Véritable institution au Japon depuis sa sortie en décembre 1986, JoJo’s Bizarre Adventure ne méritait rien de moins qu’un hommage sous forme de rétrospective et d’analyse afin de mieux comprendre le succès d’une œuvre qui a réussi à marquer durablement l’histoire du manga.
Après nous être intéressés au travail de Benoît Reinier (L’ascension de The Witcher – un nouveau roi du RPG) et de Quentin Boëton (Berserk – A l’encre des ténèbres), nous nous penchons aujourd’hui sur celui d’un autre auteur de chez Third Editions : Frederico Anzalone, qui nous livre ici un ouvrage complet sur la sage JoJo’s Bizarre Adventure. Entre historique, analyse et étude de l’œuvre et du mangaka Hirohiko Araki, « JoJo’s Bizarre Adventure – le Diamant Inclassable du Manga » fait figure d’ouvrage de référence pour comprendre la genèse et le succès d’une série qui a su marquer ses époques.
• Maison d’édition : Third Editions
• Auteur : Frederico Anzalone
• Prix moyen constaté en date de cet article : 29.90€
• Mentions utiles : l’ouvrage nécessaire à cet article nous a été fourni par Third Editions (article non-sponsorisé)
Stimulé par la présence de stands dans le livre de Frederico Anzalone (cf. troisième partie de cette critique), celui de la mascotte de notre site s’est éveillé. Nommé « Bazar Adventure », ce stand a permis à notre mascotte d’échapper au contrôle de son créateur, et celle-ci s’est alors multipliée et déclinée façon JoJo afin de flanquer le bazar sur cet article…
Frederico’s Bizarre Adventure
L’auteur de ce livre, Frederico Anzalone, est un écrivain rompu à l’exercice de la critique BD. Journaliste dans plusieurs revues et magazines tels qu’ATOM, BoDoï et Les Cahiers de la BD, Frederico Anzalone est également membre de l’Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée (ACBD). Graphiste freelance aux Editions Pix’n’Love, c’est toutefois chez Third Editions que l’auteur signe son premier grand ouvrage, celui dont il est question dans cet article et dans lequel il s’étend sur la saga JoJo’s Bizarre Adventure crée par le mangaka Hirohiko Araki.
Et il faut dire qu’il y a des choses à raconter à ce sujet. JoJo’s Bizarre Adventure a été publié pour la première fois en 1986 dans le très réputé Shônen Jump, l’hebdomadaire qui a notamment permis à plusieurs mangas de légende de briller auprès du public (Ken le Survivant, Dragon Ball, One Piece, Death Note, …). Toujours en cours de publication (bien que dans une revue différente depuis quelques années), la saga JoJo est loin d’être une simple série à succès. L’œuvre de Hirohiko Araki, en effet, est le genre de création qui a elle-même influencé plusieurs époques et générations, autant du côté des lecteurs que du côté des artistes.
Fruit de très nombreuses inspirations hétéroclites mais également d’un travail artistique rigoureux sur plus d’un aspect, JoJo’s Bizarre Adventure est un ensemble complexe et travaillé qui en fait un matériau extrêmement intéressant à étudier. Ce que fait ici Frederico Anzalone, avec la pédagogie et le flegme d’un maître de conférence qui se retiendrait fréquemment de faire exploser sa passion pour son domaine d’expertise.
L’héros-icône Araki
Mais pour bien comprendre la genèse d’une œuvre, encore plus lorsque celle-ci est aussi étoffée que JoJo’s Bizarre Adventure, encore faut-il connaître son auteur et la propre genèse de celui-ci. A l’image d’un tableau, on ne peut que mieux comprendre le sens et le message de celui-ci si l’observateur connait les intentions et le vécu de l’artiste. Et c’est ce point que le livre de Frederico Anzalone prend le temps d’étudier à travers sa première partie. Qui est Hirohiko Araki, et comment son parcours l’a amené vers la création d’une œuvre aussi détonante sur le plan artistique que culturel ? Cette question, traitée sous l’angle du concept d’hérédité (thème propre à JoJo’s Bizarre Adventure qui sera également récurrent dans l’approche de Frederico Anzalone), est ainsi le point de départ de cet ouvrage.
Sans pour autant vous révéler tout le contenu du livre ni ses informations les plus croustillantes, sachez seulement qu’on y apprend qu’Araki n’était pas le profil du génie qui a explosé dès ses premières planches. Artiste peu remarqué à ses débuts en raison de premiers jets certes intéressants mais encore faillibles sur plusieurs points, le mangaka pu compter sur la foi d’un éditeur qui accepta de le prendre sous son aile. Et c’est seulement après de premiers essais et de premières histoires qui peinèrent à décoller dans le cœur du public que naquit JoJo’s Bizarre Adventure, fruit d’inspirations diverses, qui doit autant à l’influence des mangas les plus réputés de l’époque qu’à un travail acharné et à l’intérêt de son auteur pour des domaines artistiques très variés – et peu exploités jusque là dans le milieu du manga.
Passé la genèse de l’auteur, Frederico Anzalone passe ensuite la majeure partie de son livre à revenir sur chaque partie de la saga, en commençant par Phantom Blood et pour finir avec la dernière partie en date (et toujours en cours de publication) : Jojolion. Toujours avec précision et méthode, Frederico Anzalone analyse chaque partie en prenant en compte des facteurs divers tels que le contexte socio-économique du moment, les évolutions dans les sources d’inspirations de Hirohiko Araki, ou encore l’impact du lectorat du Jump et celle de sa politique éditoriale. Ce sont ainsi de véritables analyses d’une impressionnante précision que nous livre l’auteur de cet ouvrage pour chaque partie de la saga. Notons également la présence d’un « chapitre secret » placé entre ceux dédiés à Stardust Crusader et Diamond is Unbreakable, qui s’attarde sur les jeux vidéo dérivés de la licence JoJo’s Bizarre Adventure.
Toutefois, au sujet de ces parties dédiées à chaque partie de la saga, il nous paraît important de prévenir les potentiels futurs lecteurs qui nous lisent : ces chapitres dédiés aux différentes parties de JoJo, forcément, spoile leurs histoires respectives dans les grandes lignes, et nous vous recommandons de n’en lire chaque analyse qu’après avoir lu ou visionné les histoires correspondantes. Fort heureusement, et sûrement volontairement, le découpage par parties choisi par l’auteur permettra une lecture adaptative en fonction de votre avancement dans la série (manga ou anime). Il est alors autant possible de tout lire d’une traite que d’y revenir de manière occasionnelle en reprenant là où la lecture s’est arrêtée après avoir lu/visionné la partie de JoJo correspondante.
La dernière partie du livre est sûrement la plus intéressante, celle-ci revenant sur la vie de l’auteur de manière un peu plus libre et sous une forme moins académique. On y prend connaissance de nouveaux éléments concernant l’impact des différentes époques sur le travail du mangaka (le bref passage sur l’influence de David Bowie, par exemple, est très instructif), et cette dernière partie amène ainsi en douceur la fin de cet ouvrage vers sa conclusion. Une fois clos, on se rend compte que l’expérience proposée par Frederico Anzalone est saisissante, autant par la quantité de travail qui semble avoir été abattu en amont pour écrire un tel livre, que par celle des connaissances qui nous sont transmises au cours de ce véritable road-trip littéraire.
Zbeul Tendency
Nous l’avons expliqué précédemment, le contenu de ce livre contient une masse incroyable d’informations, autant au sujet de JoJo’s Bizarre Adventure que de la vie des et inspirations de son singulier mangaka. Mais l’ouvrage de Frederico Anzalone ne se contente pas de nous dévoiler une quantité conséquente d’informations, l’auteur y joue littéralement avec les codes de la publication pour insuffler à sa propre création cet élan de folie typique de la saga JoJo. Chaque chapitre se voit ainsi affublé d’une ou plusieurs pistes musicales recommandée(s), mais surtout… d’un stand. Oui oui, vous avez bien lui, chaque chapitre est une sorte de manieur de stand, chacun d’entre eux possédant son nom et ses effets. Sans nuire au confort de lecture, ces effets sont assez variés d’un chapitre à l’autre, allant de la traduction en langues étrangères de certaines annotations en bas de page jusqu’à la mise en désordre de la numérotation d’un chapitre entier. Ce petit pied de nez aux normes établies est un bel hommage à Hirohiko Araki qui n’a eu de cesse d’en faire de même à travers son manga, et c’est pourquoi nous avons voulu à notre tour rendre hommage à l’hommage dans cet article.
A ce sujet, Frederico Anzalone ne s’est pas arrêté pas là, et ce fut avec un véritable fou rire que nous avons découvert un autre clin d’œil débridé au manga, difficile à rater car courant sur plusieurs pages, et que nous résistons à l’envie de vous décrire pour ne pas gâcher la surprise de nos lectrices et lecteurs qui se lanceront dans la lecture de ce livre. Quoi qu’il en soit, c’est ce genre d’attention – en plus de tout le travail de fond – qui nous renvoient l’image d’un auteur passionné qui ne s’est pas contenté de potasser son sujet, mais qui est allé jusqu’à s’immerger dans la personnalité d’Hirohiko Araki pour mieux en cerner l’essence et lui rendre un vibrant hommage.
Cette impression de travail et d’immersion se ressent tout au long de la lecture, avec des tonnes de sources et de ressources citées tout au long de la narration et moult anecdotes qui n’auraient jamais pu figurer dans un travail de recherche standard. Frederico Anzalone va ici jusqu’au bout des choses, allant jusqu’à citer des sources parfois obscures dont le contenu pertinent aurait pu nous échapper, et c’est ce qui rend ce livre précieux. « JoJo’s Bizarre Adventure – Le diamant inclassable du manga » ne se contente pas de compiler ce qui est trouvable ailleurs dans l’hexagone : il amène sur la table de nouveaux éléments qui viennent étoffer l’étude de JoJo’s Bizarre Adventure dans nos vertes contrées, faisant de lui un incontournable pour tout fan, voire même pour tout curieux qui souhaiterait simplement étudier le phénomène.
« JoJo’s Bizarre Adventure – Le diamant inclassable du manga » est une nouvelle pépite qui vient s’ajouter à l’offre de Third Editions. Redoutable mine d’informations, le livre s’attaque de manière très large aux différents travaux d’Hirohiko Araki ainsi qu’à la vie de ce dernier, tout en jouant de façon espiègle avec les codes du livre – à l’instar de l’auteur de JoJo qui n’a cessé d’en faire de même avec les codes du manga et de la société. Ce livre propose une lecture riche et passionnante qui accorde à la saga JoJo un angle d’analyse et un sérieux similaire à celui que l’on pourrait retrouver dans une critique d’art plus traditionnelle. Cette multiplicité des hommages, qui vient appuyer cet amour débordant que l’auteur peine à contenir à certains moments, est sans conteste la plus grande force de cet ouvrage. Un achat indispensable, donc, pour tout fan de la série qui souhaiterait connaître les coulisses passionnants de ce qui est en effet « le diamant inclassable du manga ».