REFLEXION – Les clefs de la critique

critique

Si se forger un avis sur la réalisation d’un jeu peut sembler facile, il existe des clefs pour tout ce qui touche au récit. Partageons en quelques unes, histoire de débattre de manière plus constructive et espérer que les œuvres trouvent une audience méritée.

Si vous nous lisez régulièrement vous êtes habitués à certains mots techniques du récit. Mais que vous les maitrisiez ou non, leurs concepts ne vous sont pas étrangers. inconsciemment vous connaissez leur principe, et les problématiques pouvant être rencontrées à leur apparition dans un récit. Les formaliser c’est mettre consciemment le doigt sur une façon de construire un récit et souvent de prendre littéralement conscience de la qualité de celui-ci. En plus ça nous évitera de les redéfinir à chaque emploi dans nos futurs articles et ça c’est bien pour notre compteur de procrastination.

Bien évidement cette liste n’est absolument pas exhaustive et attention, à ne pas la prendre comme un mode d’emploi ou comme une checklist pour réaliser une critique.

Critique

Autant commencer par le commencement pour lever un abus de langage. Une critique n’est pas un avis négatif. Il s’agit d’une analyse argumentée et détaillée sur une œuvre. Si tel n’est pas le cas, il s’agit alors d’un avis, d’un sentiment (feeling).  Ces dernières années, le mot a souvent été utilisé de manière péjorative, par des gens cherchant à faire taire les critiques. les critiques ne doivent pas être tues, elle doivent exprimer leur analyse positive ou négative des œuvres. Peut-être que cet abus de langage est perpétré la plupart du temps par des créateurs habitués aux critiques négatives ?

Diégèse

Terme apparemment inventé par Anne Souriau en 1950, la diégèse est tout ce qui est censé se passer, selon la fiction que présente le film; tout ce que cette fiction impliquerait si on la supposait vraie. Un des concepts les plus importants du récit. Une diégèse respectée c’est une œuvre crédible, un élément important de sa capacité à nous immerger dans son univers.

Un mauvais exemple : Bright. Le film part du principe qu’avec orcs, fées, elfes, dragons et centaures nous aurions le même monde à ce jour. Le film a posé un postulat de départ sans s’interroger sur les conséquences car avec des dragons il y a fort à parier que l’architecture des immeubles soit bouleversée, idem pour l’intérieur avec la présence de centaures.

Respect des professions

Un cheval de bataille personnel car jouant énormément avec la capacité d’immersion d’une œuvre. A l’écran les gens qui bossent doivent le faire comme pour de vrai ! Avec un certain respect des procédures. On entre pas dans une base secrète comme dans une boulangerie, les pompiers n’ont pas le temps d’assister au monologue du héros qui vient de sortir d’un immeuble en flammes, les policiers doivent faire respecter la présence d’un cordon de sécurité etc etc … Ces écueils ont pour origine une méconnaissance des métiers concernés par les scénaristes et la volonté de prendre des raccourcis pour rendre une action possible ou pour renforcer un moment émouvant. Facilité, facilité toujours et encore. Et Alexandre Astier l’expliquant bien mieux, laissons-lui la parole.

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Cliché

A la différence du gimmick, qui voit l’utilisation d’un code narratif apparaitre de manière dosée et contrôlée, le cliché est lui une surutilisation, par habitude ou paresse, d’un code souvent idiot. On le met car, dans une situation équivalente on a l’habitude de le voir. Méchant qui explique son plan dans un monologue de 3 minutes, hommes de main qui attaquent un par un alors qu’ils proposent un surnombre de 1 pour 10, les adaptation de livres qui débutent par de la narration etc.

Si vous aimez les TOP 10, et tout le monde aime les top 10, en voici un axé sur le cinéma par le Fossoyeur de films. A titre personnel, celui que je déteste le plus est le 9e : le personnage qui n’insiste pas dont Black Mirror (le jeu qui n’a rien à voir avec la série) propose un superbe exemple tout au long de l’aventure.

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MacGuffin

L’élément moteur à l’origine de l’aventure qui passera vite au second plan car sans réelle importance pour l’histoire racontée. L’objet de quête, en quelques sorte. C’est Alfred Hitchcock qui a défini et popularisé le terme en le mettant de nombreuses fois en pratique. Dans les films de gangster c’est le bijou à voler, dans les films d’espionnage le document secret. Une des plus belles mises en œuvre du MacGuffin est certainement la mallette de Pulp Fiction. Élément justifiant la moitié des scènes du film, sans que pour autant ne soit révélée sa véritable nature, car au final peu importe qu’il s’agisse de drogue, d’or, de bijoux ou de l’âme de Marsellus Wallace. Cela ne changera rien au film.

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Deus Ex Machina

Littéralement le dieu de la machine. On doit cette expressions aux grecs qui utilisaient des mécanismes, lors des représentations théâtrales, pour mettre en scène une intervention divine. A ce jour, elle pointe du doigt une facilité scénaristique qui fait intervenir une solution improbable pour une situation désespérée. Tellement improbable qu’on sent bien que le scénariste n’avait pas d’autre idée pour sauver ses personnages. Donc vous l’aurez compris l’utilisation de procédé est plutôt négative pour l’œuvre concernée. Le plus célèbre des Deus Ex Machina est certainement celui sauvant les héros de Jurassic Park. Il faut reconnaitre que Steven Spielberg est un habitué du genre.

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Fusil de Tchekhov

On doit ce concept, pour ne pas dire cette loi, au dramaturge Russe Anton Tchekhov (1860-1904) qui l’avait formulé ainsi :

Supprimez tout ce qui n’est pas pertinent dans l’histoire. Si dans le premier acte vous dites qu’il y a un fusil accroché au mur, alors il faut absolument qu’un coup de feu soit tiré avec au second ou au troisième acte. S’il n’est pas destiné à être utilisé, il n’a rien à faire là.

Tout élément narratif doit donc avoir son utilité, et un élément clef ne doit pas apparaitre par magie (cf Deus Ex machina) et ce même si cela se fait au détriment de l’élément de surprise. Les œuvres utilisant ce procédé sont donc nombreuses, les allumettes du 5e élément, les gadgets présentés à chaque début de mission à James Bond par Q et cette scène de Signes où deux fusils pour le prix d’un sont dévoilés : Les verres d’eau et la batte de baseball. Ce procédé doit être utilisé avec finesse sous peine de spoiler un récit dès les premiers instants.

En ce qui concerne les jeux-vidéo, si vous êtes perdus dans un niveau, demandez-vous pourquoi les développeurs ont mis tel ou tel élément à l’écran. C’est rarement juste pour faire joli.

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Jump Scare

Littéralement le saut de la peur. L’œuvre vous projette soudainement quelque-chose à l’écran, le plus souvent en vous vrillant les tympans, pour vous faire bondir de votre siège et vous donner un sentiment de peur qui vous laissera dans une attitude de peur et d’inquiétude constante à l’attente du prochain. Utilisé par les œuvres horrifiques, il s’agit là d’un procédé assez feignant et putassier car il met en jeu des mécanismes de surprises et de réflexes plus que de peur réelle, mais son utilisation n’est pas forcément un signe négatif. Tout dépendra, comme en quasi toute chose, du dosage et de la subtilité de son utilisation.

Plan séquence

Pas forcément un élément critique sur l’écriture d’un récit, mais il est toujours bon de comprendre qu’un plan ne doit jamais être là par hasard, ou juste car on avait les moyens de le faire. Chaque type de plan a un sens ou devrait en avoir un dans l’œuvre concernée. Le plan séquence est un plan pouvant durer plusieurs minutes et qui va suivre une action, un personnage durant toute cette durée sans interruption ou montage. Son sens varie selon les films mais en général il montre une progression qui vise à nous tenir en haleine ou à nous immerger un peu plus encore dans l’œuvre. Dans Shining la balade en vélo de Danny dans les couloirs de l’hôtel sert à angoisser le spectateur. Dans les Affranchis (extrait suivant) le plan séquence est utilisé pour faire un parallèle entre l’ascension du héros dans la pègre et son périple qui débute dans les sous-sol du restaurant en passant par les cuisines pour finalement prendre la place qu’il estime comme lui revenant de droit.

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Notons quelques autres grands types des plans : le gros plan pour saisir la palette d’émotion d’un personnage, très gênant quand les personnages n’ont pas d’émotion particulière ou alors très forcée (The Council), le traveling qui a pour but de suivre une action, un déplacement.

Le montage

On a tout bien écrit comme on voulait, on a tout bien filmé comme on voulait, on a bien tout mixé les sons, reste le montage. Cette étape qui peut totalement ruiner un film ou en faire un chef d’œuvre. Dans la première catégorie comment ne pas penser à Suicide Squad, complétement déconstruit par le studio. On pensera aussi aux films d’actions avec les coupes toutes les 2 secondes pour donner une impression de mouvement et d’action renforcée. Enfin pour vous convaincre qu’un montage raté n’est pas qu’une excuse à un réalisateur déçu des critiques, que diriez-vous d’un petit trailer du Silence des Agneaux monté comme une comédie romantique.

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Impasse mexicaine

Pas vraiment un élément critique mais il est toujours utile, pour sa culture personnelle, de savoir comment se nomme une confrontation à 2 groupes d’individus se menaçant mutuellement. Dans une impasse mexicaine, aucun groupe n’a intérêt à tirer le premier.

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Quatrième mur

Imaginez une scène de théâtre sur laquelle jouent des acteurs. Le 4e mur c’est celui, invisible car imaginaire, qui vous sépare des acteurs. Sur vos écrans, c’est justement votre écran. On évoque surtout ce 4e mur quand on le brise ou le casse. C’est-à-dire que le personnage prend conscience de votre existence de spectateur : Deadpool, Ferris Bueller’s day off, Fight Club, le Fabuleux destin d’Amélie Poulain, Kiss Kiss Bang Bang … Et comme vous aimez les top 10, en voici un autre.

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Cri de Wilhelm

Petit bonus un peu hors sujet avec un effet sonore utilisé dans près de 241 films, notamment lorsqu’un personnage reçoit un projectile, pris dans une explosion ou chute. Il est devenu un gimmick voire un cliché du bruitage cinématographique, et s’est largement répandu en dehors du cinéma, notamment aux séries ou au jeu vidéo : The Witcher 3, The Last Of Us … la liste complète ici.

Il est né en 1951 dans un western de la Warner Bros intitulé Distant Drums (Les Aventures du capitaine Wyatt) et pour le plaisir en voici une petite compilation.

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Vrai bonus : identifier un mauvais film en 35 secondes.

Au cinéma, les sponsors du films : RMC, Skyrock vous êtes sur du lourd. une fois le film commencé, si un narrateur vous expose 10, 20 voire 350 ans d’Histoire en 35 secondes vous êtes sur du très lourd : Ghost Rider, Abraham Lincoln chasseur de vampires

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