Le contemporain : oublié des jeux vidéo de rôles ?

Le contemporain : oublié des jeux vidéo de rôles ?

Chevalier, sorcier, barbare, pirate, vampire du XIXe siècle, contrebandier de l’espace, technomage , et moi héros contemporain, quelle est ma place là-dedans ?

Le contemporain est-il une période oubliée des jeux vidéo de rôle ? Telle est la question que je me suis posé en sortant du What’s next de Focus Home Interactive. Un évènement annuel présentant les jeux à venir de l’éditeur. Cthulhu, Vampyr, The Council, pour les concernés mais encore Divinity Original Sin, Elder Scrolls, World of Warcraft, The Witcher, Kingdom Come Deliverance, voici quelques illustres noms de RPG actuels prenant place à des époques révolues. Même qualité de l’autre côté de l’échelle du temps : Mass Effect, Deus Ex, Cyberpunk 2077, Fallout (qui pourrait être considéré comme contemporain post apo), Eve Online. Force est de constater que notre époque ne semble pas intéresser les développeurs. Ô bien sûr les contres-exemples existent, citons The Secret World, Vampire The Mascarade (Redemption, Bloodlines), South ParkDCUO ou encore Champions Online, (on remarquera d’ailleurs une forte composante super-héros) mais en terme de quantité et aussi de qualité…

Qu’est-ce qu’un jeu de rôle ?

Car il faut commencer par situer la discussion sous peine de voir de mauvais exemples la perturber. Ainsi, ni GTA, ni Tomb Raider ou encore Watchs Dogs, ne sont des jeux de rôles. Définir le genre est un projet en soi, ainsi nous pourrions dire qu’un jeu de rôle c’est un jeu où l’on incarne un rôle. Premier problème, avec un peu de mauvaise foi, on pourrait aisément dire que tout est jeu de rôle. J’incarne le rôle d’un plombier qui saute partout, Mario bros. est donc un jeu de rôle, j’incarne un propriétaire terrien qui fait payer des loyers, le Monopoly est donc un jeu de rôle. Tentons d’être plus précis. Même si les contres-arguments pourront fuser dans nos esprits, il semble que nous puissions être en accord sur deux principes :

Le jeu doit donner un personnage dont les compétences prennent le pas sur celles du joueur. Dans le cas de Mario, si vous ratez une plateforme, c’est plus de votre faute, mauvais réflexes, une mauvaise appréciation de l’espace, que celle du petit plombier, et, ces compétences doivent évoluer, s’améliorer.

Autre composante, le héros doit avoir un impact sur la narration et celle-ci doit évoluer en fonction. Ainsi, dans les jeux cités en introduction vous avez souvent la possibilité de prendre un chemin plutôt qu’un autre, qui aura des incidences sur le monde dans lequel votre avatar évolue. Souvent on voit bien que les MMORPG posent problème : les caractéristiques de vos personnages ne prennent pas toujours le pas sur celles du joueur, et la linéarité est souvent la règle. On vous proposera au mieux de choisir vos quêtes (mouais…), une zone de départ (re mouais …), une faction, mais le MMO se dira RPG s’il vous propose un système de niveaux, un template pour vos skills, un univers vivant sans vous et une histoire à découvrir. Et surtout, il ne tient qu’aux joueurs de jouer roleplay, c’est à dire de profiter des outils (en incluant les add-ons créés par la communauté) et de l’univers mis à sa disposition pour jouer réellement comme dans un jeu de rôle. Ainsi tous les MMORPG proposent des serveurs roleplay, qui, si les joueurs respectent le principe, sont lieu d’échanges savoureux, de scénarios mis en place par des joueurs et de clichés éculés : il suffit de jouer un badguy/woman pour que les salutations se transforment automatiquement en : « Sombresoir à vous! »

Après certains diront qu’un jeu de rôle doit forcément avoir une feuille de personnages, Ambre a prouvé le contraire.

Terminons cette partie pour préciser que les sous-genres pullulent pour notre plus grand plaisir, sous-genres qui renforcent l’une ou l’autre des composantes du jeu de rôle : RPG, jeux narratifs, MMORPG, Action RPG, Tactical RPG voire dungeon crawler ou hack’n slash.

Warhammer online

Warhammer Online

Un problème de licence ?

Revenons à notre principal sujet. Les licences posent un double problème, qu’elles soient d’origine littéraire (Seigneur des Anneaux, The Witcher), d’origine ludique (Warhammer, Vampire la Mascarade), voire vidéo-ludique (Warcraft), la plupart d’entre-elles, sont situées dans un univers non-contemporain. On pourrait donc imaginer qu’il existe un manque de licence contemporaine. Ce serait une erreur mais une erreur fluctuante. Ainsi, à mesure que le temps passe, les licences contemporaines ne le sont plus vraiment ou doivent être réactualisées. Ce qui serait un début d’explication pour la surreprésentation du genre super-héroïque, les comics étant constamment mis à jour. N’oubliez pas que Batman est né en 1939.

Mais les licences ne manquent pas, côté jeux de rôles, nommons Cthulhu qui a la facilité d’exister en trois époques distinctes, Zombies, Witchcraft, Werewolf (en cours d’adaptation par Cyanide / Focus Home Interactive) Corps et bien évidemment le jeu que tout rôliste francophone rêve de voir adapté : In Nomine Satanis / Magna Veritas, fleuron du jdr français.

Côté séries et littérature, on pourrait aisément piocher dans les œuvres de Neil Gaiman (De bons présages, American Gods), certains romans de Philip K.Dick ou toute œuvre uchronique.

In Nomine Satanis

Et puis une licence c’est « facile« , l’univers voire l’histoire, est déjà là. Et si c’est la licence qui vient à vous, il parait difficile de la refuser tant elle a pu bercer votre imaginaire, sans compter la communauté qui va naturellement se créer ou se déplacer vers vous si elle existe déjà.

Ou d’imaginaire ?

C’est une lapalissade d’écrire qu’un des moyens les plus simples de dépayser son auditoire est de le faire voyager dans le temps, et/ou le faire changer de planète. Et être dépaysé, c’est ce que nous cherchons avant tout. Mais ce dépaysement comporte un prix, celui de l’immersion. Les créateurs, qu’ils soient cinéma, livres ou jeux vidéo, doivent alors travailler en ce sens et nous proposer un univers, un quotidien cohérent que l’auditoire peut comprendre, auquel il peut se rattacher. Si des héros comme Spiderman ou Buffy ont connu le succès qu’on leur connait, c’est aussi car leur auditoire a pu s’identifier à eux et retrouver une partie de leur quotidien, de leurs problèmes.

Cas particulier Kingdom Come Deliverance, les développeurs ont eu comme souhait de faire découvrir l’histoire de leur pays. L’idée de placer l’action en 1403 a dû s’imposer d’elle-même.

Un jeu de rôle reste un univers, et jouer à un jeu de rôle c’est en fait un voyage initiatique dans cet univers. Si la Compagnie noire ou la Communauté de l’anneau (Et Bilbon avant elle) traversent le monde, c’est certes pour accomplir une quête mais surtout pour nous faire découvrir le monde imaginé. Et vous remarquerez que tous les jeux de rôle vous font parcourir des centaines voire des milliers de kilomètres. Créer un jeu de rôle c’est donc créer un univers avant tout, un univers que le joueur va devoir découvrir lors d’un voyage initiatique. Vous êtes toujours celui qui ne connait pas le monde quelle qu’en soit la raison (n’est jamais sorti de son village, isolé du monde, amnésique, jeune engagé dans une troupe envoyée loin au combat, découvre une société secrète, etc etc). Cette « limitation » allant de paire avec votre niveau 1 de novice en toutes choses ou presque.

Dans un monde contemporain réaliste (en apparence), vous ne dépayserez pas le premier venu en l’envoyant à la fac ou faire ses courses à l’hypermarché du coin, il faut créer un monde caché à découvrir. D’où le nombre de productions contemporaines qui vous mettent face à des divinités, des anges, des démons, des monstres légendaires, des sorciers etc etc. Construire un univers caché dans notre monde actuel peut donc être vécu comme une limitation.

Telles sont des pistes explicatives sur le manque actuel de jeux de rôles contemporains. Notre période historique semble être liée aux jeux d’action peut-être plus adaptés à des héros (et donc des joueurs) connaissant un monde mais confrontés à une aventure les sortant de leur quotidien d’archéologue ou de gangster affranchi.

vampires bloodlines

vampires bloodlines

Bonus : Le voyage initiatique

Petite réflexion bonus, les jeux de rôles SF, futuristes, en dehors de Fallout, mais peut-il être considéré comme tel, et des space operas, semblent nous faire, littéralement, moins voyager. Là où un RPG médiéval nous fera traverser un pays, un continent, souvent les jeux futuristes nous cantonnent à une ville, à un quartier, principalement les jeux cyberpunk.

Surement car le médiéval est l’occasion d’aborder des considérations géopolitiques alors que le futuriste, le cyberpunk, questionne notre condition humaine.

Tout comme les œuvres littéraires ou cinématographiques dont les jeux cyberpunk sont les héritiers, ils tentent par ce biais de nous imposer une claustrophobie qui servira, dans le meilleur des cas, leur propos. Dans les cyberpunks, il fait toujours nuit et il pleut la moitié du temps.

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gzaltan
gzaltan
3 années il y a

Il y a la série japonaise des Mothers également, qui est probablement le parfait exemple de ce que recherche un joueur de jeu de rôles contemporains.
Merci pour la liste !

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