Zapotec est la nouvelle entrée du catalogue de Pixie Games, un titre de Fabio Lopiano édité à l’origine par Board & Dice.
Temps moyen : 60 minutes à 2 joueurs.
Nombre de joueurs : 1 à 4.
Âge conseillé : 12+.
Éditeur : Board & Dice, Pixie Games.
Illustrateur : Zbigniew Umgelter, Aleksander Zawada.
Mécanismes : gestion de ressources, cartes, tuiles, draft, objectifs.
Version fournie par l’éditeur.
Planète Pixie Games
Zapotec bénéficie du partenariat entre Board & Dice et Pixie Games pour une sortie mondiale en ces jours gris de février. Pour apporter des couleurs sur nos tables de jeu, c’est Zbigniew Umgelter et Aleksander Zawada qui ont sorti les pinceaux. Les deux sont réputés dans l’industrie du jeu de société et étroitement liés à l’éditeur Board & Dice. Les deux artistes ont déjà bossé sur Tawantinsuyu (on vous le présentait à cette page), Tekhenu (notre chronique est à lire ici) et les tout récents Origins First Builders et Tabannusi.
Cette fois-ci, ils ont donc donné vie aux mécaniques imaginées par Fabio Lopiano. Vous le connaissez probablement pour des créations telles que Calimala, Merv (nous en parlions à cette adresse) et Ragusa. Le prochain projet qu’il a d’ores et déjà dévoilé à Essen est Autobahn chez Alley Cat Games
Zapotec, c’est quoi le concept ?
Zapotec est plus un jeu mécanique que thématique. On doit contribuer à l’essor de Zapotec à travers la construction de temples, de champs de maïs et de villages, sans oublier les pyramides et les sacrifices à réaliser. On connait le plaisir de Board & Dice de se servir des grandes civilisations pour placer un décor pour leurs jeux. C’est une nouvelle fois le cas puisque si l’on se fie à l’illustration sur la boîte et au nom du jeu, il est bel et bien question des Zapotèques, une civilisation amérindienne précolombienne.
Pour revenir au jeu, il implique des mécaniques de gestion de ressources et de cartes donnant une priorité dans le tour du jeu et les options de placement pour la construction des maisons (nécessitant des ressources). La gestion des ressources représente sans aucun doute le cœur du jeu. Lorsque l’on construit une maison sur une des trois régions du jeu (on y reviendra), c’est aussi pour préparer au mieux le temps des collectes pour le tour suivant. Car disposer ingénieusement ses maisons permettra une récolte efficace. De même, quand on dépense des pièces pour acheter des tuiles Commerce, c’est pour obtenir des ressources supplémentaires ou mieux les troquer (entre autres). Et choisir une carte Action lors de la première phase de jeu détermine au préalable quelles ressources on est assuré d’obtenir…
Clairement, les enjeux se situent autour de la gestion de ressources et si un joueur ne construit pas rapidement son moteur, il peut très vite être à court d’options. Zapotec se joue en 5 manches et ça passe très vite. On doit scorer vis-à-vis d’objectifs (et il faut ENCORE une « ressource » Prêtre pour y aspirer), vis-à-vis de la piste de sacrifices (encore des ressources Prêtre et Maïs pour y progresser), et des pyramides qui demandent pas moins de 4 ressources différentes pour être construites !
Bref si vous n’avez pas compris qu’il vous faudra penser rigoureusement (bien plus qu’il n’y paraît) votre gestion de ressources pour un maximum de points, je ne peux rien pour vous. Mais ce serait mentir d’affirmer qu’il ne s’agit que de cela. Le placement des habitations demande aussi une certaine vision du jeu. Il y a une répartition tripartite du plateau, à deux étages. Et il faudra l’occuper au mieux. On retrouve donc trois régions différenciées qui se distinguent par leur divinité et leur couleur. Et chacune de ces régions s’appuie sur trois terrains similaires : les plaines, les collines et les forêts. On devra construire nos maisons sur ces terrains et régions.
D’un côté, notre occupation de ces zones nous permettra de scorer vis-à-vis des objectifs. De l’autre, cela réduit nos possibilités au fur et à mesure que la partie progresse. Les emplacements se feront effectivement rares et on devra adapter notre gestion de ressources, nos projets de construction aux parcelles encore disponibles.
Une première carte d’une importance capitale
Dans Zapotec, la première phase de jeu sera capitale. Il en va de même pour cette carte Action délaissée par les joueurs qui s’installe sur le plateau du jeu. Explications.
- Choisir sa carte Action.
Chaque carte Action porte 3 indicateurs importants pour la suite. Un nombre se situe au pied de la carte. Le joueur qui possède le plus petit des nombres obtient la priorité. Au vu des emplacements qui se font rares, des objectifs qui nous demandent de nous installer d’une manière précise, des ressources que les habitations nous donnent derrière, il sera capital de ne pas sous-estimer l’importance d’être premier joueur. Au dernier tour, les actions d’un joueur peuvent faire capoter les plans d’un autre (car vous réfléchirez avec minutie vos actions).
On retrouve donc deux autres indications sur une carte : sa propriété et sa ressource. Comme je le précisais plus tôt, la carte Action vous donne une ressource bien précise, indiquée en haut de carte. Et les ressources ne circulent pas en nombre donc chacune d’entre elles est comptée et potentiellement décisive pour le gain de la partie.
Enfin sa propriété reflète le terrain OU la région sur lesquels il est possible de construire votre maison OU le type de bâtiment qui peut être construit. Si votre carte indique un champ de maïs, il sera impossible de construire un temple. Si votre carte montre une forêt, il sera impossible de construire sur une colline. Vous ai-je déjà précisé que les emplacements sont de plus en plus limités, que les possibilités deviennent plus réduites et que la propriété de la carte Action reste donc CA-PI-TALE !?
- Diriger la carte « délaissée ».
Il existe donc un autre paramètre vis-à-vis des cartes Action. Cela s’apparente à du draft. On choisit une carte Action à chaque manche de Zapotec. Une fois que vous avez joué votre carte Action, elle se dirige en fin de tour en direction de la rivière… et sera disponible au prochain tour pour les autres joueurs. En effet, on termine toujours son tour en prenant une carte de la rivière qui est donc renouvelée avec les cartes Action jouées plus une de la pioche (je suis sûr je suis clair).
Mais ce n’est pas la partie la plus intéressante ici. Il faut aussi savoir que la rivière se compose toujours d’une carte de plus que le nombre de joueurs. Si vous jouez à 2 joueurs, vous disposez donc d’une rivière de 3 cartes. On comptera donc une carte délaissée et celle-ci est aussi décisive. Elle se dirige effectivement sur le plateau et devient, par sa propriété, un facteur score pour la manche à suivre. Explications.
En fin de manche, chaque joueur marque des points selon le nombre de maisons construites sur le caractère Propriété de la carte du plateau. Je précise avec un exemple. Si la carte Action délaissée affiche comme Propriété une forêt, le joueur marquera 2 points par maison construite sur les forêts. C’est ingénieux d’avoir pensé à rendre importante une carte non choisie par les joueurs. C’est une préoccupation supplémentaire pour nous. Elle nous amène à faire des choix stratégiques importants.
Un plateau personnel pour le temps des récoltes
Ne croyez pas que Zapotec se concentre simplement sur un plateau principal. Chaque joueur bénéficie d’un plateau personnel qu’il faudra gérer d’une main de maître.
En effet, c’est sur celui-ci que vous organiserez vos récoltes pour chaque manche.
La grille des récoltes forme un carré de 3×3 cases avec une colonne et rangée pour chaque ressource. Quand vous construisez une habitation sur le plateau principal, vous récupérez la tuile du bâtiment construit (deux ressources sont indiquées dessus) et devez la poser dans cette fameuse grille en totale liberté.
Certaines cases offrent une ressource avancée immédiate (maïs, pièce ou prêtre).
Quand ce sera le temps des récoltes, vous devrez selon la carte Action choisie, récupérer toutes les ressources présentes sur vos tuiles dans la colonne ou rangée correspondant à ladite ressource plus cette dernière.
Il faudra donc bien réfléchir l’agencement de cette grille et penser aussi aux cartes Action dans ses mains. Forcément si je mets mes tuiles dans la colonne du bois et que je n’ai pas de carte Action avec du bois, je me retrouve dans de beaux draps pour la manche en cours.
Il est intéressant à ce niveau-là d’essayer diverses dispositions, dispositions qui marqueront votre façon de jouer d’une partie à l’autre.
Comme d’autres jeux, il est légitime de se poser la question si Zapotec est optimal dans une configuration à deux joueurs. Honnêtement, c’est à 2 joueurs que je joue le plus donc c’est pour moi d’une importance capitale qu’un jeu de société procure de bonnes sensations lorsque nous sommes 2 autour de la table. Ce n’était pas le cas, à mon humble avis et selon ma propre expérience, de Paléo et de Dune Imperium (tellement passionnant à partir de 3 joueurs, la gestion de l’IA a cassé quelque peu mon entrain).
Revenons à Zapotec. Je n’ai pas éprouvé un quelconque ennui à 2 joueurs, je n’ai pas trouvé un certain manque dans cette configuration. Au contraire, j’y ai même éprouvé du plaisir de jeu. Trois parties à 2 joueurs et j’ai encore envie de tenter d’autres stratégies. Il possède pour moi ce goût de reviens-y. C’est aussi dû à sa rejouabilité et aux diverses voies stratégiques.
Le plateau gère les différentes configurations par le nombre d’emplacements disponibles pour les maisons. Par ce système, on garde les mêmes enjeux en cours de partie. Une certaine liberté en début de partie dans nos choix pour se diriger vers une tension liée à des possibilités réduites dès lors que l’on arrive dans la dernière ligne droite. Dans tous les cas, le succès dépend toujours de la gestion efficace d’un moteur de ressources et des actions qui seront encore disponibles lorsque cela sera notre tour. Passer en dernier c’est le risque que vos plans de base ne coïncident pas avec les actions restantes au moment voulu.
En cela, il existera toujours la possibilité d’une petite déception si jamais vous êtes frustré de ne pas accomplir vos plans comme vous les aviez minutieusement prévus (mais c’est le jeu…). Encore plus à 3 ou 4 joueurs ? Je ne sais pas. Il y a toujours un possible imprévu en fin de partie, un bon bâton dans la roue. Soit vous l’acceptez et vous le vivrez sereinement. Soit vous pestez et cet aspect devient un problème dans l’appréciation de l’expérience proposée par Zapotec.
Et pour revenir à la question initiale, savoir si Zapotec se sort à 2 joueurs sans souci ? Ma réponse est positive. D’ailleurs, sachant que le joueur est passif lors du tour d’un autre joueur, cela peut poser problème à 4 joueurs où l’on devra attendre plus patiemment son tour… C’est donc un jeu de société que je recommanderai aisément en duo.
Il s’agit bien d’une question majeure au terme de vos parties de Zapotec. L’équilibre est-il bon entre les diverses stratégies adoptées ?
On aura tendance à vouloir remplir son plateau personnel de nos 9 tuiles et pourtant ce n’est clairement pas une obligation. Zapotec exige une gestion rigoureuse des ressources mais il demande surtout des choix importants et ça, on ne le comprend pas dès la première partie. Vos ressources économisées à gauche peuvent vous servir à droite.
La construction des pyramides est onéreuse mais rapporte beaucoup de points (selon l’emplacement de vos habitations et du nombre d’étages de la pyramide). Progresser sur la piste des sacrifices est aussi une option qui peut s’avérer payante si elle est couplée à un autre axe de développement. C’est ce qui sort le plus de nos parties après un enchaînement de parties. Il faut jouer sur plusieurs fronts sans gaspiller une ressource dans un axe qui nous rapporte peu de points. Il faudra visualiser rapidement sur le long terme ce que l’on peut faire.
C’est la grande difficulté de Zapotec. Cinq tours passent bien trop vite, trop vite pour qu’on réalise ce que l’on a bien ou mal fait, hormis autour du moteur de ressources. On réalise vite si la gestion de ressources a été désastreuse. C’est la première piste d’amélioration que l’on visualise. Or on en trouve ailleurs, dans chacun de nos choix.
Niveau rejouabilité, on a de quoi faire puisque les tuiles Commerce et les divers objectifs nous donnent des axes stratégiques à bien analyser. Il sera donc plus malin de joueur d’une certaine façon selon le matériel posé lors de la mise en place.
Oui et non.
En abordant Zapotec, je n’imaginais pas le prendre en main si facilement. 58 points plus tard, j’étais plutôt fier de mes prouesses. J’ai eu un bon feeling dès ma première partie et c’était aussi dû à la simplicité des mécaniques. On joue une carte, on récolte nos ressources, on accomplit des actions du plateau, on échange nos ressources contre nos constructions puis on passe à la manche suivante… Facile à comprendre, simple à programmer dans son ensemble, n’importe quel initié peut se lancer dans Zapotec.
Pour saisir la minutie de la gestion de ressources, il faudra plus d’une partie. Il justifie son +12 sur la boîte car je le considère ni trop expert ni trop familial.
Le plus grand souci que l’on a pu rencontrer autour de la table lévitait autour de la frustration du dernier tour pour certains. En début de tour on planifie en cachette puis on montre simultanément les cartes Action. Celui qui a la priorité joue donc le premier et effectue toutes ses actions. Au terme du tour adverse, il est arrivé qu’un joueur réalise que tout ce qu’il avait planifié était fichu à cause des actions réalisées par son adversaire du jour… Très frustrant de terminer une partie comme ceci alors que l’on a souvent l’habitude de sentir une montée en puissance dans ce genre de jeux et de terminer une partie en apothéose.
Récapitulons : Zapotec m’a plu un peu, beaucoup ou à la folie ?
(ou pas du tout…)
Zapotec s’avère un jeu de société assez accessible pour être abordé sereinement par un public d’initiés mais assez complexe pour récompenser les joueurs les plus rigoureux et inspirés dans leur gestion de ressources. Dès la première partie, j’ai personnellement eu un bon feeling avec. J’ai été bluffé par un design qui parvient, en une heure de jeu à 2 joueurs, à proposer des mécaniques compactes et des sessions de jeu rapides et efficaces. Un jeu qui mérite bien qu’on s’y attarde plus d’une partie.
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