Affaire Ubisoft : Gamasutra rapporte de nouveaux signalements

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Le média américain Gamasutra fait état de nouveaux signalements glaçants concernant des agissements toxiques au sein d’Ubisoft Québec, Montréal et Singapour.

On aimerait que les cas de harcèlement signalés jusqu’à présent soient les seuls, mais ce n’est visiblement – et hélas – pas le cas. La liste des accusations d’agissements toxiques chez Ubisoft, en effet, s’allonge encore avec le dernier rapport du média américain Gamasutra qui a échangé avec des témoins affirmant avoir été victimes de pratiques alarmantes. L’article complet (que vous pouvez retrouver ici), regroupe les témoignages de plusieurs employé.e.s issus des studios de Québec, Montréal et Singapour, et conclut sur une accusation concernant Yves Guillemot qui aurait personnellement validé la mise sous protection d’un employé toxique.

➡ Résumé de l’affaire : « Accusations de harcèlement chez Ubisoft : « rien n’est vrai, tout est permis ? » »
« Harcèlement au travail : des (grosses) têtes tombent chez Ubisoft »
« Management toxique chez Ubisoft : des employées dénoncent un « climat de terreur » à Montréal »
« Affaire Ubisoft : les excuses en interne du PDG Yves Guillemot »
« Affaire Ubisoft : départ de Tommy François, qui aurait été licencié »

Signalements à Ubisoft Québec

Depuis le début de ce que nous appelons « l’affaire Ubisoft », initiée par une enquête édifiante de Libération suivie d’une autre de Numerama (cf. le lien « résumé de l’affaire » ci-dessus), des noms d’employés désignés comme extrêmement toxiques ont commencé à être révélés. On citera parmi ceux-ci l’ex-présentateur-vedette de Game One et vice-président du service éditorial Tommy François, un autre VP du même service en la personne de Maxime Belland, le PDG d’Ubisoft Montréal Yannis Mallat, ou encore l’ancien président du service édito Serge Hascoët. D’autres noms avaient également été mis en cause, notamment celui de Cécile Cornet, DRH monde, accusée d’avoir couvert des employés harceleurs à Montreuil ; ou encore Ashraf Ismail, ancien directeur créatif d’Assassin’s Creed Valhalla, qui a officiellement quitté le navire pour des raisons d’ordre privé mais dont le timing soulève quelques questions chez certains observateurs.

Avec cette enquête de Gamasutra, de nouveaux noms apparaissent et concernent pas moins de trois studios. Le premier d’entre eux est Jonathan Dumont, directeur créatif d’Assassin’s Creed Odyssey à Ubisoft Québec, accusé d’être un véritable bourreau envers ses employés. D’après les témoignages recueillis par Gamasutra, Jonathan Dumont ferait usage d’intimidation à l’égard d’employé.e.s par le biais de sa présence physique qu’il exacerberait en claquant violemment des portes, en frappant les murs, ou encore en lançant des objets, le tout en insultant des membres de l’équipe par l’intermédiaire d’injures parfois homophobes. L’homme est ici décrit comme étant narcissique et tenant régulièrement des propos misogynes et homophobes.

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Lesdits témoignages vont d’ailleurs dans le sens d’un phénomène couvert par les supérieurs, écartant l’idée d’un cas isolé. Le nom d’Hugo Giard (directeur des quêtes pour Gods & Monster), par exemple, ressort également et décrit un homme « insultant », qui possèderait le même comportement que celui de Jonathan Dupont. Une source de Gamasutra décrit Hugo Giard comme ayant déjà détruit moralement certaines personnes sans raison, et qui ciblerait avant tout les femmes et les nouvelles recrues. Gamasutra cite un témoignage en particulier à son sujet :

« Il aime aussi pousser les gens à pleurer durant les réunions, les femmes en particulier. Je ne compte même plus le nombre de personnes qui ont quitté le studio parce qu’ils ne pouvaient plus supporter de travailler avec lui, qu’il s’agisse d’employé.e.s de type junior ou senior. Personne n’était épargné, et il continuait de gagner du pouvoir malgré tout cela. »

 

Un témoignage que corrobore une autre source :

« Jonathan Dumont et Hugo Giard sont tous les deux des bourreaux qui se fichent des employés qui travaillent avec eux et promeuvent une culture basée sur la peur. La liste des gens qui sont partis à cause d’eux est effrayante. »

 

Toujours à Ubisoft Québec, une autre personne est mise en cause par des témoignages adressés à Gamasutra : Stephane Mehay, producteur associé du studio. L’homme est accusé de faire usage de manipulation et d’agressions verbales à l’égard de certains collègues. Plusieurs sources affirment avoir soit observé un tel comportement, soit en avoir été victime. Parmi ces témoignages, l’un d’eux explique que Stephane Mehay aurait l’habitude de pousser les gens à bout et d’utiliser le français pour exclure d’une conversation ou insulter des employé.e.s anglophones présent.e.s dans la même pièce que lui.

Un comportement qui aurait été connu et toléré par Marc-Alexis Cote, producteur exécutif et ancien directeur créatif du même studio. Alors que certaines sources affirment que celui-ci les a toujours traité correctement, une large partie d’entre elles dénoncent au contraire le fait qu’il était au courant des agissements de ses collèges sus-cités et qu’il n’aurait rien fait contre ça. Gamasutra cite d’ailleurs quelques-uns de ces témoignages discordants :

« J’ai toujours senti qu’il assurait mes arrières, mais je savais également qu’il ne se mouillerait jamais lui-même. »

« Il avait connaissance de beaucoup de choses concernant les agissements de Jonathan et Hugo, mais le travail était toujours accompli et quand vous êtes un studio d’environ 500 employé.e.s, quelques mécontents qui quittent l’entreprise n’ont pas vraiment d’importance pour eux. »

 

Marc-Alexis Cote est décrit par ses détracteurs comme un homme capable de s’adapter au climat de l’entreprise et qui userait de formes de manipulation plus subtiles, tout en ajoutant qu’il s’agirait d’un homme narcissique et très manipulateur qui se ficherait de la santé de ses employé.e.s ou du studio tant qu’il peut continuer à grimper les échelons.

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Gamasutra, s’appuyant sur ses sources, indique que les cas cités précédemment cités sont représentatifs de la culture d’entreprise au sein d’Ubisoft Quebéc, où le modèle de « l’homme alpha » serait largement favorisé. Gamasutra cite également un témoignage faisant état d’une culture d’entreprise chez Ubisoft qui privilégierait plus globalement les profils de personnes dominatrices aux postes de direction malgré les abus potentiels.

Singapour : entre racisme et harcèlement sexuel

Mais l’article de Gamasutra ne s’arrête pas à Ubisoft Québec. Le site se base à nouveau sur ses sources afin de mettre en lumière des problèmes qui seraient présents au sein d’autres studios de l’entreprise. A Ubisoft Singapour, par exemple, des témoins alertent sur la présence de sexisme, de racisme et de diverses formes de harcèlement, précisant que beaucoup de personnes concernées par ces accusations seraient situés à des postes importants.

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Sous-entendus salaces, ambiance boy’s club (déjà soulevée par Libération concernant le service édito de Montreuil), propos racistes ouvertement évoqués… la liste est sidérante, et le directeur général Hugues Ricour est également accusé de harcèlement sexuel. Toujours selon les témoignages recueillis par Gamasutra, Hugues Ricour serait un habitué des remarques déplacées à l’encontre d’employées et « encouragerait [celles-ci] à l’embrasser durant certains évènements professionnels ». Les personnes osant signaler ces agissements auraient été la cible de ripostes de la part du concerné qui userait de son influence pour dégrader leurs conditions de travail. Gamasutra précise néanmoins que Hugues Ricour n’a jamais fait l’objet d’une plainte, mais les témoignages accusent les ressources humaines d’être au courant de ces agissements.

La liste s’allonge encore et toujours, Gamasutra citant ensuite le cas de Justin Farren (ancien directeur créatif de Skull & Bones qui a depuis quitté Ubisoft Singapour. Celui-ci est accusé d’avoir tenu des propos tels que « je ne baise que des filles asiatiques » et « je ne sors jamais avec des filles blanches ». Des propos signalés par une employée choquée, mais qui n’ont, d’après les sources de Gamasutra, jamais donné suite à une quelconque réaction de la part de la direction. Un autre employé, Jordi Woudstra (chef de produit marketing jusqu’en 2020) voit son nom parmi les témoignages visant Ubisoft Singapour, et celui-ci aurait effectué des attouchements sur une collègue malgré un refus clairement clairement énoncé par la victime. Un comportement qui a valu au concerné d’être déménagé dans un autre immeuble, mais qui aurait toutefois permis de créer un nouveau système de signalement en interne.

Nouveaux témoignages à Montréal et mise en cause d’Yves Guillemot

C’est ensuite sur Ubisoft Montréal que l’article de Gamasutra s’attarde, et où une source affirme avoir été harcelée par deux de ses collègues. Une affaire portée jusqu’aux ressources humaines mais qui aurait débouché sur une mise en cause de la victime ainsi que sur une proposition de signer un accord l’empêchant de diffamer Ubisoft publiquement (document consultable ici). Après avoir refusé ce qu’elle considérait comme un achat de son silence, la source ajoute qu’elle a quitté l’entreprise peu de temps après. Les deux personnes accusées de harcèlement seraient toujours en poste au moment de l’écriture de cet article.

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Notons, pour finir, que Gamasutra a également recueilli le témoignage d’un.e ancien.ne chef.fe d’équipe d’Ubisoft qui affirme qu’Yves Guillemot et son équipe l’auraient empêché de renvoyer un membre problématique de son équipe car ce membre était « talentueux » et apportait plus à l’entreprise qu’il ne lui causait de dommages collatéraux. Et quand la source en question a signalé que cette politique ne serait pas bénéfique sur le long terme, son commentaire aurait été ignoré, et la personne incriminée se serait même vu offerte des actions Ubisoft. Un témoignage qui ferait ainsi écho aux révélations de Libération concernant des propos que le journal attribue à Cécile Cornet (ex-DRH monde) : « Yves est d’accord avec une gestion toxique tant que les résultats de ces gestionnaires dépassent leur niveau de toxicité. ». De quoi écorner toujours plus la défense du PDG qui affirme depuis le début n’avoir jamais été au courant des agissements mis en lumière, affirmant encore récemment auprès de ses actionnaires que des proches avaient trahi la confiance qu’il avait placé en eux.

Au cours des dernières semaines, comme nous l’expliquions à la fin de notre précédent article au sujet de l’affaire Ubisoft, des mesures ont néanmoins été annoncées par Yves Guillemot et par communiqué de presse afin de prendre en charge les très nombreuses accusations dont l’entreprise est la cible depuis début juillet.

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Communiqué de presse du 12 juillet.

Des audits réalisés en externes ont été demandés, par exemple, et des formations obligatoires ont été annoncées à destination des employé.e.s et des managers afin de les sensibiliser au sujet du harcèlement au travail. Des mesures significatives et encourageantes, donc, si ces dernières s’avèrent sincères dans leur mise en place, et qui s’accompagnent d’ailleurs d’une percée du syndicalisme au sein du studio de Montreuil – malgré les réticences de la direction à ce sujet, comme le précisait la première enquête de Libération. Le mois dernier,  STJV avait en effet annoncé ouvrir une section syndicale à Montreuil afin de soutenir les employé.e.s et les guider dans leurs droits et leurs procédures.

Cet article de Gamasutra vient ainsi rajouter un poids supplémentaire sur les épaules d’Ubisoft qui aura énormément d’efforts à fournir afin de retrouver la confiance de ses employés dénonçant les pratiques mises en cause. Une confiance nécessaire à la stabilité d’une entreprise forte d’environ 18 000 salariés et qui mise depuis toujours sur une image d’entreprise familiale, comme nous l’évoquions récemment lors d’un podcast avec nos confrères de Downgrade.fr en compagnie du journaliste Erwan Cario, co-auteur de la première enquête de Libération.

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