Third Editions a publié cette année un livre consacré à The Last of Us retraçant le parcours de Naughty Dog en s’attardant longuement sur la franchise qui est parvenue à placer son empreinte dans l’industrie vidéoludique.
The Last Of Us est un monument de l’industrie du jeu vidéo même si la franchise ne compte que deux épisodes principaux et un DLC standalone. L’oeuvre est clivante, encore plus depuis son second épisode qui a fait naître de grands débordements de la part de la communauté. Il faut dire que les joueurs s’approprient rapidement les jeux vidéo auxquels ils jouent et tiennent souvent à accepter le destin de leur héros. Or Naughty Dog a conçu la série The Last Of Us autrement, loin de l’emprise et des attentes des fans autour de la franchise. Il était alors logique que le scénario du second épisode créerait un choc.
Third Editions a déjà consacré de nombreux ouvrages à l’univers du jeu vidéo (Pokémon, Kingdom Hearts, The Witcher) et ce n’est pas vraiment une surprise de voir apparaître un livre autour de The Last Of Us. Pour accomplir cette mission, c’est Nicolas Deneschau qui s’est lancé dans une longue documentation et un décryptage qui s’avère de qualité.
- Un extrait de l’ouvrage est disponible sur le site officiel de Third Editions.
Quant à moi, je me suis lancé dans la lecture de cet ouvrage en octobre et l’ai terminé mi-novembre. Je dirais que cela m’a pris un bon mois pour aller du premier au dernier caractère. Je ne l’ai pas dévoré simplement parce que je ne suis pas un dévoreur de livres. Depuis mon départ de la fac après cinq années d’Histoire et Géographie, j’accorde peu de temps à la lecture d’ouvrages littéraires et historiens. C’est désormais dans les transports en commun que je trouve toutes mes opportunités de lecture. Cela dit j’ai beaucoup aimé le dernier livre Third sur Pokémon et j’enchaîne déjà sur celui de Berserk (notre ami Soren vous en parlait à cette page).
J’apprécie m’attarder sur des bouquins qui parlent d’œuvres qui m’ont passionné. Il était important pour moi de préciser le profil que je représente, cela peut impacter mon appréciation de ce que je lis. Puis il est possible que vous vous identifiez à moi vis à vis du temps que vous consacrez à la lecture.
Que reste-t-il de l’humanité ?
Rentrons dans le vif du sujet et abordons ce que j’ai apprécié dans l’ouvrage écrit par Nicolas Deneschau. Déjà sa forme. Elle m’a rappelé le commentaire universitaire d’un texte à la fac. Sauf que ce n’était pas un texte, un discours, un récit mais un jeu vidéo. Il s’est consacré au décryptage de la franchise The Last Of Us en revenant sur le déroulement du premier opus puis du second. Bien sûr, il est aussi revenu sur le DLC du premier épisode, ce qui change entre les deux opus au sein de Naughty Dog, tout le contexte autour des jeux et où les créateurs tirent leur inspiration.
Dès lors il ne pouvait trop s’éloigner de son sujet. Si vous avez donc joué aux deux titres (voire aux trois avec le standalone), vous gardez donc vos repères à la lecture du livre. Mais l’ouvrage édité par Third ne raconte pas seulement chapitre après chapitre ce qui se passe dans le jeu. Elle aborde bien évidemment les thèmes dont se nourrit Naughty Dog pour poser les fondations de son chef d’oeuvre. L’amour, la haine, la vengeance et ce fameux cycle de la violence. Il nous fait aussi prendre du recul sur notre vision de l’intrigue et de ses personnages, à quel point on s’est attaché, par exemple, à Joël alors qu’il n’a rien de la figure classique d’un preux chevalier. L’évolution d’enfant en adulte d’Ellie, le duo qu’elle forme avec Joël mais pas seulement, la perception d’Abby qui est au final la révélation du second opus.
Puis ce qu’on retient de cette licence. Le message qui est porté, comment Naughty Dog nous prend à revers et emmène l’intrigue là où EUX ils le veulent. En plus de cette analyse de scènes et du jeu dans sa globalité, il nous est rapporté des propos des créateurs qui servent la compréhension du jeu, du moins comment il a été conçu, avec quels objectifs. On nous rappelle aussi ce qu’il en a coûté aux héros dans l’ombre de la licence, c’est-à-dire les développeurs qui ont dû quitter le studio tant les conditions de travail s’avéraient trop difficiles pour eux.
Au final, Naughty Dog reste un pur produit de son époque. Le studio a toujours puisé son inspiration ailleurs dans ses mécaniques, dans sa façon de concevoir le jeu vidéo, montrant une facilité à réaliser des jeux dont le genre est en vogue au point d’en maîtriser tous les rouages, au point même de développer son expertise dans la conception, sa propre patte dans la création. Le chemin parcouru jusqu’au second volet de The Last of Us a permis aux créateurs de prendre leur envol, de proposer une expérience unique, dotée d’une plume singulière. Et la réception du jeu par la presse puis par le public, tout en sachant ce qu’il en a coûté (le crunch était connu depuis plusieurs semaines avant sa sortie, on vous en parlait à cette page) est le reflet de notre industrie, de notre époque.
Quelques jours après sa sortie sur PlayStation 5, on évoquait davantage les réactions houleuses et plus que disproportionnées d’une partie de la communauté que les conditions de travail chaotiques des employés chez Naughty Dog. Certains osaient même dire qu’un résultat fantastique les justifiaient. Aujourd’hui le jeu vidéo parvient à diviser quant à son scénario mais ne parvient pas à mobiliser autour des employés. Heureusement, cela s’améliore et la toxicité managériale est de plus en plus dénoncée chez les gros éditeurs. Malgré la prise de conscience, la période de crunch disparaitra-t-il pour autant ? Je ne pense pas.
Quittons cet aparté. Félicitons Third et l’auteur de ce livre pour le travail accompli. Le propos est de qualité et s’appuie sur une belle documentation. Si vous n’avez jamais fourré votre nez dans l’histoire du studio, je ne peux que vous conseiller la lecture de cet ouvrage qui décortique ingénieusement la franchise The Last of Us sans oublier de contextualiser et de s’attarder sur les premiers projets du studio, comment ils sont parvenus à devenir un fer de lance des machines de Sony.
Encore un ouvrage Third à ne pas manquer si vous êtes passionné de jeux vidéo et dont la lecture reste fluide même pour une personne n’étant pas habitué à lire des bouquins de 500 pages.
