Dune Imperium était attendu dans l’Hexagone pour fin juin. Bénéficiant de très bons échos, il se montre presque à la hauteur de toutes les attentes.
Éditeur : Lucky Duck Games
Illustrateur : Clay Brooks, Raul Ramos, Nate Storm
Mécanismes : pose d’ouvriers, deck-building, majorité
Version fournie par l’éditeur.
Planète Lucky Duck Games
Ces dernières semaines sont très remplies pour Lucky Duck Games qui localise donc Dune Imperium dans l’Hexagone. Nous avons pu récemment vous présenter Destinies, l’un des titres les plus ambitieux et qui emprunte comme Chronicles of Crime la mécanique de Scan & Play. Dans le registre familial, ils ont également remis au goût du jour Châteaux et Catapultes. Ils sont parvenus à tisser un partenariat avec Chip Theory Games pour la campagne de Too Many Bones, un titre qui contient la ribambelle de 139 dés pour des mécaniques RPG très intéressantes.
Paul Dennen, à l’origine du désormais classique Clank! (d’ailleurs le Legacy est disponible en boutiques) signe un nouveau jeu de société qui sera probablement synonyme de succès. Il puise aussi ses inspirations de l’œuvre d’origine, puisque l’on rappelle que l’univers de Dune est tiré de livres mais aussi du prochain film Dune Legendary Pictures, par Denis Villeneuve, très attendu sur les grands écrans.
Au niveau des illustrations, on retrouve Clay Brooks (retrouvez son travail sur ArtStation) qui a aussi bossé sur Clank Legacy. Il est accompagné de Raul Ramos (profil ArtStation à cette adresse) qui, en plus de bosser sur les Clank, s’est aussi illustré sur le deckbuilding Eternal Chronicles of the Throne. Enfin, Nate Storm était aussi présent au casting, signe que ces trois artistes aiment travailler ensemble et ça fonctionne plutôt bien !
Dune Imperium, c’est quoi le topo ?
Sur la boîte, on nous adresse le concept en quelques mots.
En tant que Dirigeant de l’une des grandes maisons de Landsraad, érigez votre bannière et rassemblez vos forces et vos espions. La guerre est proche, et au centre du conflit se tient Arrakis – Dune, la planète des sables.
Chaque joueur incarne donc un Dirigeant d’une Maison et tous ont un avantage qui s’active à certains moments du jeu ainsi qu’une compétence qui s’actionne grâce à la carte Chevalière. Tout le monde démarre avec un deck de 10 cartes qui est identique dont une main de 5 cartes.
Une fois le jeu lancé, cela se traduit par des mécaniques de pose d’ouvriers, de la gestion de ressources, de deckbuilding et de majorité. Il se montre aussi très interactif dans ses diverses sections de jeu et c’est ce qui le rend si passionnant et tendu entre les joueurs. De même, c’est une course aux points puisque le joueur qui atteindra 10 points signe la fin de partie sans pour être autant garanti d’une victoire.
On démarre chacun avec deux ouvriers et ils ne peuvent être placés qu’en jouant une carte précisant où vous pourrez les placer. Le jeu est en cela très bien iconographié (des figures géométriques et colorées d’un côté, des symboles de l’autre, tous renvoyant à une section du plateau indiquée clairement).
En activant un lieu avec votre ouvrier, vous pourrez ainsi progresser sur des pistes apportant un point ou des ressources. D’autre part, vous serez en mesure de déployer vos troupes dans un Conflit qui désignera le joueur qui empochera la meilleure récompense du tour (le système de majorité).
Dune Imperium se démarque de par ses nombreuses possibilités stratégiques. Il sera possible de scorer de plusieurs façons mais aussi d’obtenir des ressources de diverses manières (placement d’ouvriers, troc épices contre monnaie) et de réaliser des actions par différentes voies, de façon à ce que l’on puisse progresser tous sans exception (enfin si on joue en toute logique et que l’on a assimilé la profondeur mécanique du jeu).
D’ailleurs, revenons sur cette profondeur mécanique qui fait de Dune Imperium un excellent jeu.
Un Conflit pour une interaction à tous les étages
Les différents choix de placement d’ouvriers se caractérisent par les différentes sections du plateau. D’un côté, nous visualisons 4 pistes de progression sur le côté gauche du plateau, toutes comprenant deux emplacements distincts (à usage unique) où placer nos ouvriers. Ces pistes font écho aux Factions présentes dans Dune Impérium, des Factions qui seront aussi présentes sur les cartes.
Chaque Faction possède un lieu « gratuit » (seul le symbole du lieu sur la carte jouée est requis) et un autre lieu payant (la carte jouée avec le bon symbole + des épices ou une goutte d’eau) mais qui apporte une grande récompense (déployer ses troupes dans la garnison, des Solari, piocher d’autres cartes ou des intrigues, voire des gouttes d’eau). Quoiqu’il en soit, dans le livret de règles, tout est inconographié parfaitement.
On retrouve donc une section pour les Factions de l’Empereur, La Guilde Spatiale, l’Ordre Bene Gesserit et les Fremen. Il ne serait pas totalement compréhensible pour vous que je liste l’utilité de chacun des lieux sans les mettre en corrélation avec d’autres actions et d’autres segments du jeu.
Sachez surtout que chaque fois que vous jouez une des deux actions de ces Factions, vous progressez sur la Piste spécifique à la Faction, les pistes rapportent tous un point à mi-parcours, puis un autre point à partir d’un seuil que l’on se dispute en étant le plus haut sur les différentes pistes (Alliance). Sachant que la partie s’arrête lorsque l’on atteint 10 points, qu’avancer de deux cases permet de s’attribuer 1 point, ça peut vite chiffrer.
Mais c’est là où le titre prend tout son sens, cette faculté à créer de l’interaction entre les joueurs.
Le conflit :
On retrouve cette interaction sur la zone Combat dominant le Plateau, prenant place sur le flanc sud-est. Dès le début de partie, ces 3 cubes en bois que vous placez dans l’espace dédié aux garnisons relèvent d’une importance capitale. Chaque joueur compte sur un espace circulaire pour y placer ses troupes. Il faudra activer l’effet de cartes ou de lieux pour envoyer des troupes au combat (à partir de cet espace circulaire représentant votre garnison ou depuis votre réserve).
Celui qui se trouve en majorité dans la zone de Combat remporte les récompenses indiquées sur la carte Conflit (le 2e et 3e joueur remportent également une récompense moindre). Plus on progresse dans la partie, plus les récompenses seront importantes (elles sont hiérarchisées au dos des cartes) et plus les combats seront capitaux. Cela peut être des épices, une montée en grade sur la piste des Factions, piocher des cartes Intrigue mais surtout des points à gagner !
Encore une fois, c’est avec la pose d’ouvriers (dans la majeure partie des cas) que vous enverrez vos troupes au combat, ce qui renforce le sentiment de devoir faire des choix importants. Gérer ses ressources, accroître sa force militaire, optimiser son deck, trouver un équilibre. Mais rien ne doit être laissé au hasard.
De même, certaines actions de pose d’ouvriers seront payantes (en Eau notamment en plus du bon symbole de cartes), d’autres apporteront des épices et permettent de lancer ses troupes depuis les garnisons dans le combat. Ces actions sont symbolisées par la présence d’une paire de sabres sur le plateau. Mais les garnisons ne se remplissent pas seules, il faut que vous jouiez des actions comportant le symbole du Cube gris pour renflouer les troupes. La gestion de vos garnisons sera ainsi un facteur déterminant dans le gain de la partie.
Quoi de mieux pour apporter de la tension entre les joueurs puisque l’on se dispute donc les mêmes lieux, les actions qui nous permettront de renflouer la garnison, d’aller au combat, d’optimiser nos ressources, de progresser sur les pistes, tout en n’oubliant pas de prendre un 3e ouvrier quand on en ressent le besoin ou assez tôt pour multiplier nos options.
Justement, cette profondeur dans les choix stratégiques, on s’en délecte.
La gestion des épices.
D’un côté, l’épice est une ressource rare qui exige que l’on aille à la rencontre des gigantesques vers des sables pour les collecter, de l’autre ils sont indispensables pour le placement d’ouvrier. Une seule action de récolte d’épices est gratuite et c’est celle qui en rapporte le moins ! Dès lors que vous souhaitez récolter plus d’épices, vous devrez alors dépenser plus d’eau.
Ensuite, que fait-on des épices ? On peut les troquer contre des Solari et cela chiffre très vite. Défaussez-vous de 2 épices et vous obtiendrez 6 Solari, 3 épices pour 8 Solari, 4 pour 10 et 5 pour 12. Sachant qu’on dépense ces mêmes Solari en vue d’acquérir un 3e ouvrier permanent contre 8 pièces, que l’on peut renflouer sa garnison de 4 troupes contre 4 Solari ou obtenir un bonus de 2 en Persuasion lors de l’achat des cartes du deck (fin de tour) contre 5 Solari.
Enfin, les épices sont aussi majeures pour réaliser les actions les plus fortes de chaque Faction. Si vous réalisez l’action Conspirer par exemple, vous vous défaussez de 4 épices pour récupérer 5 Solari, renflouer sa garnison de 2 cubes et piocher 1 carte Intrigue (on y reviendra), sans oublier de progresser sur la piste de l’Empereur. Ailleurs il en faut 6 pour récupérer des gouttes et renflouer sa garnison de 5 troupes (c’est simplement énorme !).
Bref on y retrouve une gestion complexe des ressources et un bon nombre de choix à réaliser, de sorte qu’il peut devenir rapidement chauffe-neurone.
A cela s’ajoute les cartes Intrigue, des cartes que l’on cache aux autres joueurs et qui peuvent se montrer décisives. Elles sont utilisées en général pour renflouer ses troupes au combat avec des sabres (chaque cube placé au combat vaut 2 points, un sabre vaut 1 point). Elles apportent aussi des bonus immédiats comme la progression sur une piste Faction de votre choix mais aussi pour doubler ses gains de Conflit ou remporter des points en fin de partie !
De ce fait, ces cartes Intrigue feront parfois évoluer vos stratégies. Comme ces cartes sont camouflées, votre stratégie attire certes la suspicion mais elle ne peut être devinée par l’adversaire. Vous pouvez ainsi bluffer indirectement de sorte qu’il sécurise un de leurs mouvements, leur faisant perdre potentiellement une action de jeu pour une menace qui n’est pas réelle ou qui aurait pu l’être.
Deckbuilding :
L’aspect deckbuilding est aussi très important mais au service de la pose d’ouvriers. Si vous souhaitez vous positionner sur un emplacement, il vous faut le symbole qui le caractérise sur l’une de vos cartes. Un mauvais tirage peut ainsi bloquer vos possibilités et faire naître de la frustration. C’est pourquoi il est indispensable de trouver un équilibre entre des cartes aux effets avantageux et des cartes avec des symboles bénéfiques aux actions de pose d’ouvriers. Ce sera une des difficultés du jeu car si vous ignorez cet équilibre, vous vous retrouverez à réaliser des actions par défaut, ou à tenter de piocher des cartes supplémentaires avec plus ou moins de succès.
Les cartes sont aussi importantes pour la fin du tour. Une fois que vous passez, vous êtes effectivement en mesure de recruter d’autres cartes à l’aide de la Persuasion (la monnaie pour recruter) qui est indiquée sur vos cartes non-utilisées ce tour. Il est donc question de trouver un autre équilibre si jamais vous souhaitez améliorer votre deck. S’il ne vous reste que 1 ou 2 en Persuasion, vous n’irez pas loin dans vos tractations. Il faudra avoir le sens du sacrifice ou encore une fois faire des choix.
J’ai commencé Dune Imperium à 3 joueurs, configuration formidable tant le plaisir de jeu était au rendez-vous.
Les questions se posaient sur sa faculté à séduire lorsque seulement 2 joueurs sont autour de la table. J’ai donc tenté cette configuration avec Arnyanka et nous avons nettement moins apprécié le jeu, même s’il reste plaisant, à deux joueurs.
Lorsque l’on a, en premier lieu, goûté à l’ivresse d’une partie à 3 joueurs durant laquelle la tension était présente, la concentration à son extrême et l’interaction apportant un peu plus de nervosité, j’ai du mal à concevoir qu’on puisse éprouver le même plaisir de jeu avec un Automate dont les actions sont dictées par le hasard de la pioche.
Dune Imperium m’a convaincu dès les premiers instants. C’est assez rare de me conquérir dès la partie de découverte.
En assimilant les mécaniques et en visualisant le plateau (encore bravo pour l’iconographie), je réalisais toutes les possibilités en cours de partie et cela m’enchantait. Plus j’y jouais et plus j’avais soif d’expérimenter et d’adopter diverses stratégies.
Ce mélange de deckbuilding (important de trouver un équilibre entre bonus de symbole et bonus d’effet), de placement d’ouvriers amenant aussi de la gestion de ressources, est finement équilibré. Puis ce côté interactif apporté par les différentes pistes et le Conflit ainsi que les lieux à emplacement unique, cela amène tout de suite de la nervosité et de l’enjeu entre joueurs. La gestion du Conflit peut être sujette à moult rebondissements avec les cartes Intrigue pouvant faire basculer une majorité ou une autre. Simplement génial au niveau des sensations de jeu.
Dune Imperium est facile à prendre en main. Certes on pataugera les premiers tours lors de la partie de découverte mais on réalise aisément ce qu’il faut faire lors du déroulement de la première manche.
L’iconographie aide beaucoup. Il faudra simplement assimiler la distinction entre remplir la réserve de la garnison et envoyer ses troupes au combat (quelques moments de flottement sur cette notion) mais on s’y fait rapidement.
La première partie s’est passée plutôt bien pour tous. On a saisi les mécaniques de deckbuilding, de gestion de ressources et de majorité avec cette zone Combat avec facilité.
Clairement non !
Le matériel est terne et fait assez cheap. Les troupes de la garnison, ce sont des cubes en bois. Les ressources, c’est dans la même veine. Ce n’est pas hyper immersif de ce côté-là.
Le plateau est efficace, il n’est pas immense et il ne présente pas forcément une direction artistique de folie. Néanmoins, il propose un condensé efficace et très clair. Pas de démesure mais de l’efficacité et de la clarté au niveau de l’iconographie et de la disposition des actions.
Quant aux cartes, les illustrations reflètent bien l’univers mais il ne faudra pas non plus s’attendre à quelque chose d’impressionnant ni de trop distingué.
Les mécaniques de Dune Imperium se démarquent de par l’interaction créée entre les joueurs.
On se tape pour les récompenses du Conflit avec le système de majorité mais on se dispute aussi les Alliances des différentes Pistes de Faction, on veut prendre en priorité certains emplacements avantageux avec la pose d’ouvriers. Cette interaction est directe et apporte de la tension autour de la table, de l’enjeu et amène à penser longuement ses actions.
On n’oublie pas les cartes Intrigue qui peuvent bousculer le déroulement d’une manche.
Récapitulons : Dune Imperium m’a plu un peu, beaucoup ou à la folie ?
(ou pas du tout…)
Dune Imperium est bouillant ! Dès ma partie de découverte à 3 joueurs, j’ai senti tout le potentiel du jeu. Une grande dimension tactique pour chacune de vos poses d’ouvriers, de l’interaction dans quasiment toutes les sections du jeu où l’on se dispute les lieux, les pistes de progression, les majorités et récompenses du Conflit et forcément le gain de la partie. Il y a de la nervosité et de la tension, de la réflexion et des coups bas, des retournements de situation et une course palpitante aux points. Dommage que l’on y perd en intérêt lors de parties à 2 joueurs. Sinon il pointerait sans sourciller dans les favoris pour le jeu de l’année 2021.
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