Après trois premiers tomes d’une qualité indéniable, Goblin Slayer continue de ravir ses lecteurs avec deux tomes supplémentaires dédiés à l’action et au développement de certains personnages.
Goblin Slayer, c’est ce manga qui nous a fait forte impression en mai dernier lors de notre critique des trois premiers tomes. Dotées d’une histoire et d’une identité visuelle oscillant continuellement entre le seinen et le shonen, les aventures du Crève-Gobelins réussissent en effet à proposer un contenu à la fois composé de violence brute mais aussi de tranches de vie.
• Maison d’édition : Kurokawa
• Auteurs : Kumo Kagyu (scénario), Kousuke Kurose (dessins – manga), Noboru Kannatuki (illustrations – romans)
• Mentions utiles : ouvrages mis à disposition par Kurokawa pour cet article (non-sponsorisé)
• Lien vers nos autres articles sur cette série : tomes 1 à 3, tomes 4 & 5, tomes 6 & 7
Behind the Crooked Cross
Après avoir sauvé le village de son amie d’enfance avec l’aide de la guilde et découvert que posséder des alliés pouvait se révéler utile – voire agréable, le Crève-Gobelins accepte un nouveau contrat (d’extermination de gobelins, forcément…) se déroulant cette fois-ci dans une grande ville, et pas n’importe laquelle : il s’agit en effet de la ville accueillant le Temple de la Loi, dirigé par la légendaire Vierge à l’Épée, et qui se révèle à l’origine du contrat.
Le tome 4 est ainsi l’occasion pour placer quelques éléments de lore au sein d’une histoire qui s’est contentée jusqu’à présent de rester timide sur les grandes intrigues du monde. On en apprend alors un peu plus sur la Vierge à l’Épée qui, bien que dotée d’un chara-design peu inspiré, se présente comme un personnage un peu plus complexe que de prime abord et dont le rapport aux gobelins tisse d’emblée un lien invisible entre elle et le protagoniste.
Cette nouvelle intrigue, qui voit notre groupe d’aventuriers s’enfoncer dans les dédales des ruines enfouies sous la ville, possède d’ailleurs une ambiance très « Donjons & Dragons » qui plaira à plus d’un amateur de jeu de rôle qui ne manquera pas d’en saisir les références. Heureusement, l’auteur évite l’écueil propre à beaucoup de mangas dotés d’univers similaires, le genre à se contenter d’introduire à la truelle des éléments de MMORPG et qui échouent à créer un monde d’heroic-fantasy réaliste et immersif. Dans Goblin Slayer, ces éléments restent présents à petites doses, évitant (de peu, avouons-le quand même) ce sentiment d’artificialité.
Eyes of the Insane
Cette intrigue souterraine, qui se déroule en plusieurs actes et devrait se clore lors du tome 6, est visiblement l’occasion pour l’auteur de développer la dynamique de groupe qui s’est créée précédemment, avec le trio haute elfe-naga-nain et la jeune prêtresse qui commencent visiblement à avoir une influence positive sur le Crève-Gobelins. Cela se voit d’ailleurs à travers le fait que celui-ci propose spontanément à ses nouveaux amis de le rejoindre pour le contrat de la Vierge à l’Épée.
L’évolution de la situation dans les ruines situées sous la ville provoque d’ailleurs de nouveaux questionnements, à la fois pour le protagoniste qui prend conscience de ses responsabilités envers autrui (une grande première pour lui), mais aussi pour la jeune prêtresse qui continue de se construire à travers le prisme du récent traumatisme de son premier contrat. Et en-dehors du groupe, la Vierge à l’Épée n’est pas en reste, ce personnage à la stature légendaire n’étant pas aussi inébranlable que dans les contes qui narrent ses exploits.
Pour finir, ces deux tomes sont l’occasion de remarquer un détail assez troublant : l’absence de noms connus pour tous les personnages. Si cela ne saute pas aux yeux au début de l’histoire (à part pour le héros, mais cela suit une certaine logique de déshumanisation du personnage), cela devient de plus en plus notable au fur et à mesure que le scénario se déroule. Les protagonistes s’adressent entre eux par leur statut ou leur race, mais jamais directement par leurs noms ou leurs prénoms, qui demeurent alors inconnus du lecteur. Au bout de cinq tomes à esquiver l’usage des noms de tous les personnages, cette singularité de Goblin Slayer parait clairement volontaire.
A ce sujet, Kamu Kagyu est un fan avéré de jeux de rôle, et son l’histoire de Goblin Slayer fait régulièrement état de Dieux jouant aux dés avec des héros qu’ils ont créé. Il ne serait donc pas impossible d’émettre une hypothèse selon laquelle l’auteur voudrait nous faire comprendre que le monde de Goblin Slayer n’est finalement qu’un vaste terrain de jeu pour divinités joueuses et capricieuses. Ne pas nommer les personnages de l’histoire permettrait ainsi de nous faire comprendre, implicitement, leur statut de simples pions sur une table de jeu dont ils ne maitrisent aucunement le déroulement.
Avec ces tomes 4 et 5, Goblin Slayer continue de nous faire vibrer au rythme des démembrements de gobelins et des moments de complicité entre personnages que tout oppose. Les protagonistes se développent doucement mais sûrement, à l’image de l’intrigue qui prend le temps de se dévoiler pas à pas pour ne pas encombrer la narration. Si le découpage de certaines scènes peut toutefois paraître haché et maladroit à certains endroits de ces deux tomes, cela n’entache pas pour autant la narration globale qui continue de nous tenir en haleine. On attend la suite avec impatience.