaîner sur un autre jeu (Fairy Tail de Don’t Panic Games, un de ses animes préférés pourtant !), il a demandé à être servi à nouveau de darwinisme, deux fois ! Et il a gagné la deuxième partie !
Pour le côté familial, c’est donc aussi dans le mille. Malgré toutes ses petites particularités (okay pas si nombreuses), il est facile à expliquer et il a été tout aussi simple à comprendre. D’ailleurs, qu’il est agréable de ne pas devoir se replonger dans le livret de règles ! Il est rapide à mettre en place et à ranger, et on n’a eu aucun souci à y rejouer après quelques jours. Je pense qu’il peut plaire à tous les publics sans trop de souci. Après, cher lecteur, c’est aussi à toi de connaître ton entourage. Mais avec un jeu de tuiles et de placement dont les mécaniques sont simples à assimiler, tu peux toucher du public.
Récapitulons : Sur les Traces de Darwin m’a plu un peu, beaucoup ou à la folie ?
(ou pas du tout…)
Sur les Traces de Darwin se présente comme un jeu familial réussi, qui respecte son thème jusque dans son matériel. Il parvient à captiver avec des mécaniques épurées et inspirées. Le choix des tuiles qui crée de l’interaction indirecte fait naître une ambiance conviviale et vivante. Peu de frustration, beaucoup de choix, mais en (trop ?) peu de tours, on tient un jeu qui se met vite en place et qui peut être expliqué aisément à tous les publics. Chez nous, c’est validé !
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