[Critique] Jump : l’Âge d’Or du manga

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Nous avons lu le livre Jump : l’Âge d’Or du manga édité par KuroPop et ce fut une lecture longue mais intéressante.

Auteur : Hiroki Gotô
Nombre de pages : 336
Livre édité chez KuroPop
Date de sortie initiale : 4 juillet 2019
Prix : 18,90 €
Version du livre fournie par l’éditeur

Nous avons donc pu parcourir Jump : l’Âge d’Or du manga. Félicitons le travail de traduction de Julie Seta tant l’œuvre est riche en anecdotes et je suppose que cela a demandé des mois pour retranscrire ces plus de 300 pages en français. Remercions-la car la lecture a été longue mais jamais elle n’a été très ennuyeuse. Au contraire, Hiroki Gotô nous livre un récit passionnant dans le monde de l’édition japonais de l’un des plus grands magazines nippon, le Shônen Jump.

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Un témoignage précieux

Aucun doute. Vous connaissez, sans aucun doute possible, les mangas Dragon Ball, Olive et Tom, Nicky Larson, Jojo’s Bizarre Adventure, Les Chevaliers du Zodiaque et Ken Le Survivant. Vous connaissez probablement moins Isamu le garçon de la plaine, Livré au désespoir (Yaburekabure) et l’École impudique, Muscleman et Racaille Blues. Pourtant ils ont tous la similarité d’avoir été publié dans le Shonen Jump.

Si le milieu culturel autour du manga ne témoigne que par les tomes et les chapitres publiés à grande échelle, nous n’avions pas la chance d’en connaître les coulisses. Il serait légitime de se poser la question de la façon dont fonctionne cette industrie. Nous pouvons désormais compter sur une mine d’informations grâce au témoignage de Hiroki Gotô dans un livre disponible depuis quelques semaines maintenant, Jump : l’Âge d’Or du Manga.

Hiroki Gotô est devenu rédacteur en chef du magazine dans les années 80 et il a eu la géniale idée de nous raconter sa riche expérience en tant qu’employé pour le magazine, de ses débuts à sa domination, commentant ainsi l’essor de l’industrie. Des anecdotes avec les différents auteurs aux conditions de pérennisation d’une œuvre en passant par les remises en contexte sociétales de l’époque. Ce témoignage est un cadeau inestimable.

Un héritage de grande valeur

Si le manga n’a pas eu une grande influence sur notre société occidentale malgré la popularité de certains mangas, l’impact sociétal sur le Japon a parfois été important. Hiroki Gotô le raconte avec une grande justesse et des anecdotes réellement intéressantes. Néanmoins, son récit se concentre un moment sur les règles d’or dans une rédaction, ce qui devait assurer la pérennité du magazine Jump, les décisions de favoriser telle œuvre, l’exigence imposée autant aux mangakas réputés qu’aux novices. On ne vous racontera pas tout mais on partagera quelques passages qui nous ont parus primordiaux.

Je trouve particulièrement intéressant lorsque les grands principes éditoriaux du Shōnen Jump sont détaillés avec minutie. On apprend ainsi qu’une enquête auprès des lecteurs était réalisée régulièrement. Il est important de préciser que les mangas ciblaient un jeune public car dans la tête des chefs, si un manga plaît aux enfants, il a aussi toutes ses chances de plaire aux adultes. Nous ne sommes pas dans le même registre que les dessins animés occidentaux.

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La priorité était aussi donnée aux jeunes talents qui bénéficiaient du même traitement que les vétérans. De même, les exclusivités étaient difficiles à négocier mais s’imposaient d’elles-même puisque le rythme imposé est très lourd et ne permet pas de se disperser avec plusieurs projets en même temps. Cela nous amène à d’autres détails croustillants, concernant le rapport entre le mangaka et son éditeur. Parfois la réussite d’un titre dépend de leur entente et il est arrivé qu’ils s’accrochent.

Enfin, toutes les époques et tous les aspects de l’âge d’or y sont traités. Le récit est d’une honnêteté judicieusement bénéfique à cette biographie. Cela ne se concentre pas sur la personne mais sur des moments majeurs et décisifs de la pérennité du magazine. On a donc une interprétation d’un homme qui a participé à cette hégémonie. Il raconte, selon lui, ce qui a contribué à sa domination sur le marché. Et les facteurs sont nombreux et divers selon les époques, ce qui en fait presque un récit digne d’un document historique.

Manga et Société

Quelques mangas ont causé bien des tourments à la société nipponne. Dans un pays où la morale est primordiale, l’École Impudique (Harenchi Gakuen en VO) a par exemple fait un carton. Mais cette scolarité improbable dépeint par Gô Nagai a rapidement été pris pour cible par des associations.

Il faut dire que nous avons droit là à une œuvre dérangeante. Les profs étaient tout sauf des éducateurs décents. Le Japon a ensuite connu des mouvements de protestations étudiants symbolisant le malaise éducatif de l’époque. Et on y voit la corrélation entre le manga et les événements sociaux de l’époque, ce qui demeure un passage particulièrement captivant à lire.

Circuit No Okami Jump

A côté, on découvre l’impact d’un manga comme le Loup du circuit (Circuit no Ôkami en VO). Il a participé considérablement à l’essor des supercars au Japon. Là encore, on assimile rapidement que des facteurs extérieurs sont en mesure de déterminer le succès d’une œuvre. Malgré des résultats mitigés, le titre a gagné en popularité grâce à l’organisation d’un Grand Prix de course au Japon. Suite à cela, le succès a été au rendez-vous car la discipline a passionné soudainement le public. Si vous doutiez maintenant des techniques de marketing à tout vouloir sortir en même temps autour d’une franchise, l’histoire de cette œuvre peut définitivement vous convaincre.

Enfin, l’apport du manga Olive et Tom (Captain Tsubasa en VO) a été énorme. Suite à son succès auprès du public, le championnat de football japonais doit énormément à l’œuvre de Yōichi Takahashi, des superstars ont émergé suite au football qu’il a imaginé (Hidetoshi Nakata) et l’émulation a été telle que c’est le football japonais qui a connu son apogée en 1998 lors de la Coupe du Monde en France ! Et peut-être que dans quelques années, on écrira que les mangas illustrant le rugby ont participé à son essor au Japon dans la décennie 2010 et à leur formidable épopée lors de la Coupe du Monde 2019.

Chronologie Maîtrisée

Hiroki Gotô ne propose pas une vision thématique de l’histoire de l’âge d’or du manga. Il narre son expérience du début à la fin en prenant pour exemple bon nombre de titres qui ont marqué un tournant décisif ou qui ont eu un grand impact sur le marché ou sur la société japonaise.

De ce fait, il énumère diverses œuvres et y consacre quelques paragraphes plus ou moins intéressants. Si certains titres me paraissaient inconnus car totalement d’une autre génération. Plus l’on se rapprochait de la fin du 20e siècle, plus je m’y retrouvais. Mais n’allez pas croire que le récit des premiers mangas est inintéressant. Il le sera peut-être pour le lecteur qui ne souhaite pas s’y documenter, auquel cas je lui déconseillerai l’achat du bouquin. Par contre, cet ouvrage est une mine d’or pour tout fan souhaitant se cultiver sur une culture dont l’on ne connaît généralement qu’à partir des sorties de notre époque. En découvrant des titres dans ce livre à considérer comme un livre d’histoire, j’ai eu envie à de multiples reprises de m’attarder sur les récits sur lesquels Gotô se penche.

Dragon Ball Jump

En cela, c’est une vraie réussite pour tout fan ayant une soif de connaissance accrue. J’ai personnellement pris davantage de plaisir à acquérir des infos sur des œuvres méconnues plutôt qu’à lire des anecdotes sur Dragon Ball. D’ailleurs, en tant que fan de la série, je ne pus m’empêcher d’être captivé par les anecdotes autour d’Akira Toriyama, sa vie avant d’être mangaka et les détails entourant Dr Slump. Et il n’y en a pas que pour le légendaire créateur de DBZ, on retrouve des détails sur des titres emblématiques telles que Ken le Survivant (Hokuto no Ken), Nicky Larson (City Hunter), Les Chevaliers du Zodiaque (Saint Seiya), Jojo’s Bizarre Adventure, Slam Dunk et bien d’autres.

Jump l’Âge d’Or du Manga est un récit incontournable pour tous les amoureux de cette culture nipponne. A moins d’être effrayé par les 300 pages à lire, le tableau offert par Hiroki Gotô fourmille de détails et d’infos croustillantes. Précieux, complet, passionnant, ce document historique est un témoignage indispensable pour comprendre l’industrie du manga au Japon et son succès international.

 

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