Catch Up Games a localisé Sylve et l’a envoyé dans nos boutiques spécialisées. Retour sur ce jeu qui se montre bien pensé mais qui fait grincer quelques dents.
Temps moyen : 60 min
Nombre de joueurs : 2 à 4
Âge conseillé : 10+
Éditeur : Catch Up Games
Illustrateur : Jake Morrison, Andrew Thompson
Mécanismes : placement de dés, gestion de ressources, majorité
Version acquise par nos propres finances.
Planète Catch Up Games
Catch Up Games continue de choisir ses titres soigneusement. Nous avons récemment apprécié leurs sorties telles que Gods Love Dinosaurs ou les Gardiens de Havresac. Ils ont même prolongé l’expérience de Pharaon avec une extension Conflits (on en parlait ici), mais aussi de The Loop avec Foozilla. On se réjouit surtout du prochain retour de l’excellent Paper Tales dans une réédition.
Pour Sylve, ils ont pu compter sur leur partenariat avec Pandasaurus Games outre-Atlantique. C’est un jeune auteur, Stevo Torres, qui en est derrière le concept. Celui-ci s’est fait remarquer avec Blume mais le titre n’a pas encore atterri dans l’Hexagone autrement que via Kickstarter. On remarque très rapidement la direction artistique de toute beauté du titre qui a des airs de Ghibli. On doit ce travail à Jake Morrison et Andrew Thompson (il a déjà travaillé sur du Unmatched et le prochain Dinosaur Island : Rawr ‘n write) qui devraient être sollicités plus souvent dans les années à venir.
Sylve, derrière de jolis graphismes, une guerre totale !
Sylve (ou Brew chez nos amis anglophones) est certainement un bon jeu de société mécaniquement parlant et je vous conseille personnellement de le découvrir. Par contre, le ressenti autour d’une table risque d’être mitigé, ce qui pourrait réduire ses chances de prendre place dans vos étagères sur le long terme.
Expliquons pourquoi il pourrait ne pas faire l’unanimité. Sylve introduit des mécaniques de majorité et de placement de dés. Les deux ensemble ont été pensés pour une forte interaction. Nous plaçons, chacun notre tour, un dé sur une case de diverses cartes Sylve (ou un plateau aux actions spéciales) sur lesquelles va se jouer cette majorité. Ainsi celui dont les dés visibles seront en nombre supérieur aux autres remporte la carte Sylve synonyme de points. Ce qui pimente toute cette guéguerre lévite autour des deux dés blancs dont dispose chaque joueur. Coups bas, coups de poignard dans le dos, coup de Trafalgar, tous seront de mise dans une partie de Sylve qui laisse place à la frustration.
Trois faces différentes sont présentes sur ces fameux dés blancs (Élément). Une goutte d’eau, une flamme et le vent. Encore une fois, ces mêmes dés blancs peuvent être utilisés sur les emplacements uniques du plateau central, mais c’est bien sur les cartes Sylve (où se joue la majorité) qu’ils portent un coup au moral des joueurs. Ce sera le plus malin, le plus vicieux, celui qui anticipera ou celui qui jouera le mieux contre les autres (et indirectement pour lui) qui tirera son épingle du jeu. Grâce au dé représentant la goutte d’eau, vous pouvez maximiser votre récolte, car Sylve invite aussi la mécanique de gestion de ressources.
Puis vient tout le sel du placement de dés mélangé à la majorité. Puisque le plus malin sera souvent celui qui jouera le dernier pour bénéficier (s’il a bien joué son coup) d’un contrôle sur la partie et la bataille des cartes Sylve. Avec la face du dé représentant le symbole du vent, il profite de l’action d’échanger ce dé Élément joué pour un dé Cueillette (celui de sa couleur), lui donnant un tour supplémentaire pour la suite des hostilités.
Enfin, le dé de la guerre, la flamme. Avec ce dé sur une carte Sylve, il est possible d’exterminer toute chance de l’adversaire de finir une manche avec une majorité. Ce dé est le seul à pouvoir se positionner sur un dé adverse. Rappelons que la majorité concerne les dés visibles. En étant en dessous un dé Élément, le joueur est souvent neutralisé.
Ce qui pimente aussi les parties, c’est le fait que la majorité se joue entre les joueurs, mais aussi avec ces dés Élément. Si ces derniers sont aussi présents que vos dés, vous ne gagnez rien, car vous n’êtes pas majoritaire. D’où la puissance du dé blanc révélant une flamme, il réduit votre force et se permet de vous concurrencer sur la carte Sylve que vous convoitiez. Il faudra donc jouer ce dé Élément au moment opportun si jamais vous souhaitez casser l’hégémonie d’un adversaire sur une carte.
Potions et créatures pour faire monter la tension
Sylve enrichit l’expérience de jeu avec des cartes optimisant vos chances sur la majorité, mais fructifiant aussi vos gains de ressources et multipliant vos options tactiques avec des actions supplémentaires. Pour étendre le champ des possibilités, nous avons donc des cartes Créature d’un côté de la table et des cartes Potion de l’autre côté de la table.
Avec les ressources accumulées durant vos tours, vous acquérez des potions. Si elles donnent des points, elles peuvent surtout se montrer décisives tactiquement. On ne peut en jouer qu’une par tour, c’est un détail important. Elles permettent, par exemple, de permuter deux dés, de retirer un dé Élément ou un dé Cueillette, de relancer vos dés, de choisir la face d’un dé, de brûler des cases (sur lesquelles on place des dés). Autant d’effets qui impactent le résultat d’une majorité et qui déstabilisent voire bouleversent les plans des autres joueurs. Imaginez-les retirer ou déplacer vos dés dans le dernier tour, lorsque vous n’avez plus aucune marge de manœuvre. Grincement de dents au programme.
Si les ressources sont nécessaires à l’acquisition de potions, elles ne sont pas nécessaires pour les créatures. On ne peut en obtenir qu’en plaçant notre dé sur une case Créature permettant de l’apprivoiser. Si elles permettent aussi d’engager des actions supplémentaires (souvent nécessitant un dé, à placer loin des cartes Sylve donc), elles engagent un autre aspect stratégique. Elles rapportent chacune 1 point de victoire, mais peuvent engranger plus si elles sont libérées dans les Sylves (acquises) correspondantes à leur saison (symbolisé par une couleur). 3 créatures sont actives à la fois, il faudra donc libérer les créatures au fur et à mesure de la partie si l’on souhaite en obtenir davantage.
On joue donc sur tous les fronts. Vous placez donc vos dés dans l’objectif de viser une majorité pour une carte Sylve dont l’association avec une créature donne un bonus de points. Mais les autres joueurs peuvent voir clair dans votre jeu et saborder vos plans en disputant une majorité dans le but simple de contrecarrer vos plans. Si les potions sont toutes visibles sur le marché, la tension de la partie nous permet de les oublier pour la plupart une fois dans les mains des autres joueurs.
Pas qu’une histoire de majorité
Dans Sylve, on est souvent obnubilés par ces cartes Sylve dont l’acquisition est déterminée par la majorité. Pourtant, il est possible de s’en écarter avec d’autres placements de dés. Le Village (plateau) cache en tout 10 actions uniques. 5 pour le cycle du jour, 5 pour le cycle de la nuit, chacun sur une face du plateau. Trois emplacements sont à utilisation unique, c’est-à-dire que c’est le premier arrivé le premier servi. Leurs actions permettent notamment de réserver des créatures, de brûler des cases Sylve ou de bonifier sa récolte.
C’est d’ailleurs la gestion des ressources qui peut faire la différence entre les joueurs. En multipliant les cartes Potion (nécessitant de payer en ressources), on engrange des points. En apprivoisant les créatures, on peut aussi gagner des bonus de points conséquents. Et en contrecarrant les plans des adversaires, on peut réduire son score en le privant d’une majorité.
Puis, il y a aussi l’importance de brûler des cases, soit pour limiter l’expansion de l’adversaire, soit pour se protéger, soit pour réduire les possibilités des autres joueurs. Mais attention, à jouer les pyromanes, on peut se brûler les ailes.
Le jeu est vilain, peut-être trop. J’apprécie généralement les jeux à forte interaction où l’on se porte des coups de poignard. Mais pour Sylve, il lui manque peut-être ce sentiment de progresser malgré ces couteaux dans le dos. Il peut faire sortir les (mauvais) joueurs de leurs gonds ou simplement faire grincer quelques dents en silence. Il existe peu d’échappatoires et on en réclame pour ce jeu qui dure environ une heure.
Récapitulons : Sylve m’a plu un peu, beaucoup ou à la folie ?
(ou pas du tout…)
Sylve nous installe une tension permanente, nous invite rapidement à lancer des hostilités, mais le jeu est en rien chaotique. Au contraire, il est équilibré et ne vire jamais au bordel ni aux actions aléatoires. Par contre, là où il pêche peut-être, c’est dans le ressenti des joueurs. Il y a de la frustration, du ressentiment, cette amertume de ne pas avoir pu construire sa stratégie, car dépendante aussi des actions adverses. On repart donc avec le sentiment que c’est un jeu pesant moralement, bien pensé mécaniquement, mais dont les actions méchantes ont un impact psychologique trop important. Un jeu à ne pas mettre entre toutes les mains malgré ses nombreuses qualités. Par contre, si vous appréciez les jeux avec multiples coups bas, n’hésitez pas !
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