[Bar à Jeux] Carnegie

Carnegie

Carnegie est venu en début d’été et cache de grosses mécaniques d’Expert, mais surtout un jeu à côté duquel il serait bête de ne pas s’arrêter.

Prix : 70,00 €
Temps moyen : 120 min
Nombre de joueurs : 1 à 4
Âge conseillé : 12+
Auteur : Xavier Georges
Éditeur : PixieGames / Quined Games
Illustrateur : Ian O’Toole
Mécanismes : pose d’ouvriers, gestion de ressources, pistes de développement
Version fournie par l’éditeur.

Derrière Carnegie

Carnegie était attendu au tournant depuis quelque temps, et il n’a pas fallu beaucoup de temps avant que le projet soit financé sur Kickstarter l’an dernier. Quined Games et PixieGames sont parvenus à le faire paraître dans l’Hexagone en ce début d’été 2022. Au vu de la qualité du titre, l’attente était justifiée.

Derrière les mécaniques et le concept de Carnegie, on retrouve Xavier Georges, l’auteur derrière des jeux de société tels que Troyes (et Troyes Dice que l’on aime bien ici), Ginkgopolis, Carson City, Black Angel, Tournay et Royal Palace. Il ne s’est pas entouré du premier venu pour illustrer le jeu, puisque c’est Ian O’Toole qui s’est occupé d’en dessiner les traits. Quant à lui, il est célèbre pour ses coups de pinceau sur des titres comme On Mars, Lisboa, Age of Steam, Merv et quelques Unmatched.

Il est donc le fruit d’une collaboration entre Quined Games (Keyflower, Trajan, Tussie Mussie récemment) et PixieGames pour sa parution en France. Autant vous dire que c’est une très bonne pioche des deux côtés.

Carnegie, c’est quoi le concept ?

Le titre de Xavier Georges s’inspire du célèbre bienfaiteur Andrew Carnegie, qui a développé son entreprise au XIXe siècle. Le but sera donc de faire prospérer votre société en gérant vos employés, en investissant dans divers secteurs économiques, en faisant des dons et en collaborant avec des personnes influentes de l’époque. En matière de mécaniques, le jeu est très fidèle à son thème, et vous gardez l’impression d’être le chef d’une entreprise dont la moindre des actions sera importante.

On se trouve devant des mécaniques de pose d’ouvriers et de gestion de ressources. De plus, on a également la progression des pistes à gérer. Il s’agit d’un jeu qui peut tendre vers une forte interaction selon les joueurs. Vous pouvez très bien ne pas trop vous embêter, mais le jeu perdrait de son sel. Dans Carnegie, on compte 20 tours de jeu et chaque joueur décide à son tour quels Départements il sera possible d’activer pour tous les joueurs lors d’un tour de jeu. Il sera ainsi délicieux de choisir une action qui ne profite pas à son ou ses adversaires, du moins pas énormément. On soigne alors son timing, on prépare minutieusement chaque coup, on anticipe et on tente même de deviner quels seront les choix des autres pour optimiser son propre moteur de jeu.

Voyons ça de plus près…

La gestion du plateau personnel :

Chaque joueur planifie ses actions sur son plateau personnel qui comprend des Départements. Ces derniers sont matérialisés par des tuiles qui affichent leur type de Département (parmi les 4) et les actions qu’elles permettent si jamais des ouvriers actifs (debout) se situent dessus. Au début du jeu, tous les joueurs disposent des 4 Départements de base et d’un Hall. Ces 4 Départements représentent les actions basiques du jeu. Il sera possible ensuite d’acquérir de nouvelles tuiles Département afin de booster son moteur de jeu et ses actions. Il faut savoir que chaque nouvelle tuile représente une façon d’optimiser les actions de base.

On nous plonge dans une réelle gestion du plateau personnel. Ce n’est pas pour rien qu’on nous invite très vite à faire des choix. Au terme de la mise en place, nous disposons ainsi d’une action gratuite de déplacement de nos ouvriers (Ressources Humaines). Six déplacements donnent alors une direction à votre stratégie, et ce, dès le départ. Il sera question de chercher un juste milieu ou de favoriser un Département plutôt qu’un autre. Néanmoins, la gestion de ressources est si importante qu’il ne faut pas brûler les étapes. Il faut soigner son budget « monnaie » et son stock de cubes Marchandise.

De même, cette gestion du plateau personnel comprend aussi la celle des ouvriers et des tuiles Département. Les tuiles de base peuvent accueillir jusqu’à 3 ouvriers, donnant ainsi la possibilité de réaliser jusqu’à 3 fois l’action. Par exemple, si je pose 3 ouvriers sur la tuile Construction, je pourrai alors construire mes projets autant de fois. Lorsque je construis, je déplace alors les ouvriers à partir des tuiles jusqu’au plateau principal. Cela signifie que tout ouvrier utilisé ne pourra plus l’être pour la prochaine phase d’activation. Il faudra alors réalimenter votre tuile Construction en ouvriers pour réaliser à nouveau l’action. Vous comprenez alors les choix qui vont s’imposer à vous tout au long de la partie, en matière de déplacements d’ouvriers et de gestion de plateau.

Un choix à double niveau :

Lorsque vous décidez à votre tour quel Département activer, vous choisissez aussi la région sur laquelle vous pourriez enquiller des revenus. Un choix peut ainsi être pratique pour la gestion de votre société et la planification de futures actions. Mais ce choix peut très bien servir à gérer au mieux vos ressources en cubes Marchandise et en monnaie, entre autres.

On a donc une importante notion de timing qui intervient. De l’interaction aussi, car il est possible de retarder des manœuvres dans le simple objectif d’empiéter sur les plans adverses. Ce qui reste agréable, c’est que l’on n’est pas responsable entièrement de cette manipulation visant à toucher l’autre joueur. S’il ne peut pas faire grand-chose dans son tour, c’est tout autant de sa faute, car il a manqué d’anticipation, de lucidité et de clairvoyance. Vous ne détruisez pas son jeu avec une action contre, vous profitez simplement de ses manques. Je trouve ça très fort.

Les 4 tuiles Actions principales :

Toutes ces actions seront collectives. C’est-à-dire que lorsque vous déplacez le marqueur Action (un curseur pour montrer à tous quel Département est à l’honneur), vous le faites pour vous, mais aussi pour les autres. Tout le monde joue la même action (quand c’est possible) mais chacun son tour. C’est important à préciser lorsque l’on sait qu’il sera parfois primordial d’être premier à jouer certaines actions. D’où l’importance du timing.

  • Les Ressources Humaines invitent à déplacer les ouvriers pour préparer de futures actions. Le piège serait de sous-estimer cette action qui s’avère, ô combien, indispensable. Si vous y mettez 3 ouvriers, vous pourrez alors réaliser 9 déplacements de tuile en tuile, un ouvrier garantissant 3 déplacements à lui seul. Des alternatives existent lorsque vous acquerrez d’autres tuiles permettant bien plus de déplacements, mais il sera encore question de stratégie vis-à-vis des axes de développement.
  • La Direction possède deux utilités principales. D’un côté, elle permet d’utiliser un ouvrier pour gagner 6 dollars ou 2 cubes, ou de garder votre ouvrier, mais de gagner 1 cube ou 3 dollars. Il faut savoir que les cubes sont utiles pour construire des Projets (Action 3, paragraphe suivant) mais aussi pour acheter de nouvelles tuiles Département. D’ailleurs, cette action de poser une nouvelle tuile sur votre plateau personnel est la deuxième utilité principale de la Direction.
  • La Construction permet donc d’installer divers Projets sur la carte du plateau principal. Elle nécessite au préalable d’avoir des disques disponibles sur les languettes Projet situées à l’extrémité droite de votre plateau personnel, et 1 ou 2 cubes Marchandise. Double enjeu pour cette languette à maîtriser d’une main de maître. D’un côté, elle permet donc de s’installer sur la carte des États-Unis (pour le score, c’est très important), de l’autre, elle permet de percevoir des revenus, si on remplit les conditions (autre aspect à gérer en planifiant intelligemment l’activation des Actions). Mais on y reviendra.
  • La Recherche et Développement (ou R&D) amène la gestion de la languette Projet et de votre progression sur les réseaux de transport, ceux-ci sont reliés aux quatre régions principales de la carte des États-Unis. Une tuile Département de base (sur la droite du plateau personnel) permet de gagner des points de Recherche. La languette est à peine découverte lorsque l’on commence la partie. En dépensant des points de Recherche, on tire la languette et on y dépose des disques permettant de construire des projets (Action 3). On peut rapidement être à court de disques si jamais on gère mal cette languette donc il vaut mieux y être attentif. De plus, il faut la penser en fonction de ce que vous voulez construire (projets Logement, Industrie, Commerce ou Bâtiment Public, tous possédant leur symbole et couleur en début de languette). Les emplacements pour chacun de ces Projets sont limités sur la carte du pays.

De grandes villes pour de grandes liaisons

Gérer son plateau personnel, gérer ses déplacements, ses constructions, ses revenus… Il nous manque encore deux chaînons manquants, la gestion de l’espace et le scoring.

Le plateau principal, la guerre froide :

Quand on parle de gestion de l’espace, ce n’est pas un élément vague dans Carnegie. C’est plutôt du positionnement sur une carte. On retrouve ainsi la carte des États-Unis découpée en 4 régions, l’Est, le Sud, l’Ouest et le Mid-Ouest. Chaque région a ses grandes villes, et l’objectif pourrait être de les relier. Car chaque ville rapporte des points selon le nombre de Projets construits dessus, mais aussi des points de liaison. En résumé, les points de la ville sont gagnés directement en s’installant dessus. Quant aux points de liaison, ils sont dépendants d’un tableau des scores qui est défini par le nombre de points de liaison et votre avancée sur les pistes de transport (voir photo).

En dehors de la carte « des Projets », on retrouve autour de ce croquis des États-Unis des pistes de transport. Si elles permettent de gagner les bonus indiqués sur les cases correspondantes, elles déclenchent aussi tous les revenus débloqués dans votre société, sur ces fameuses languettes. Pour ce faire, il faut attentivement regarder les secteurs qui seront activés par votre jeton Action (très clairement iconographiés).

A l’instar de tous les aspects de son jeu, la gestion de la carte est aboutie, en lien avec les ouvriers et sujette à de subtiles interactions. Lorsque l’on construit ses Projets, on doit penser un itinéraire permettant de connecter (toutes, dans le meilleur des mondes) les grandes villes. On retrouve alors plusieurs obstacles dans nos plans. Les emplacements des villes sur lesquels on construit les Projets sont définis par des symboles (Logement, Industrie, Commerce et Bâtiment Public, les mêmes que sur les languettes des plateaux Joueur) et toutes les villes ne comprennent pas les mêmes symboles.

Il faut donc gérer son itinéraire en fonction de ces symboles sur le plateau principal (les villes) et sur votre plateau (votre société). Cela pousse à une planification à divers étages qui ne donne pas forcément le tournis, mais qui apporte une certaine tension dès lors que les autres joueurs s’en mêlent.

Un jeu contre

Si planifier ses actions ne semble pas si difficile, la tâche peut se révéler ardue dès lors que vos plans fricotent avec ceux de vos adversaires. Dans Carnegie, on peut clairement se mettre des bâtons dans les roues. Il suffit de jeter un œil à la société de votre partenaire de jeu pour savoir ce qui l’arrange le plus. Rappelons que les joueurs décident chacun à leur tour quel type de Départements activer pour TOUS LES JOUEURS.

Alors on a souvent tendance à regarder les Départements adverses, la répartition des ouvriers, leur placement sur le plateau, tout comme les Projets construits et ce qui lui est nécessaire pour scorer au max, quelles villes il vise pour optimiser son score. On peut ainsi adapter sa stratégie, tenter de bloquer à un emplacement précis, du moins le ralentir. Dans Carnegie, on peut très bien jouer contre l’adversaire tout en gardant un plan bien défini pour sa propre stratégie. Si cela apporte de la tension, cela ne devient jamais chaotique tant que ça a été minutieusement préparé ou adapté.

Néanmoins, pour les ludistes qui n’apprécient pas cette interaction indirecte et qui préfèrent la jouer « à la cool », cela reste tout à fait possible. Si ça enlève un peu de sel et de tension, le jeu reste captivant, fluide et clair dans la stratégie. C’est d’ailleurs sa plus grande prouesse. Rendre un jeu abouti dans ses mécaniques tout en étant clair et nous faire sentir une marge de progression au fur et à mesure que les parties s’enchaînent. Il nous donne envie d’explorer diverses voies stratégiques, différentes pistes, plusieurs façons de créer un itinéraire, de se développer sur les pistes de transport, sur la carte ou la flexibilité des languettes de revenus.

Récapitulons : Carnegie m’a plu un peu, beaucoup ou à la folie ?
(ou pas du tout…)

note5 ghost stories viticulture joraku cowboy bebop everdellCarnegie convainc pleinement par sa profondeur et son équilibre. Il existe pléthore d’axes de développement, de stratégies, de choix, si bien qu’une erreur de gestion peut vite pénaliser. Ce qui est d’autant plus agréable, c’est ce sentiment de progression rapide qui suit l’enchaînement des parties. Plus on y joue, mieux on joue, plus on expérimente et on explore des pistes, tout en gardant un plaisir intact. Un sans-faute pour Xavier Georges.

C'est tout ?

Une version BGA est disponible.

Elle est extrêmement bien faite et on préfère parfois y passer, surtout à 2 joueurs (l’installation est plus lourde).

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