Harmonies s’est déjà installé sur nos tables de jeu, mais que nous réserve-t-il comme expérience de jeu ?
Notre article a été réalisé à partir d’une boîte presse envoyée par l’éditeur.
Comme pour le test des Aventuriers du Rail : Paris qui sera publié prochainement, ce test du jeu de société Harmonies prendra la forme d’une interview. Un nouveau concept sur Tryagame.fr qui vous permet un accès plus simple aux informations que vous cherchez et aux questions que vous vous posez. Et ne vous fiez pas aux apparences, votre rédacteur-testeur rédige les questions et les réponses. N’hésitez pas à commenter cet article si vous vous posez d’autres questions sur le jeu et pour nous confier ce que vous pensez de ce format.
Libellud est souvent source de « classiques »…
C’est vrai que Libellud est parvenu à se créer un nom grâce à des jeux comme Dixit, Mysterium, Dice Forge, voire Seasons et Shadows Amsterdam. D’ailleurs, on apprécie que l’éditeur ait parié sur la sortie d’un jeu avec un tout nouvel univers. On sait qu’ils capitalisent pas mal sur les jeux Mysterium et Dixit, donc qu’ils prennent la décision de publier Harmonies, c’est un choix qu’il faut souligner.
Par contre, artistiquement, j’ai l’impression de reconnaître une jolie patte.
Effectivement, il devient presque facile de reconnaître le talent de Maeva Da Silva. Elle a déjà bossé pour Libellud, sur Stella, l’édition Disney de Dixit, Mysterium Kidz et Mysterium Park. Puis, elle a aussi bossé sur Deus et Dragomino, de quoi se faire une véritable place dans cette industrie. Pour le coup, Harmonies représente une réussite visuelle et affiche un univers unique, aidé par des choix graphiques conséquents.
D’ailleurs, vous avez pu tomber sur une apparition de l’illustratrice chez Un Monde De Jeux (la vidéo ici). Elle y confie que cela a été un travail de longue haleine, qu’elle a pu s’y investir pleinement et que cela a traduit toute une sensibilité, son expérience et ses émotions dans ce jeu. Je vous conseille vivement de vous diriger vers cette vidéo.
Et cette direction artistique s’inscrit-elle ingénieusement dans le concept du jeu ?
Maeva Da Silva a insisté sur le fait qu’elle ne conçoit pas autrement un jeu, que cette cohérence doit être omniprésente. Pour ma part, le contrat est rempli de ce côté. On retient un écosystème très agréable à créer, grâce à un environnement entre le réel et l’imaginaire, à l’aide des paysages que l’on construit et les animaux qui vont en profiter. De même, pour gagner une partie, il faut harmoniser cet écosystème… Enfin, je me comprends. Logiquement, je trouve aussi le choix du nom du jeu pertinent. Si j’avais apprécié le jeu de société Cowboys Bebop : Space Serenade et Lost Seas, on tient probablement le meilleur jeu de Johan Benvenuto.
Et concernant les mécaniques de jeu ? Beaucoup ont fait la comparaison avec Cascadia, ce qui n’est pas une si mauvaise chose étant donné le succès du titre édité par Lucky Duck Games en France.
Si les sensations de jeu rappellent (un peu) Cascadia, j’ai tendance à préférer Harmonies. J’ai cette impression que nos décisions pèsent encore plus sur le déroulement du jeu, et qu’il est plus tendu de construire son moteur de score. Il est moins téléguidé, s’adapter à l’aléatoire se montre plus difficile, mais la création des paysages et le scoring s’avèrent plus captivants et moins basiques.
Pour rappel, dans Harmonies, on crée des paysages sur son plateau personnel en plaçant des jetons de diverses couleurs (et éléments). On choisit ensuite des animaux qui rapportent des points si vous avez judicieusement placé les jetons (colorés). La particularité va être de combiner différents objectifs sur les mêmes jetons, de sorte que l’on bonifie notre score selon leur positionnement, enfin dans le meilleur des mondes.
À savoir qu’il est possible d’empiler certains jetons les uns sur les autres, ce qui va aussi jouer sur le score, mais aussi sur le rythme de la partie.
Tu as prononcé le mot « aléatoire », ce qui sonne bien souvent avec chance et hasard. La frustration est-elle aussi de la partie ?
On ne peut pas nier que la frustration peut entacher l’expérience de jeu. C’est arrivé qu’on reparte déçus, que l’on peste après une partie à cause du côté aléatoire de Harmonies. Cette frustration ne se situe pas autour des cartes qui permettent de scorer si on remplit les prérequis de placement. De ce côté, la logique est de devoir s’adapter. Néanmoins, il sera très difficile de le faire si le tirage des jetons n’est pas favorable.
Il est arrivé que l’on attende encore et toujours les mêmes couleurs de jetons… pendant plusieurs tours ! Il y a matière à discuter vis-à-vis de cette mécanique de pioche. Il faut savoir que l’on pioche (pour renouveler l’emplacement) toujours après avoir joué son tour. Donc, si vous attendez une couleur en particulier pour créer un paysage et bonifier votre score, il se peut que vous le piochiez, mais que cela bénéficie aux joueurs suivants ! Et il n’est pas rare que vos espoirs (de retrouver cet élément désiré lors de votre tour) soient anéantis.
Il faut donc s’adapter au tirage, mais seules 4 cartes Animal (les objectifs) simultanées sont permises. Quitte à ne pas pouvoir renouveler plus amplement les jetons à disposition, il aurait été agréable de pouvoir défausser ses cartes Animal pour les remplacer par d’autres. En outre, la partie se termine lorsqu’un joueur ne dispose plus que de 2 espaces vides sur son plateau personnel, le temps est compté !
Il aurait peut-être fallu mettre à disposition des joueurs une option qui leur donne le droit de rafraîchir la rivière de jetons à leur tour de jeu, au moins une fois au cours de la partie, mais ce n’est qu’une simple idée…
Tu évoquais également « un scoring captivant », tu peux nous en dire plus ?
Il s’agit d’un des points forts du jeu Harmonies. On score à deux niveaux distincts, mais cela nous fait réfléchir à associer ces deux façons de marquer des points lors de nos placements de jetons. D’un côté, on retrouve le scoring fixe qui est celui des paysages. Nous vous conseillons ainsi de regarder la photo (ci-dessous, à gauche) puisque l’aide de jeu détaille très bien cet enjeu de scoring, et nous allons l’illustrer en photos. Pour résumer, chaque couleur de jetons représente un paysage qui nous permet de scorer de différentes façons grâce à ses caractéristiques. Le mieux dans tout cela, c’est que ça s’inscrit dans une certaine logique.
Par exemple, les arbres rapportent des points en fonction de leur taille. Vous marquez un seul point lorsque vous mettez un jeton vert seul sur un emplacement de votre plateau. Néanmoins, si vous placez un jeton marron avant de mettre un jeton vert par-dessus, vous marquez 3 points. Et si vous avez eu l’inspiration de placer deux jetons marron avant de placer un jeton vert au sommet de cette pile, vous marquez 7 points.
D’un autre côté, on trouve le scoring des animaux qui, je le rappelle, sont représentés sur les cartes Animal, que l’on décide de prendre ou non pendant notre tour de jeu. Ces cartes Animal demandent des paysages en particulier et illustrent bien la particularité de Harmonies en matière de placement de jetons et de scoring. Pour réaliser un score plus que décent, il sera donc nécessaire de combiner les exigences des animaux et les spécificités des paysages.
Par exemple, il existe une carte Animal qui rapporte aux joueurs des points si l’on place de l’eau (deux jetons bleus) sur la même ligne qu’un arbre (un jeton vert sur deux jetons marron). En remplissant les conditions de cette carte trois fois sur le plateau de jeu, le joueur a la garantie de marquer 15 points grâce à la carte Animal, et 7 points, car un arbre se trouve sur le plateau.
Il existe ainsi une multitude d’options pour associer les objectifs avec les paysages et scorer un maximum de points. C’est bien ce qui vous fera réfléchir tout au long de la partie.
Cette planification n’est-elle pas trop lourde et ne risque-t-elle pas d’accentuer le downtime chez les autres ?
Malgré tout, je n’ai pas trouvé ça trop lourd. Le downtime est bien réel, mais il n’a pas trop cassé le rythme non plus. Harmonies demande de visualiser son terrain de jeu et d’élaborer des plans. Parfois, les idées s’entrechoquent avec la réalité de la pioche, et c’est assez difficile pour nous faire réfléchir à quelle case sacrifier, ou si on est malin, à quel facteur score ouvrir ailleurs. Il faut obligatoirement placer les 3 jetons que l’on a récupérés à notre tour, tous ne nous conviennent pas forcément. Et c’est bien pour cette raison que le jeu s’avère frustrant lorsque le tirage insiste pour être contre vous et votre planification. Mais, qu’il s’avère tout aussi captivant, car les idées de placement fusent.
Les planifications de paysages et de cartes Animal s’enchaînent sur le court, le moyen et le long terme. D’ailleurs, c’est une excellente idée de pouvoir renouveler son stock d’objectifs une fois qu’ils sont réalisés. Cela permet de garder une certaine dynamique et de donner plus de profondeur stratégique au jeu.
Tu parlais aussi de rythme tout à l’heure, par rapport au placement des jetons. Que veux-tu dire par là ?
Les parties durent entre 30 et 40 minutes, mais ce qui m’a le plus frappé, c’est que les joueurs peuvent construire totalement différemment leur jeu. D’ailleurs, il ne serait pas stupide de jeter un œil aux plateaux des autres joueurs pour ne pas se faire couper l’herbe sous le pied. Dans Harmonies, on peut effectivement s’attarder à construire des paysages avec du relief (des arbres, de grandes montagnes, etc.), mais on peut aussi mettre en œuvre un terrain tout plat.
Cela dépend des cartes Animal à disposition et surtout des choix des joueurs. Ce qui est intéressant, c’est que cela peut impacter directement les plans adverses. On rappelle que la partie se termine lorsqu’il ne reste plus que 2 emplacements libres sur le plateau d’un joueur (ou quand le sac est vide). Un joueur qui ne va pas s’attarder à construire beaucoup d’arbres et Cie risque de mettre fin au jeu plus rapidement que l’on pense… et peut compromettre les plans d’un autre joueur qui visait la cordillère des Andes et la forêt d’Amazonie, voire le Nil. Bref, j’exagère, mais les stratégies montrent une certaine variété, et ce n’est pas déplaisant.
Les cartes Animal sont assez nombreuses dans leurs caractéristiques pour tenter de jouer différemment selon ce qui tombe. On peut ainsi miser sur une succession de petits points ou des cartes « à grands points ».
Les deux plateaux différents (pas tellement dans la façon de scorer, dommage) et les cartes Esprit ajoutent de la rejouabilité et de la variété dans les mécaniques, et c’est tout à l’honneur de son auteur.
Du coup, on en retient quoi de Harmonies ?
Plus d’un mois que l’on a Harmonies dans la ludothèque, et je ne suis pas contre une nouvelle partie. En plus d’une variété agréable dans sa façon de construire ses paysages et de scorer des points, Harmonies parvient à séduire par sa direction artistique. Bien sûr, on pourra toujours craindre la frustration liée à l’aléatoire du jeu, mais elle n’empêche pas les sensations de jeu agréables de s’emparer des joueurs au cours de la partie. Harmonies reste un jeu captivant, probablement le meilleur de son auteur, et certainement le meilleur de Libellud depuis Dice Forge.