Avec la nouvelle saison de LFL qui se lancera ce mercredi 12 janvier, nous avons tenu à échanger avec Bertrand Amar (Head of esports Webedia) sur celle-ci et plus généralement sur l’écosystème League of Legends.
Suite à la conférence de presse s’étant tenue ce lundi, nous avons pu nous entretenir avec Bertrand Amar, figure historique du jeu vidéo en France et actuellement responsable des activités esports chez Webedia.
TryAGame : Bonjour et merci de nous recevoir, meilleurs vœux pour cette année. D’ailleurs que peut-on vous souhaiter pour cette année 2022 ?
Bertrand Amar : Bonne année ! Et bien le succès pour la Ligue Française de League of Legends (LFL) car rien n’est jamais acquis. C’est vrai que nous sortons d’une année exceptionnelle mais il y a eu plein de phénomènes, OTP, La Karmine Corp, la Fantasy League et la pandémie qui ont fait que les audiences étaient assez exceptionnelles. Je ne pars pas d’office sur une progression continue, il faut se battre pour maintenir la croissance, rien n’est jamais gagné même si on fait tout pour que ce soit encore un beau succès cette année.
TAG : Comment faire grossir l’écosystème ? Est-ce que Twitch ne risque pas d’être trop petit pour l’Esport en général et League of Legends en particulier, arrivé à un certain seuil ?
Bertrand Amar : Alors déjà sur la première partie, le succès de la LFL fait qu’elle attire de plus en plus d’équipes et de moyens, puisque le succès aidant, les équipes peuvent plus facilement chercher des sponsors, leurs revenus progressant leur investissement progresse et c’est ainsi qu’on voit arriver des joueurs tels Rekkles qu’on n’aurait pu imaginer avoir il y a encore un an. Et nous notre rôle c’est d’animer la ligue pour la faire briller encore plus, permettre à l’audience d’encore plus s’engager, aux teams d’être toujours plus satisfaites de participer. Cette année ça va passer par du offline, nous n’avons pas pu trop en faire l’an passé, il a fallu passer entre les gouttes, compte tenu des mesures sanitaires. Nous avons donc dû en faire moins et de taille plus modeste. Cette année, l’ambition est d’en faire plus avec plus de spectateurs. On a plein d’idées aussi pour donner un rayonnement à la LFL partout en France. Nous réfléchissons à des sortes de viewing parties. Nous investissons aussi beaucoup dans la Division 2, qui était plus un terrain d’entrainement de la LFL et qui va devenir, par le succès des Up & Down et par le fait que ce soit la porte d’entrée à la LFL , un vrai terrain compétitif. Toutes les équipes en Division 2 n’ont qu’une envie c’est de réaliser ce qu’ont fait Team Oplon et Mirage Elyandra et accéder au plus haut niveau. Ça va mécaniquement augmenter le niveau de la Division 2 et aussi par la création de nouvelles compétitions comme la coupe de France de League of Legends. Je ne sais pas si les audiences seront au rendez-vous mais je suis assez confiant.
Sur la seconde partie de votre question, on a un exemple assez frappant, c’est la Karmine Corp qui a fait venir à Twitch et a l’esport une audience qui n’était pas engagée dans la compétition. Kameto a su les transformer en audience esport et LOL. Il y a toujours la possibilité d’attirer de nouveaux viewers. Je constate aussi que de plus en plus de médias, et notamment assez mainstream veulent traiter la LFL. Je discutais avec des gens de l’Équipe, de France Info ou autres qui veulent faire des émissions autour de la LFL ou des guides. Je pense que la LFL est la porte d’entrée dans l’esport compétitif pour beaucoup de gens, viewers, médias, ou marques. En tout cas il ne faut pas se limiter à Twitch, organiser des évènements pour aller à la rencontre du public et pas qu’en online. Mais on ne se passera pas de Twitch. Les audiences sont en progression et avec elle l’audience potentielle de la LFL. Puis nous sommes aussi en TV, car diffusé depuis cette année sur ES1 qui devient MGG TV. Je ne suis pas inquiet et vu la croissance du réservoir sur Twitch si nous arrivons à capter une petite part des viewers, tout devrait bien se passer
TAG : La saison passée les équipes de LFL se sont fait gentiment piller par des clubs de LEC faussant peut être le split suivant, quelle en est votre vision et avez-vous la volonté ou ne serait-ce que la possibilité de renforcer les règles de mercato ?
Bertrand Amar : A la fois c’est valorisant de voir un joueur qui a émergé en LFL, voire en Division 2, poursuivre sa carrière dans les plus grandes ligues mondiales, puis en même temps, c’est toujours un peu triste de voir nos stars partir. Mais c’est le jeu, c’est le jeu depuis toujours. Il faut que la LFL soit un réservoir de talent pour les grandes ligues, comme la Division 2 doit être un réservoir pour la LFL. Je dirais que la pyramide est respectée. Voir partir les joueurs c’est aussi bien pour la LFL, car ça peut donner envie à une audience internationale de se pencher sur la LFL, d’autant que nous avons un broadcast anglais cette année. Ce qui est important pour nous c’est que la LFL garde son ADN français et toujours ses contraintes qui pèsent sur les équipes. Les équipes ne font pas ce qu’elles veulent, il leur faut des joueurs français ou des joueurs qui ont une ancienneté dans le championnat de France, qu’il y ait une vraie cohérence avec le nom de la ligue : c’est la ligue française de League of Legends.
TAG : Vous avez annoncé ce matin la création d’une coupe de France, prévue en fin d’année. Avez-vous déjà des dates précises et le détail de l’organisation du tournoi ?
Bertrand Amar : C’est en phase de finalisation. Ce qu’on sait c’est que participeront toutes les équipes de LFL et de Division 2 et quelques équipes amateurs qui pourront se qualifier via un tournoi. On veut avoir la belle histoire du petit poucet qu’on a par ailleurs en Coupe de France de football avec des amateurs qui affrontent le PSG. Nous, si on peut avoir des amateurs qui affrontent Karmine c’est génial et si Karmine peut affronter derrière Joblife qui vient d’arriver en Division 2… Maintenant tout est possible autour de cette coupe, on ne sait pas où elle se déroulera, il y aura une partie physique, est-ce que ça sera les finales ou plus ? On ne se sait pas s’il y aura une Paris Games Week, pourquoi pas tenir la coupe de France au sein de la PGW ? On se laisse encore beaucoup de champs ouverts en fonction de l’évolution du calendrier et du contexte sanitaire.
TAG : Est-ce qu’une compétition d’équipes nationales de League of legends ce n’est pas, au final, la seule chose qui manque cruellement, et ce malgré un calendrier déjà ultra chargé ?
Bertrand Amar : Si, certainement. On voit que ça a beaucoup profité à Overwatch, on voit qu’Ubisoft a annoncé la sienne sur Rainbow 6 même si elle a été décalée compte tenue de la pandémie. Moi je trouve que ça serait super, il faudrait que ça arrive sur League of legends, avec une équipe de France ça serait extraordinaire. Ça arrivera tôt ou tard et je pense que c’est le type de move vraiment à même de rendre encore une compétition plus accessible, plus populaire, de tous se regrouper derrière l’équipe qui défend son pays, oui ça va arriver c’est évident et j’espère que ça arrivera vite. Mais c’est complexe, entre le calendrier, la communication avec les équipes, le sélectionneur, mais Ubisoft s’est lancé dans le projet. Il y a eu aussi un tournoi sur Rocket League, ce qu’a fait la FFF avec l’efoot de France, ce sont de supers projets, et j’espère que ça arrivera sur LOL qui est le jeu esport numéro 1.
TAG : Une question qui n’a peut-être pas de sens. Une différence majeure, dont on parle peu, entre sport et esport est que le jeu appartient à une entreprise. Quelles garanties avez-vous si jamais Riot dépose le bilan ?
Bertrand Amar : Effectivement nous n’éditons pas de jeu, nous devons signer des accords de développement avec les ayant droits. On compose avec, on fait en sorte que notre partenaire, l’éditeur, soit content de notre travail autour des ligues mais on sera toujours tributaire des accords. Ce matin Riot Games a annoncé que nous avions un accord de 3 ans, ce qui nous permet d’avoir de la perspective puisqu’on sait qu’on va gérer tout le circuit compétitif jusqu’à 2024 inclus, mais ça vient vite, nous sommes toujours dans le fait de travailler aux prolongations, reconductions des accords. Mais je dirais que dans le foot, dans une certaine mesure c’est différent et similaire. Personne ne peut rien organiser de conséquent sans accord avec la FIFA.
TAG : A ceci près que si la FIFA dépose le bilan, on peut toujours monter des buts et prendre un ballon.
Bertrand Amar : Oui bien sûr mais les jeux qui supportent des compétitions de cette ampleur sont des jeux tellement profitables que la question ne se pose pas. La pérennité de l’éditeur et du jeu se pose que sur les jeux en perte de vitesse. Les audiences baissent, les équipes s’engagent moins et les sociétés organisatrices n’investiront plus. Puis avec des accords qui courent sur 3 ans, nous pouvons voir la tendance. League of Legends c’est quand même le jeu le plus stable, il y avait déjà des championnats du monde il y a plus de 10 ans maintenant. Même avec des arrivées comme Fortnite, League of Legends n’a pas été en danger.
TAG : Peut-on imaginer des instances transverses ou est-ce une utopie de créer une table autour de laquelle Riot, Activision, Ubisoft, Capcom et d’autres pourraient s’asseoir ?
Bertrand Amar : Je ne pense pas qu’il y en ait le besoin, ces organisations pourraient se retrouver pour un évènement interplanétaire et inter-discipline que pourraient être les JO. Et on voit que quand il y a des discussions au comité olympique, c’est le seul moment où les éditeurs se retrouvent à la même table pour discuter avec une organisation commune. Sinon ils ont chacun leurs intérêts et n’en ont pas à discuter avec les autres vu qu’ils ont chacun leurs jeux, leurs disciplines. En dehors d’une arrivée aux JO je ne vois pas vraiment l’intérêt pour eux de composer ensemble sauf peut être défendre d’une seule voix le jeu vidéo dans son ensemble quand on voit comme il peut être attaqué à droite, à gauche et notamment en Chine avec les restrictions mises en place.
TAG : Est-ce que Riot vous informe en amont des changements intersaisons dans LOL ? Avez-vous la possibilité ou tout simplement l’envie de leur faire des retours directs ?
Bertrand Amar : D’un point de vue purement gameplay, non. Nous n’avons pas intérêt ou besoin de l’être. En revanche tout ce qui a un impact sur notre broadcast, comme l’arrivée des rift banners, l’affichage en jeu de bannière à effigie des partenaires, on en discute depuis le début de l’été dernier. C’est pour ça qu’on a vu arriver des maps avec des bananieres LFL, mais c’est plus d’un point de vue business que d’un point de vue gameplay, ça on le découvre comme tout le monde. On sait qu’il y a aujourd’hui des éditeurs qui font du reversement aux équipes sur l’achat de contenu à effigie de ces équipes. Ce n’est pas une chose qui est intégrée mais c’est le type d’évolution qui, si elle devait de produire, serait discutée avec nous, les Tournament organizers, car nous assurons le lien entre l’éditeur et les équipes, c’est le type d’info qui aura un impact sur l’économie des équipes.
TAG : Avez-vous un droit de regard sur les opérations marketing des équipes ?
Bertrand Amar : Oui, bien sur. Les équipes ne font pas ce qu’elles veulent. Il existe des règles, notamment sur les sponsors qu’elles ont le droit de signer ou pas (alcool, tabac, pari sportif interdits). Typiquement un événement comme le KCX c’est nous et Riot Games qui pouvons l’autoriser ou pas. De même que les équipes n’ont pas le droit de vendre à leurs partenaires des images de la compétition, il y a des règles très précises éditées à l’international, et nous communiquons avec les équipes en ce sens
TAG : Je pose la question car la KCorp a annoncé l’ouverture d’un site de NFT.
Bertrand Amar : Oui, par exemple ça n’est pas possible avec le contenu en jeu. Elle peut le faire mais sans League of Legends
TAG : Comme avec des photos dédicacées ?
Bertrand Amar : Voilà. A priori ça ne sera pas possible de produire du contenu venant de LOL, mais là aussi les choses bougent sur ces nouveaux sujets, sur tout ce qui est lié à la blockchain. Les règles évoluent et Riot les établit pays par pays. Il y a des pays où c’est autorisé, des pays où c’est interdit et d’autres où c’est soumis à l’agrément du régulateur comme en France avec l’autorité des marchés financiers. A date Karmine risque de ne pas pouvoir, pour prendre toutes les précautions qui s’imposent, de faire des NFT autour de League of legends.
TAG : Un prono pour le split à venir ?
Bertrand Amar : Très très très difficile, je pense que le niveau est très élevé, évidemment avec Rekkles et la lineup affichée. Karmine Corp est favori, mais cette année, le niveau va être encore plus élevé, car il y a l’envie de réussir et la peur d’être reléguée. On a vu, avec les up & downs, que la LFL est une vraie ligue ouverte et qu’on peut en sortir, d’autant plus qu’en Division 2 il y a des équipes qui n’ont qu’une envie, c’est de monter. Tous les matchs vont compter et pas uniquement les affrontements en haut de tableau et une des nouveautés de l’année c’est que les playoffs sont ouverts aux 6 meilleurs équipes et plus aux 5 meilleures. C’est une année qui va vraiment être intéressante à suivre. Et puis nous nous ouvrons à l’international avec un broadcast anglais, c’est un peu l’inconnu. Quelle capacité avons-nous à générer un engouement international ? Nous allons avoir la réponse dans les premières semaines, c’est une chaine pas encore très connue, il faut donc qu’elle soit identifiée par l’audience. mais potentiellement on peut faire changer de dimension la LFL.
TAG : A quelle question, que l’on ne vous a jamais posé, rêvez-vous de répondre ?
Bertrand Amar : (rires) Pas facile du tout. Alors ça j’aurais bien aimé l’anticiper celle là ! (réflexions) Il y en a tellement. Je dirais : Ça va s’arrêter quand l’esport ? Ce qui est sûr c’est que c’est une question que pouvaient se poser les observateurs quand l’esport est sorti du bois y a à peu près 6 ou 7 ans quand les gens l’ont découvert sans savoir que l’esport existe depuis que le jeu vidéo existe. Et donc beaucoup de gens pensaient que c’était un phénomène de mode. Beaucoup de gens l’ont pris comme tel sans trop investir. En 2016 nous avons eu des gens en face de nous qui ont compris que l’esport serait là pour longtemps et je pense qu’aujourd’hui on peut répondre : pour toujours. On sait que ça ne va pas s’arrêter, on se demande juste jusqu’où ça va aller. J’ai très envie d’être là dans 10 ans, 20 ans, 30 ans, bon je serais très vieux dans 30 ans, pour voir à quel niveau sera l’esport. On remarque que pour beaucoup d’audiences c’est vraiment le nouveau sport et donc se dire qu’on aura été là au début d’un truc qui est là pour toujours, c’est vraiment extraordinaire.
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