Et si le Joker, l’incarnation de la folie, était l’objet d’une cure lui permettant d’inhiber la source de son état mental ? Que deviendrait-il ? Que ferait-il ? Et Batman, dans tout ça ? Toutes les réponses se trouvent dans White Knight.
Alors que le cœur de l’univers DC comics bat au rythme de deux gros évènements (l’actuel « Dark Knights – Metal » de Scott Snyder, et le très attendu « Doomsday Clock » de Geoff Johns), White Knight a réussi le pari de faire une entrée remarquée en proposant une série totalement déconnectée des évènements principaux du multivers. Scénarisé & dessiné par Sean Murphy, colorisé par Matt Hollingsworth, White Knight nous met en scène une version de Gotham City similaire à celle que l’on connait sur Earth-0 (la Terre des évènements principaux des comics DC ), à la différence que le Joker y est l’objet d’une cure visant à le guérir de son état mental, pendant que les méthodes violentes de Batman suscitent de plus en plus la polémique. L’ami SVPL4Y nous parle d’ailleurs plus en détail du concept de White Knight dans un précédent article.
Après un Tome 1 qui déroule les bases de l’intrigue, le tome 2 (qui vient de sortir aux Etats-Unis) s’attarde sur les projets du Joker, désormais connu sous le nom de « Jack Napier ». Et alors que Jack cherche un moyen de réparer les torts qu’il a pu causer, il se dirige vers la plus emblématique de ses victimes : Harley Quinn. A cette occasion, on constate que l’auteur en profite pour faire passer toute en finesse son opinion personnelle sur l’évolution du personnage au fil des dernières décennies :
Résumé pour les non-anglophones : Jack retrouve Harley Quinn pour s’excuser de tout le mal qu’il lui a fait, ainsi que pour la demander en mariage. Harley réagit alors brutalement à ce changement d’attitude, et frappe Jack en lui demandant de ne plus prendre ses cachets afin qu’il puisse redevenir le Joker. A ce moment précis, une autre Harley Quinn apparaît, habillée avec la tenue emblématique de ses premières apparitions dans la série animée Batman (diffusée dans les années 90). Vient alors le moment pour cette « ancienne » Harley Quinn d’expliquer la différence entre elle et celle qui incarne la « nouvelle version » (celle des années 2010 que l’on retrouve notamment dans le film Suicide Squad ou encore dans les récents comics « Harley Quinn ») :
« Mais… tu l’as quitté !
_ Et maintenant, je le reprends.
_ Il a besoin…
_ …d’une pom-pom girl violente avec de plus gros seins ? Je ne pense pas. Et évitons de parler de tes fringues, ce qui me semble être un pas en arrière pour le féminisme. »
L’« ancienne » Harley poursuit ensuite dans la case suivante :
« Comprends bien, ma sœur. Tu aimes le Joker, j’aime Jack. Tu aimes ses défauts, je l’aime malgré ses défauts. Et maintenant qu’il est soigné, il est à moi. Alors dégage, car je ne suis pas prêt à le perdre une nouvelle fois. »
Par ce passage et cette pirouette scénaristique (on apprend plus tard que le Joker ne s’était même pas rendu compte qu’une nouvelle Harley avait remplacé l’autre), Sean Murphy oppose la version originale du personnage à sa nouvelle version présente dans la pop-culture ces dernières années, usant de ce dialogue inter-générationnel pour partager son opinion sur cette évolution de la personnalité du Dr Quinzel.
Hyper-sexualisée, dépeinte comme folle à lier, parfois-même décrite comme vivant une « romance criminelle » avec le Joker (à en croire la description d’un potentiel projet de film), cette Harley Quinn des années 2010 est effectivement éloignée de la version de base du personnage que l’on croise pour la première fois dans la série animée Batman des années 90. Dans celle-ci, Harley Quinn y était présentée comme une femme soumise, prisonnière d’une relation abusive avec un homme qu’elle aime et dont elle ne peut se résoudre à se séparer. Véritable personnage dramatique à ses origines, cette Harley Quinn a peu à peu laissé la place à un personnage plus déjanté et épousant la folie de son bourreau pour devenir un personnage parfois grotesque, malgré quelques tentatives de nuance au sein de certaines œuvres récentes : la dernière série de comics « Harley Quinn », par exemple, joue la carte d’un personnage indépendant, mais en gardant tous les points de la nouvelle version (sexualisation marquée, folie, violence gratuite, …).
Alors que l’évolution d’Harley Quinn suscite parfois des débats au sein de la communauté des fans de comics, il est intéressant de voir qu’il en va de même parmi les auteurs. Dans White Knight, en tout cas, Sean Murphy affiche clairement sa préférence pour ce personnage attachant et torturé qu’est cette version « vintage » d’Harley. Dans White Knight, celle-ci y est présentée comme une fleur malmenée qui éclot enfin, libérée de l’influence néfaste du Joker, et d’où émerge finalement une grande force de caractère. Bien que les protagonistes de White Knight soient principalement Jack Napier et Batman, ce passage résonne comme un vibrant hommage à Harleen Quinzel.